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L'autre rive [Lucius]



24.09.22 21:03

Invité
Anonymous
Invité
"Voyez," dit Athos, "cette femme a un enfant,
et cependant elle n’a pas dit un mot de son enfant !"

Le bateau s’éloigna vers la rive gauche de la Lys,
emportant la coupable et l’exécuteur ;
tous les autres demeurèrent sur la rive droite,
où ils étaient tombés à genoux.
Alexandre Dumas



La petite voix sucrée, faussement enfantine de l'actrice minaudait, avec une apparence de confusion qui gênait beaucoup Tommen ; et ses répliques avaient un écho sinistre dans l'âme du vieux vampire, où elles tombaient droit dans des gouffres qu'il aurait préféré éloigner de sa mémoire. Elle ne pouvait pas s'en douter, bien sûr. Elle récitait un texte ancien, en prenant des poses lascives dans la robe trouée qu'on lui avait fait porter pour l'occasion, et elle était tout juste assez ingénue, tout juste assez rêveuse, tout juste assez vénéneuse ; c'était lui qui n'était pas bon public ce soir.

"Pourquoi le tétrarque me regarde-t-il toujours avec yeux de taupe sous ses paupières tremblantes ?… C’est étrange que le mari de ma mère me regarde comme cela. Je ne sais pas ce que cela veut dire… Au fait, si, je le sais."

La place résonnait des mots lancés à la foule. Il faisait nuit noire et des flambeaux environnaient cette scène immémoriale, biblique par son inspiration, plus ancienne encore par les forces psychologiques qui s'y affrontaient. Salomé réclamait qu'on lui amène le prisonnier, et le geôlier, un jeune Syrien conscient de risquer sa tête, tentait de refuser. Mais on ne refuse pas facilement à une Salomé, et elle la lui tournait proprement, la tête, et il n'avait aucune chance. La foule observait, étonnée par le langage archaïque, inquiète de l'issue que les changements de civilisation avaient fait oublier aux moins instruits. Tommen, debout comme un grand-duc au dernier rang, avait fermé les yeux. Les échos résonnaient toujours, et adoptaient presque le son d'un glas.

"Vous ferez cela pour moi, Narraboth. Vous savez bien que vous ferez cela pour moi. Et demain quand je passerai dans ma litière sur le pont des acheteurs d’idoles je vous regarderai à travers les voiles de mousseline, je vous regarderai, Narraboth, je vous sourirai, peut-être. Regardez-moi, Narraboth. Regardez-moi. Ah ! vous savez bien que vous allez faire ce que je vous demande. Vous le savez bien, n’est-ce pas ?… Moi, je sais bien."

Et il cédait, le jeune capitaine. Il n'était pas charmé, il était horrifié ; il n'était pas amoureux, il abdiquait. Depuis le début de la pièce, les différents personnages, et lui le premier, étaient conscients que la déesse chasseresse, la Lune, cherchait ce soir une victime. Il allait à la mort, en laissant la princesse refermer les griffes sur son âme par quelques paroles doucereuses. Il allait chercher le captif, le prophète, dont le roi avait interdit que quiconque recueille les enseignements. Et Salomé, féline, se passait la langue sur les lèvres, car elle allait trahir le jeune Syrien, elle allait offenser le roi. Et n'allait-elle pas lui donner ce qu'il voulait, à ce roi, au mari de sa mère ? Une vilaine petite pécheresse.

"Je suis sûre qu’il est chaste, autant que la lune. Il ressemble à un rayon de lune, à un rayon d’argent. Sa chair doit être très froide, comme de l’ivoire… Je veux le regarder de près."

Tommen rouvrit les yeux, saisi d'une sorte d'angoisse soudain. Il avait ressenti le passage d'un parfum non loin de lui. Mais à parcourir la place du regard, il ne trouvait personne, qu'un souvenir. Et le prophète Jean-Baptiste, tiré de son cachot, se faisait la voix de son réflexe de recul :

"Qui est cette femme qui me regarde ? Je ne veux pas qu’elle me regarde. Pourquoi me regarde-t-elle avec ses yeux d’or sous ses paupières dorées ? Je ne sais pas qui c’est. Je ne veux pas le savoir. Dites-lui de s’en aller. Ce n’est pas à elle que je veux parler."

Une vilaine petite pécheresse, que les hommes regardaient trop, alors pourquoi ne voulait-il pas la regarder, celui-là ? Ce devait être un jeu sexuel, il reculait pour mieux sauter. Salomé tournait autour de sa proie comme un vautour, en récitant une litanie de sorcière, pas à pas sans même avoir l'air de respirer, regard fixe sans cligner les paupières, forme humaine à laquelle manquait quelque chose, quelque chose que l'on ne peut pas voir. C'était bien joué, rien à dire ; c'était trop bien joué. Tommen n'aurait admis aucune critique. Il commençait aussi à se dire qu'il ne supporterait pas de regarder la pièce jusqu'au bout. Lentement, il recula, rajustant les pans de son manteau autour de sa silhouette vacillante, tandis que la litanie le poursuivait :

"Tes cheveux sont horribles. Ils sont couverts de boue et de poussière. On dirait une couronne d’épines qu’on a placée sur ton front. On dirait un nœud de serpents noirs qui se tortillent autour de ton cou. Je n’aime pas tes cheveux… C’est de ta bouche que je suis amoureuse, Iokanaan. Ta bouche est comme une bande d’écarlate sur une tour d’ivoire. Elle est comme une pomme de grenade coupée par un couteau d’ivoire."

Le vertige de Tommen, à ce mélange de haine et de ce mépris qui se déguisait en dévotion, montait vers des sommets qui lui rappelaient terriblement une certaine rencontre ; pas question, il fallait que ces sons disparaissent de sa nuit. Et alors qu'il marchait à grands pas vers la sortie de la place, il remarqua qu'une autre ombre s'était arrachée aux vagues mouvantes du public, au murmure tatoué de silences qui environnait le dialogue des acteurs. Le jeune capitaine Syrien s'était poignardé pour ne pas voir ce qui suivrait, et son amant esseulé tentait en vain d'alerter la princesse indifférente en une poignante lamentation. Elle, toujours, s'efforçait d'hypnotiser le captif, son obsession du moment, d'autant plus désirable qu'elle se refusait catégoriquement, et qui reculait dans sa cage.

"Je baiserai ta bouche, Iokanaan."

"Je ne veux pas te regarder. Je ne te regarderai pas. Tu es maudite, Salomé, tu es maudite."

"Je baiserai ta bouche, Iokanaan, je baiserai ta bouche."

Enfin, il fut trop loin pour entendre et s'arrêta pour attendre l'autre homme qui s'éloignait, tout aussi vivement que lui, du théâtre en plein air. Il l'avait reconnu, et il aurait été de mauvais ton de ne pas saluer un nouveau Conseiller, et puis, clairement, ils avaient eu la même réaction à la même scène, et cela le rendait curieux - pouvait-il vraiment être curieux d'une chose si simple, si anecdotique ? Après tout, cette pièce avait bien été écrite en langue française par un auteur irlandais, alors, toutes sortes de choses étaient possibles.
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25.09.22 14:37

Lucius Malkavian
L'autre rive [Lucius] 1b13b969adb0c0a3415ef5bcf3449082ea707fb2
Je peux te sourire, mais dans ma tête, je t'ai déjà sans doute brûlé sept fois.
֎ Faciem : Joaquin Phoenix
֎ Officium : Prêtre et conseiller de l'égalité
֎ Locus : Le Sanctuaire
֎ Creator : L'Ombre
֎ Nuntium : 315
֎ Adventus : 04/10/2021
֎ Multicomptes : Omen
֎ Pseudo : Shenzy
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Lucius Malkavian
La Régence
https://lrth.forumactif.com/t2186-lucius-malkavian-la-folie-est-un-don-de-dieu https://lrth.forumactif.com/t2188-lucius-malkavian-les-vivants-savent-qu-ils-sont-fous#51023
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L'autre rive
Toi et moi avons vécu les mêmes étrangetés. Toi et moi n'avons pas pu les exprimer alors. Toi et moi allons parler.

compatriote @Tommen Hodgkin  
https://i.pinimg.com/originals/37/7c/45/377c45c39c175334efba5a3cece88216.jpgSeptembre 2388

L'art, il faut le vivre, le faire vibrer.
Dans ce monde de noirceur, de lutte, et de désespoir lattent, il n'y a rien de plus agréable que de profiter, le temps d'un instant, du talent des êtres qui foulent encore courageusement ce monde. Pour ma part, j'ai toujours des frissons qui me parcourent l'échine, au moment où la peinture touche la toile, ou la musique caresse mes oreilles, ou quand l'artiste entre en scène. Cependant, cette nuit-là, j'ai toutes les peines du monde à me concentrer pleinement sur ce qui se passe sous mes yeux.

Au départ, je n'ai pas senti le doute s'insinuer dans mon esprit. J'ai mis cela sur le compte de la fatigue, ou peut-être de la faim. Je n'apprécie pas ce qui se passe sous mes yeux. J'aime le théâtre, la comédie, la subtilité du jeu. Mais ce soir, quelque chose de "trop" est en train de se passer. Ce n'est pas de la lassitude, c'est autre chose de plus acide sur laquelle je ne parviens malheureusement pas à mettre un mot.

Irène ?

Je l'ai mimé sur mes lèvres, me sentant immédiatement souillé dès que je regarde dans les yeux de l'actrice. Elle n'est pas elle, c'est une certitude, elle le joue seulement. Je suis tenté de partir, de fuir, comme je l'ai toujours fait. Mais je reste sur place, me convainquant que c'était idiot de me priver d'une œuvre sous prétexte d'un vécu passé.

"Je suis sûre qu’il est chaste, autant que la lune. Il ressemble à un rayon de lune, à un rayon d’argent. Sa chair doit être très froide, comme de l’ivoire… Je veux le regarder de près."

À défaut de pâlir, je me sens presque gémir. J'ai pris ces mêmes mots en pleine figure.

"Je suis sûre que tu es puceau, avec un vieil asticot rabougrit sous ta soutane."

J'avale ma salive et amorce déjà un mouvement de recul. Elle joue Irène, ce soir. Et le soir où Irène a joué Salomé pour moi, j'ai joué une paire de crocs. Mon passé, mon être, mes états d'âme, mes préférences et mes envies n'ont pas compté. Comme elle, actrice avant d'être femme, rien de sa vie ne doit poindre sur la surface de son visage et de son corps. Moi, ce soir-là je n'avais été qu'un prédateur sans foi ni loi, à ses yeux, et elle n'avait pas toléré que je sois autre chose. Elle ne pouvait pas comprendre que je ne lui cède pas, elle ne pouvait pas accepter que je me refuse à elle. J'ai résisté au chantage, j'ai résisté à la tentation de la mordre... Cette tentation était motivée bien plus pour la satisfaire afin qu'elle s'en aille, plus que par son éventuel goût qu'elle me vantait délicieux.

Je n'avais pas supporté n'être qu'un personnage, à ses yeux. Moi qui m'efface si facilement d'habitude, je n'ai pas accepté de jouer le rôle de quelqu'un d'autre.

Mon visage se redresse et mes yeux se posent sur un homme que je crois reconnaître. Je me retourne et me rends compte que j'ai quitté la pièce sans même me retourner. Sans le vouloir, je détaille le visage de cet homme. Il n'est pas serein. Ce n'est pas tant les traits de son visage qui me le disent que mon âme et ma conscience.

"Bonsoir."

Je m'apprête à faire quelques pas dans sa direction quand je remarque que nous sommes seuls et qu'il semblait m'attendre. Je n'aime pas cette sensation d'avoir eu une absence. De toute évidence, il était aussi spectateur, et s'en est allé. Pourtant, la qualité était bonne... Et ce n'est pas un contretemps qui l'a poussé à partir puisqu'il me laisse le rattraper. Avant de lui poser la moindre question, me voilà presque forcé de m'expliquer sur ma présence, ou plutôt mon absence.

"Cette scène était magnifique, sans doute un peu trop pour moi."

Je lui souris, d'un sourire qui n'arrivera sans doute pas à le convaincre.

"Je suis Lucius, nouveau conseiller en charge des populations. Enchanté."


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26.09.22 13:23

Invité
Anonymous
Invité
Elle était encore là, entre eux, dans le silence, dans l'ombre, palpable comme Salomé, avide comme le gouffre qui appelle ses victimes. Elle était là dans le mensonge qui fardait le masque du nouveau conseiller de couleurs imaginaires, et dans l'admiration qu'il professait pour la représentation qui le faisait fuir. Et elle était là dans la compréhension de Tommen qui, en temps ordinaire, ne nageait pas exactement dans des océans d'empathie instantanée ; il trouvait plutôt ses contemporains ardus à déchiffrer et quand il s'attelait à la tâche, l'exécutait laborieusement et péniblement, pour quelque cause qui lui tenait à coeur. En ce moment, c'était tout simple. Ils se regardaient de part et d'autre d'un gouffre qui était un miroir.

"Bonsoir, Conseiller. C'est tout à votre honneur de montrer une telle sensibilité aux créations humaines, dans ce cas. Cela vous aidera dans l'accomplissement de votre tâche, à n'en pas douter : c'est une fenêtre ouverte sur leur âme."

Eux qui avaient encore la chance d'en avoir une. Tommen se perdit quelques secondes dans cette réflexion, puis se mordit la langue pour se ramener dans le monde. Il lui était difficile d'éviter de dériver ainsi. Son âme, ou ce qui lui en tenait lieu, n'était pas à lui en ce moment. Elle était en proie à quelques mâchoires différentes qui semblaient occupées à la déchirer dans diverses directions. Mieux valait se dire qu'il n'en avait pas, et avancer. Ils étaient trop nombreux à attendre cela de lui.

"Une figure universelle, cette Salomé, n'est-ce pas ? C'est le pouvoir cathartique de la scène..."

Il se rapprocha jusqu'à distinguer nettement le profil aquilin que dessinait le clair-obscur ambiant. Il lui semblait avoir vu jadis, à Florence peut-être, un portrait de la Renaissance dans le coin d'une fresque, qui avait exactement ce visage. Que lui avait-on dit, déjà, au sujet de cet homme ? Secret mais inquisiteur, Tommen aimait se renseigner longtemps à l'avance sur tout ce qui pouvait être amené à croiser sa route, cela l'aidait à faire ses comptes et à tenir ses affaires en ordre. Surtout, à ne pas être trop souvent surpris. Mais il ne savait pas tout, sans doute parce que sa communication était si lacunaire ; il dédaignait parfois certaines informations qui auraient pu être importantes, parce qu'il ne s'en doutait pas.

"Tommen Hodgkin, conseiller en charge des finances."

Comment dire ce qu'il essayait de dire ? Il s'était simplement incliné légèrement pour saluer son confrère, et maintenant il considérait le mur voisin comme si une réponse toute simple allait s'y inscrire en lettres de feu. Mais bien sûr, ce genre de choses n'arrivait pas, et la Bible était un livre de contes.

"Pardonnez cette question, mais - vous aussi - vous connaissez cette atmosphère."

Ce n'était pas une question. C'était une affirmation, tandis que sa main désignait rapidement la place qu'ils venaient de quitter, la boîte de Pandore dont certaines choses avaient d'excellentes raisons de s'échapper, et certaines personnes aussi.
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01.10.22 12:21

Lucius Malkavian
L'autre rive [Lucius] 1b13b969adb0c0a3415ef5bcf3449082ea707fb2
Je peux te sourire, mais dans ma tête, je t'ai déjà sans doute brûlé sept fois.
֎ Faciem : Joaquin Phoenix
֎ Officium : Prêtre et conseiller de l'égalité
֎ Locus : Le Sanctuaire
֎ Creator : L'Ombre
֎ Nuntium : 315
֎ Adventus : 04/10/2021
֎ Multicomptes : Omen
֎ Pseudo : Shenzy
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Lucius Malkavian
La Régence
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L'autre rive
Toi et moi avons vécu les mêmes étrangetés. Toi et moi n'avons pas pu les exprimer alors. Toi et moi allons parler.

compatriote  @Tommen Hodgkin  
https://i.pinimg.com/originals/37/7c/45/377c45c39c175334efba5a3cece88216.jpgSeptembre 2388

Cet homme me regarde sans détourner le regard, sans même cligner des paupières. J'ai un sourire de surface pour lui. Il sait regarder plus loin, ses yeux se plissent presque alors qu'il semble vouloir me déchiffrer. Pour ma part, je ne lis pas les gens sur leur visage, mais dans leurs gestes. Ceux-là ne trompent pas, on ne ment qu'avec les mots. Mais nous sommes là, comme deux mâles alpha d'une même meute, à se jauger... Et pourtant nous sommes du même côté.

"Je l'ai toujours fait et je pense que ni le temps, ni la mort, ne me privera de cette envie. C'est juste dommage que ça soit de plus en plus rare."

Mon visage se tend un peu alors qu'il me parle de Salomé. Et je me rends compte que ce que j'avais pensé auparavant est encore plus vrai : nous sommes bien du même côté... Lui aussi a quitté la scène parce qu'il était gêné.

"Certes."

Comment un homme comme lui peut-il l'être ? Venant de moi, ce n'est pas si étonnant, je suis si sensible, si... soft, comme d'aucuns aiment se moquer. Mais lui, Tommen Hodgkin, dont j'ai si souvent entendu parler ? Il a l'air tellement sûr de lui, tellement "en dehors" ? À dire vrai, je ne vois qu'une seule personne qui aurait pu accomplir une telle prouesse. En toute honnêteté, je suis même surpris de ne pas voir la moitié des mâles vampires se frayer un chemin en dehors de cette salle en cet instant.

"Je le confesse, oui."

Plus par habitude que par fuite ou par pudeur, je commence à avancer dans la rue avec le conseiller à mes côtés.

"Une jeune humaine du nom d'Irène. Sa réputation la précède, j'en ai peur. J'ai été l'une de ses premières... victime... et sans doute la dernière quand elle a souhaité réitérer."

C'est toi, toi, et toi seule. Tu n'as réellement pas apprécié qu'on s'approche de moi ainsi. Tu m'avais dit vouloir t'en occuper personnellement, et tu l'as fait. Plus personne n'a entendu parler d'elle après cela.

"... elle était enceinte, elle a perdu son enfant. Pauvre petite."

Ce n'est pas ironique, je le pense. J'aurais aimé être là pour Irène, l'aider à se sortir de ces "démons" comme elles les appelaient. Cependant, je ne supportais pas la manière dont elle me voyait. Mes yeux se tournent vers Tommen, je suis très curieux de savoir son histoire avec elle.

"Et vous ? Comment a-t-elle réussi à vous atteindre ?"

Il n'y a ni moquerie, ni méchanceté dans mes mots. Juste de la plus pure et de la plus profonde curiosité.


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08.10.22 15:51

Invité
Anonymous
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Les informations données par l'autre vampire ne font que confirmer les impressions de Tommen, qui range ses mains dans ses poches tout en marchant, avec l'élégance de ceux qui ont appris ce geste au contact de la haute société. Rien à craindre en ce lieu. Que les oreilles invisibles qui pourraient se cacher dans la pénombre. Mais leurs déplacements les empêcheront de saisir davantage qu'un fragment de phrase distillée à voix basse.

"C'est bien. C'est très bien. Je craignais que..."

Pause. Silence. Comment peut-il dire que c'est "très bien" sans passer pour un monstre ? Pourtant la réaction lui est venue spontanément.

"Vous êtes tenu au secret, je crois ?"

Brève précaution pour s'assurer que ses propos ne seraient pas utilisés contre lui... mais il avait du mal à imaginer ce nouveau conseiller, qui regardait du théâtre en plein air, et quittait les lieux parce que les émotions étaient trop intenses, se risquer à lui jouer un mauvais tour. A quelqu'un d'autre, qui sait ; mais à lui... Il était intimidant et il le savait, il n'avait rien à faire pour ça, c'était bien pratique.

"Je craignais qu'elle ne soit pas totalement en état de tenir un être ingénu sous sa coupe. D'autant qu'elle aurait en aurait eu un autre à sa portée, auquel je suis lié. En tant que nourrice éventuelle. Et je ne savais vraiment pas comment avertir son responsable. C'est à dire, je peux le contacter mais... Les mots me manquaient."

D'un regard de biais, il signifia que ce n'était pas rare chez lui, et cela aussi il ne pouvait pas vraiment le formuler à voix haute. Il communiquait des choses ardues et profondes par des gestes ou des absences de gestes, et quand ils n'étaient pas saisis, alors il restait dans son silence, meublé de quelques discours aux angles lisses et froids. Mais peut-être que le responsable en question aurait tout de même compris. Il avait rarement croisé un esprit aussi alerte et attentif, presque aussi avide de communication que de sang. Et connaissant ses moeurs de table, ce n'était pas peu dire. A cette pensée, un bref sourire lui revint, avant de poursuivre, comme pour s'excuser :

"J'ai l'air intransigeant, mais je sais quel mal peut faire une autorité exercée sans considération. La place de mère donne un immense pouvoir, quel que soit le contexte."

Il sentait qu'il avait affaire à un vampire doté d'une forte compassion pour les mortels, même pour ceux qui l'avaient marqué négativement. Et il ne le condamnait pas pour cela. Après tout, c'était la posture d'un philosophe. Ils étaient immortels ; ils marchaient sur une route a priori sans fin, et garder rancune à chaque épine ne servirait qu'à rendre cette route affreusement longue. Pour un tel homme, sa réaction devait sembler assez déficiente en indulgence. Mais un véritable indulgent la lui pardonnerait aussi.

"Et voilà comment elle m'a atteint. C'est tout simple. J'étais hanté par une autre femme, et elle s'est glissée dans son ombre sans le savoir. Disons qu'elle croyait bien faire, mais avec un manque de considération criant. Une aveugle insistant pour opérer à coeur ouvert, vous voyez ? Elle n'agissait que par instinct et je ne lui en veux pas."

Un bref frisson le parcourut et il retira ses mains de ses poches pour les frotter l'une contre l'autre, machinalement. Souvenir ancré dans ses réflexes d'un temps où il pouvait encore souffrir la morsure du froid, et où celle-ci se mêlait, au fond de son inconscient, avec d'autres sensations glaçantes, sur un plan plus intellectuel. D'autres mauvaises rencontres, d'autres gouffres qui l'avaient appelé. D'autres glaciers où il aurait pu rester figé pour l'éternité.

Il n'était pas passé très loin de cet état d'esprit altéré où l'esclavage plongeait quelques âmes, et il s'était exprimé à cet effet, tâchant de communiquer aux autres dirigeants la présence de cette morbide rééducation entre leurs murs, et le fait que, si certains vampires y trouvaient probablement leur compte, lui-même et quelques autres en avaient à souffrir. Que l'on remodèle des êtres humains en poupées cassées, il n'estimait pas que ce soit sa tâche de l'interdire ; mais que les vampires en fassent les frais, c'était bien le signe d'une réforme à implémenter. Il n'était certes pas un politicien passionné, mais il était un politicien têtu, et sa voix douce et insistante aurait gain de cause tôt ou tard.

Tant pis pour ceux qui vivraient et mourraient entretemps. Et tant mieux si Noa n'en faisait pas partie.
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22.10.22 16:36

Lucius Malkavian
L'autre rive [Lucius] 1b13b969adb0c0a3415ef5bcf3449082ea707fb2
Je peux te sourire, mais dans ma tête, je t'ai déjà sans doute brûlé sept fois.
֎ Faciem : Joaquin Phoenix
֎ Officium : Prêtre et conseiller de l'égalité
֎ Locus : Le Sanctuaire
֎ Creator : L'Ombre
֎ Nuntium : 315
֎ Adventus : 04/10/2021
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֎ Pseudo : Shenzy
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Lucius Malkavian
La Régence
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L'autre rive
Toi et moi avons vécu les mêmes étrangetés. Toi et moi n'avons pas pu les exprimer alors. Toi et moi allons parler.

compatriote  @Tommen Hodgkin  
https://i.pinimg.com/originals/37/7c/45/377c45c39c175334efba5a3cece88216.jpgSeptembre 2389

Je hoche la tête. Je suis effectivement tenu au secret. Je l'ai été toute ma vie, ce n'est pas à présent que je vais rompre mes serments. L'homme a l'air de le penser parce qu'il commence, comme moi, à se confier. C'est impressionnant comme les étrangers ont toujours eu la faveur des confessions, cela a toujours été le cas depuis que j'arpente le monde, et cela n'a définitivement pas changé bien des siècles après.

"Je comprends tout à fait, c'est toujours délicat ce genre de situation. Pour ma part, je n'ai pas encore eu l'honneur de rencontrer son maître... Du moins pas pleinement."

Comment nous, vampires au long cours, pouvons accuser une humaine d'être apte à causer notre perte ? Et pourtant, c'est exactement ce qui s'était passé, ce sur quoi elle avait compté. Était-elle aussi inconséquente qu'elle en avait l'air ? Pour ma part, je pense qu'il y avait quelque chose d'autre. Ce n'est pas une graine de folie, après cent ans passés dans un asile, j'aurais su la reconnaître. Je pense qu'elle était malheureusement parfaitement consciente de ce qu'elle faisait, de ce qu'elle risquait...

"Vous auriez été lié au bébé ?"

Quelque part, en moi, je me sens blessé. Elle m'avait dit que personne n'attendait cet enfant, et qu'elle voyait en moi un père potentiel, une figure, un parrain. Je n'ai donc été, comme tout le reste, qu'une tentative parmi toutes les autres ? Peut-être que ce n'est pas plus mal que l'enfant n'ait pas survécu. Je me connais assez pour savoir que j'aurais eu toutes les peines du monde à entendre des réclamations sur lui.

"...Cela aurait été catastrophique..."

Mes yeux se sont posés au sol, rivés sur les pierres qui le jonche. Elle s'est servie de son enfant à naître, il ne fait aucun doute qu'elle se serait servie de lui après sa naissance, et tout au long de son existence. Reine du chantage, maîtresse de la manipulation, addict aux drames, sa présence en tant que sacro-sainte mère qui donne la vie, n'aurait sans doute apporté que des problèmes. Je déplore, de tout mon cœur, que sa principale victime ait été un petit être innocent encore à naître.

"Disons qu'elle a eu de la chance de tomber sur quelqu'un qui sait se maîtriser. Mais je comprends, je ne sais pas si j'aurais eu autant de maîtrise si elle avait..."

... essayé de te remplacer, mon amour.

"...cherché d'avantage à s'immiscer dans ma vie."

Elle l'a payé, elle l'a payé d'un acte de haute trahison. Pas par ma main, mais par la tienne. Je le sais, tu aurais pu la tuer cette nuit-là, tu ne l'as pas fait, mais tu es allé beaucoup trop loin.

Mes yeux s'arriment à ses mains, il a un signe de gène évident. C'est particulier, chez lui. Je lui ai rarement connu des signes de ce genre auparavant, ou peut-être que je n'ai pas été assez observateur.

"Vous lui avez succombé ?"

Je ne le sais que trop bien. Un vampire, quand il le devient, perd de cet amour vivant. À la place, il ressent une quasi-obsession pour un être qui lui est cher, une passion dévorante à qui n'importe quel immortel fait appel parce qu'il n'a plus rien à perdre, rien d'autre dans son existence.

Pour ma part, je me demande de quelle manière il s'est retourné contre elle. Vu la manière dont elle s'est offerte, pleine, entière, et sans aucune concession, n'importe quel vampire aurait pu tomber sous ses charmes jusqu'à passer le point de non-retour. Dans cette histoire, je sais que je ne suis pas tout blanc non plus. Il n'a rien pu faire à Irène de pire que ce que j'ai provoqué moi-même, malgré moi.


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22.10.22 23:53

Invité
Anonymous
Invité
"Je crois que..."

La voix de Tommen s'arrêta en vol, et il resta quelques secondes le nez en l'air, comme s'il se demandait sincèrement où elle était passée. Il ne cherchait pas ses idées, mais ses pensées. Le souvenir était tranché net. Non, pas exactement. Il se souvenait mais il ne pouvait pas accéder simplement aux images et les restituées. Un voile noir y était tombé et alors qu'il tentait de le soulever, il le trouvait lourd comme une chape de plomb. Il résuma cette sensation insolite, à laquelle pourtant il avait bien fallu s'habituer depuis l'incident, en une formule laconique.

"Mes souvenirs sont flous. J'ai fui hors de la cité."

Cela, il le savait. Et ensuite ? Allons, il pouvait rester calme. Il partageait cette confidence avec quelqu'un qui ne pouvait que comprendre. Pour un peu, il aurait eu l'impression de bavarder avec son ombre, dans un moment d'hallucination. Mais même son ombre aurait eu du mal à lui tirer les mots qu'il cherchait à prononcer. Ce qui revint en premier fut une sensation brute et primale. Ni une image, ni même un son. La piste d'une proie.

"J'ai senti cette même odeur des fluides de la femme qui accouche, entre les racines."

Ses yeux se fermèrent ; il s'était raidi légèrement comme s'il voyait arriver un impact. C'était une image qui lui revenait enfin. Une brève, précise, insoutenable image. Sa froideur absolue en égrenant les mots était sa défense contre l'horreur qui cherchait à l'envahir.

"Il y avait une cage. Un nouveau-né dans une cage, comme un appât. Ses hurlements perçaient la nuit. Personne ne viendrait le chercher. Il s'est tu, et j'ai cru qu'il était mort."

Il eut un bref frisson. Tout revenait à présent. Les sons et les images, les parfums de sang dans l'air, les pensées qui circulaient dans son esprit échauffé, les instincts destructeurs qui s'étaient emparés de ses moindres gestes et le transformaient en une bête en chasse, et rien de plus. Si son interlocuteur avait eu un mouvement brusque à cet instant, peut-être l'aurait-il attaqué. Lucius pouvait-il pressentir cette tension ? Mieux valait que ce ne soit pas le cas.

"Celui qui l'avait placé dans cette cage était en train de dévorer sa mère, et peut-être qu'il le sentait. Le sang d'une femme enceinte a un goût très particulier, savez-vous. Je ne sais pas pourquoi il me fait un tel effet... Nous restons des mystères pour nous-mêmes."

Un peu de philosophie, pour revenir un instant dans l'instant présent, civilisé, paisible, empreint de bienveillance et de sympathie entre égaux. Son expression souriante disparut immédiatement lorsqu'il reprit d'une voix basse :

"Je n'étais plus maître de moi. Trop d'échos dans ma tête. Le sang appelle le sang."

Sa mâchoire claqua. Son regard étincela d'une rage sans mélange. Il avait serré les poings un court instant, et pour se contrôle, il replaça ses mains dans les poches de son pantalon de costume, pour faire quelques pas sans vraiment s'éloigner. Il arrivait au noeud du problème, ce n'était pas le moment de craquer. Sa voix devint brève, entrecoupée, tandis qu'il passait les actions en revue. Elles apparaissaient dans sa mémoire comme des flash et disparaissaient aussitôt, ne laissant derrière elles que des ténèbres totales.

"J'ai bondi et j'ai planté mes crocs et... j'ai vidé ses veines, et j'ai lâché son corps, et... je ne sais même pas qui c'était."

Encore un effort et il serait au bout de son récit, il ne pourrait rien accéder d'autre. Le retour jusqu'à l'auberge avec l'enfant dans les bras avait totalement sombré dans le fond de son âme, où seuls les montres pouvaient plonger. Il savait que c'était arrivé parce qu'il avait retrouvé l'exercice de sa conscience à son arrivée, mais le trajet n'en demeurait pas moins habillé d'ombres.

"Juste un vampire comme les autres qui voulait s'amuser un peu. Un voyageur venu s'abriter dans notre cité et auquel j'aurais dû ma protection. Un homme ou une femme ? Je ne sais même pas, je n'arrive pas à me rappeler. Non pas que cela fasse la moindre différence, de façon générale. J'ai mordu Irène au sang et j'ai assassiné un de nos semblables cette nuit-là. Bénissez-moi, mon Père, parce que j'ai péché," lança Tommen avec un soupçon d'ironie dans la voix, mais surtout, une profonde lassitude morale.
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24.10.22 18:00

Lucius Malkavian
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Je peux te sourire, mais dans ma tête, je t'ai déjà sans doute brûlé sept fois.
֎ Faciem : Joaquin Phoenix
֎ Officium : Prêtre et conseiller de l'égalité
֎ Locus : Le Sanctuaire
֎ Creator : L'Ombre
֎ Nuntium : 315
֎ Adventus : 04/10/2021
֎ Multicomptes : Omen
֎ Pseudo : Shenzy
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Lucius Malkavian
La Régence
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L'autre rive
Toi et moi avons vécu les mêmes étrangetés. Toi et moi n'avons pas pu les exprimer alors. Toi et moi allons parler.

compatriote  @Tommen Hodgkin  
https://i.pinimg.com/originals/37/7c/45/377c45c39c175334efba5a3cece88216.jpgSeptembre 2389
Cet homme est ébranlé jusqu'à l'âme. Sous cette apparence sûre de lui doublé d'une solide carapace d'apparence calme et maîtresse, j'entrevois de la puissance à l'état brut, derrière une faiblesse.

Ma main se porte à ma bouche, comme pour contrer le cri qui n'y naîtra jamais. Un bébé dans une cage qui hurle ? Qu'est-ce qu'est donc cette ignominie ? En plus d'une centaine d'années en hôpital psychiatrique, je pense que jamais je n'ai vu personne s'abaisser à porter atteinte à un enfant innocent… chez les patients. Je sais que les médecins ne sont parfois pas aussi humains… mais un bébé ? Non ! Je m'accroche, essayant d'ignorer toutes mes questions stupides à propos de l'esprit perfide qui a enfermé un bébé dans une cage, le manque de considération qu'il faut pour la refermer sans regrets, et le plaisir sadique qu'on éprouve à écouter son appel d'incompréhension.

Devant moi, l'homme se transforme en un esprit de revanche pure. Je ne peux pas m'empêcher de penser à cette pauvre femme, qui a rendu son dernier souffle, habillé du cri de détresse de son tout petit. Quelle expérience insoutenable...Quelle détresse a-t-elle pu bien ressentir... Quelle a été sa toute dernière pensée ? Aucun repos pour son âme n'est possible. Ma main se crispe, une larme de sang menace de sortir, je lui adresse une prière silencieuse… C'est bien le moins que je puisse faire malheureusement.

"Oui, je le sais..."

Je ferme immédiatement ma bouche, bien conscient que je viens de révéler quelque chose de très délicat. Pour ma part, je ne le trouve pas plus fameux qu'un autre, mais j'ai cette tendance à l'exclusivité qui me fait préférer des proies... qui ne seraient qu'à moi. Ma mâchoire se serre. Il ne faut pas que je nourrisse de telles pensées en ce moment. Il m'annonce cela comme une confession, mais je me demande si, malgré tout, je n'aurais pas agi autrement. Non, sans doute pas...

Mes yeux s'égarent alors que je l'imagine se faire immoler là, dans cette forêt, sur place. Il est hors de question pour moi d'absorber le sang d'un monstre aussi horrible, partager ses derniers instants d'entité sadique, non ! De plus, cette personne, quelle qu'elle soit, est tombée dans l'oubli le plus total après ça.

Je fronce le nez alors qu'il prononce la phrase consacrée. S'il y a une chose sur laquelle je suis sensible, c'est bel et bien qu'on vienne jouer avec moi sur ce terrain de jeu en particulier. Cependant, je suppose qu'effectivement, pour le coup, je pourrais passer outre la légère moquerie que j'entends.

"Je pense que nous sommes nombreux à avoir péché pour Irène. Je pense que vous n'êtes pas le premier..."

... et je sais que vous n'êtes pas le dernier.

"...et le bébé ?"

Une idée vive, lumineuse, me parcourt l'esprit. Il a dit qu'il pensait qu'il était mort. C'est donc que ce n'était probablement pas le cas. A-t-il vérifié ? L'a-t-il abandonné ?

"Qu'est-il arrivé au petit bébé de la forêt ?"

Mes mains se crispent à nouveau, priant pour cette fin heureuse. S'il est sous son aile et ne sait pas qu'en faire, je me dévoue plus que volontiers pour m'en occuper.


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24.10.22 21:31

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Anonymous
Invité
Si la conversation n'avait pas été aussi dramatique, ils auraient pu partager une soirée paisible. S'il n'y avait pas en ce moment même une armée au pied des murs qui méditait leur destruction, et dans l'âme du Conseiller, des doutes sur le bien-fondé même de leur action. L'aveu passé, il ne ressentait qu'un étrange vide. Pas vraiment un soulagement, plutôt la proximité d'un précipice : une vision à contempler, mais aussi une inquiétude à l'idée que ce vide existait et qu'il pouvait y basculer à tout moment.

Il avait envie de s'en aller soudain, de disparaître dans la nuit comme une ombre. Ayant craché le venin, le laisser en charge à cet homme dont c'était la tâche de porter les fardeaux des autres. Mais il faisait des efforts de sociabilité. Pour être exact, il ressentait des instincts et travaillait à agir en accord avec eux, bien qu'ils restent mystérieux pour lui.

Le bébé de la forêt. C'était une expression étrangement poétique. Il aurait été partisan de donner aux enfants de ces noms qu'ils peuvent changer, comme des peaux de serpents, à chaque passage de leur vie. Peut-être était-ce la coutume dans son enfance. Il aurait été incapable de le dire. Il ne connaissait que le prénom qu'il portait lorsque sa créatrice l'avait rencontré, bien des années plus tard, parce qu'elle lui en avait rappelé le souvenir au cours de sa vie nocturne.

"Oh, je m'en occupe, ne vous en faites pas. Je crains qu'il en garde une sorte de souvenir mais, comme vous le disiez, ce ne sera pas le premier ni le dernier."

Inconsciemment, il s'était composé en prononçant ces mots la même expression qui avait flotté sur les traits de Lucius lorsqu'il avait dit "je le sais". Copier son interlocuteur était la meilleure manière de se faire comprendre, comme on apprend une langue étrangère. Puis il réalisa ce qu'il était en train de dire, et corrigea rapidement, comme pris en faute :

"Je veux dire, bien sûr je ne m'en occupe pas moi-même, je ne saurais pas. Mais il est entre de très bonnes mains."

Et Irène ne deviendrait pas sa nourrice. Cette pensée lui retirait toute empathie à l'égard de la brunette disparue dans les ténèbres. Ni l'enfant ni son protecteur ne tomberaient sous son influence incohérente, et ne la suivraient dans sa noyade mentale. Tommen avait envie de sourire à cette pensée, mais il n'avait pas envie de l'afficher, quelque chose lui disait que ce ne serait pas un sourire agréable ou rassurant. Il avait bien vu que son récit avait fait souffrir son nouveau collègue de différentes façon, et il était temps de sortir de cette dynamique à présent.

Si seulement il avait pu se contenter de pointer du doigt des mots dans un dictionnaire. C'était ce qu'il faisait au début, avec Lady Rodgers, alors qu'elle lui apprenait à communiquer. Ce souvenir surgit du fond des âges et disparut tout aussi brusquement. Sa mémoire était à fleur de peau.

"J'espère que je ne vous ai pas blessé par mes paroles. Il m'arrive d'être abrasif sans le vouloir."

Il fallait qu'il se montre amical, il en avait conscience mais c'était un concept abstrait. Ce qui serait jugé acceptable ou inacceptable risquait de le surprendre dans tous les cas. Mais ne prendre aucun risque serait pire de toute façon. Et il avait affaire à une personne instruite, qui mesurait très certainement le fossé culturel séparant deux anciennes créatures issues de mondes différents. Sa main se referma sur celle du croyant et il joignit les siennes autour de cette main inconnue, comme un rempart ; les paupières closes, il inclina sa tête dans ce qui était autrefois un geste de confiance et de respect. Il ne priait pas, pour sa part, mais il se battrait au besoin pour que les remparts de cette cité tiennent autour de ce qui valait la peine d'être protégé. Du moins, tant qu'il n'aurait pas complètement sombré dans la folie, il se consacrerait au moins à cela.

"Tenez, entrons quelque part, buvons quelque chose, et parlons de ce que vous voudrez."

Oh oui, si les hordes destructrices s'en prenaient à sa Cité, il décrocherait des murs de la grande salle d'armes quelque longue lame argentée qu'il savait manier, et elle ne garderait pas ses reflets de lumière bien longtemps. Il reviendrait noir de sang des pieds à la tête s'il le fallait et l'odeur des cadavres resterait attachée à ses cheveux durant des nuits. Mais ce soir, les étoiles brillaient paisiblement, le bavardage était feutré et sans heurts aucuns, et ils avaient cette petite vie à discuter, pour oublier toutes les morts. Une petite île de repos au milieu d'un éternel fleuve de sang.
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10.11.22 18:33

Lucius Malkavian
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Je peux te sourire, mais dans ma tête, je t'ai déjà sans doute brûlé sept fois.
֎ Faciem : Joaquin Phoenix
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֎ Locus : Le Sanctuaire
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֎ Nuntium : 315
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Lucius Malkavian
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L'autre rive
Toi et moi avons vécu les mêmes étrangetés. Toi et moi n'avons pas pu les exprimer alors. Toi et moi allons parler.

compatriote  @Tommen Hodgkin  
https://i.pinimg.com/originals/37/7c/45/377c45c39c175334efba5a3cece88216.jpgSeptembre 2389
Le petit va bien. Cette idée me rassure comme une fin en soit, comme si c'était l'information la plus importante de la soirée. La sacralité de la vie est trop importante pour moi pour n'être qu'une anecdote. La vie continue et c'est fort de cette idée que je me détends un peu. La musicalité de l'esprit de l'homme change un peu, un peu comme pour se caler à la mienne. Cela me fait un effet étrange, pas nécessairement désagréable, mais inhabituelle.

"Si jamais vous avez besoin, ou envie, je connais de bonnes personnes qui peuvent le prendre en main."

Je ne suis pas certain qu'il oubliera tout ce traumatisme, mais au moins, il avancera dans la vie assez loin de la violence et de ces souvenirs. Mes yeux s'agrandissent quand je comprends ce que veut dire ce cher Monsieur Hodgkin.

"Blessé ? Absolument pas. Je vous rassure. C'est moi qui suis souvent un peu trop sensible."

D'une sensibilité bienvenue, que je cultive avec soin comme un dernier jardin de ma vie humaine. Bien souvent, cela m'a joué des tours, bien souvent, je m'en suis voulu, j'ai éprouvé jusqu'au supplice, mais pour le peu de fois où ça m'a été utile, je ne peux décemment pas me détourner de ce don.

Sans crier gare, ma main se retrouve entre les siennes, et me voilà invité à boire un verre. Est-ce qu'une telle chose m'était arrivée auparavant ? Je n'ai pas le temps de fouiller ma mémoire que je hoche la tête.

"Avec grand plaisir."

C'est amusant, on dirait presque que ma propre empathie fait écho à ce vide en lui. J'ai le secret espoir que cela va nous rapprocher, lui et moi, plutôt que de nous éloigner. J'ose même espérer que je serai très réceptif avec lui parce qu'il ne m'envoie aucune information inutile ou enrobée de politesse. Pour lui, j'aimerais être une personne qui le comprend, qui le comprend vraiment, avec qui il n'a absolument pas besoin de faire semblant. C'est un beau rêve, mais je mettrais tout en œuvre pour le réaliser. Après tout, nous partageons déjà pas mal de secrets inavouables, lui et moi.

Nous recommençons à marcher. Les rues sont assez vides, toutes les personnes habituelles sont sans doute au théâtre à cette heure-ci. Aussi, nous n'avons aucun mal à trouver une table dans une taverne. Le feu ronfle dans l'âtre et sa danse attire inlassablement mon regard. Je le contemple, laisse ma peau s'échauffer à son rayonnement. Puis, après un temps difficilement définissable, je parviens à me détacher de la contemplation des flammes.

"Parler de ce que je veux alors ? Hé bien dites-moi, que faisiez-vous... dans votre vie humaine ? Qui étiez-vous ?"

Je me demande si cette question n'est pas trop... audacieuse, mais je me dis que j'aimerais connaître cet homme réellement. Il est un mystère qui ne se laisse pas facilement découvrir. Il me faudra dévoiler des trésors de sensibilités pour percevoir son lui véritable. Cela sera peut-être à travers son histoire, son vécu, ou peut-être encore autre chose, qui sait ?


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12.11.22 13:48

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La bouteille luisait sur la table, noire comme les plus beaux rubis sous le règne de la lune. Au loin, sur la place, la pièce s'acheminait vers son inévitable tragédie, ancienne comme les attractions malsaines qui brisent les âmes et les instants de bonheur. Le silence était bienvenu. Tommen aurait aisément pu passer la soirée ainsi, à boire et à songer, le regard perdu dans les danses séductrices du feu qui les appelait au repos éternel, l'esprit flottant bien loin de cette tablée, et en même temps, reconnaissant à sa nouvelle rencontre de partager cette rêverie. C'est alors qu'une question lui fit dresser un sourcil. Ce qu'il était ?                                                                              

"De métier ? C'était il y a longtemps, les dénominations ont évolué."

Le silence qui suivit n'était pas une manière de refuser la conversation proposée. C'était l'effort pour sortir d'un long mutisme et réveiller quelques fantômes. La toute première origine avait échappé à sa mémoire, et il ne pouvait en dire que ce qu'on lui en avait raconté ; et il n'avait aucune confiance en ces raconteurs. L'histoire écrite par des vainqueurs sarcastiques était fatalement déformée dans leur intérêt. Et puis, il y avait une certaine douleur diffuse à remonter cette piste de sang.

"Né sur les routes, je suis devenu servant dans un temple... puis homme de plume pour le compte d'une aventurière. Puis une sorte de collectionneur, d'archiviste. Un mécène, à l'occasion."

Puis il est mort. Inutile de préciser cette étape, entre eux. Un demi-sourire, un signe de la tête, et tout était dit. Voilà ce qu'il était avant de mourir, au sens, ce qu'il faisait. De manière générale, il aurait pu résumer cela sous le nom de secrétaire même si ses fonctions avaient été beaucoup plus fluides, en proie aux aventures en question et aux cadres où celles-ci l'avaient porté, à travers l'Asie puis l'Europe.

Mais peut-être la question était-elle plus statique. Les caractéristiques de son sang. L'héritage dont il le tirait. Cette question-là était plus complexe. Il ne pouvait pas réellement apporter de réponse satisfaisante. Peut-être était-ce pour cela qu'il avait cherché à abriter, tout au cours de sa longue vie, les héritages des autres. Il se posait maintenant seulement la question. Intéressant. Peut-être était-ce pourquoi il avait apporté sa participation à la création de cette cité, et à la préservation de ce qui pouvait encore être préservé.

"Si votre question portait sur mon appartenance nationale... je n'ai pas de certitudes, je crois être issu d'une peuplade qui disparaissait déjà lorsque je suis né, mais bien sûr aujourd'hui, ça n'a plus aucune importance."

Mais cette question ne portait peut-être sur rien de particulier. Lucius était un homme particulier et sa conversation était particulière. Tommen espérait bien qu'il n'était pas décidé à sauver son âme. A cette idée, il se recroquevilla légèrement dans son siège et lui coula un regard méfiant, portant son verre à ses lèvres comme pour s'en faire un rempart.

"Pardonnez-moi cette réaction, mais pourquoi cette question ? La nuit est venue, et il n'est plus resté qu'une ombre. La veille, j'avais horreur du sang, rien ne m'écoeurait davantage, et brusquement... eh bien, vous avez connu cette transformation, vous aussi. De l'homme qui a existé, que reste-t-il ? Pas plus qu'il ne restait de l'enfant des routes, quand les portes du temple se sont refermées."
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19.11.22 11:20

Lucius Malkavian
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Je peux te sourire, mais dans ma tête, je t'ai déjà sans doute brûlé sept fois.
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L'autre rive
Toi et moi avons vécu les mêmes étrangetés. Toi et moi n'avons pas pu les exprimer alors. Toi et moi allons parler.

compatriote  @Tommen Hodgkin  
https://i.pinimg.com/originals/37/7c/45/377c45c39c175334efba5a3cece88216.jpgSeptembre 2389
Je n'apprécie pas le goût d'un sang dont je ne connais pas la provenance, de plus, je ne suis pas spécialement autorisé à boire de l'alcool, aussi je reste sage sur mes quantités. Tommen est bien moins timide que moi et je prends plaisir à le voir se détendre à l'absorption du liquide. Je lui fais un signe de tête alors qu'il me parle de l'évolution des dénominations. Qu'importe. La description fera bien l'affaire à moins qu'il n'ait pas spécialement envie d'en parler.

"Je vois. Vous avez donc appris à lire de votre vivant avant que cela ne devienne une norme. À lire et à écrire. Pour quelqu'un né sur les routes, c'est remarquable."

C'est anormal de ne pas savoir ses bases aujourd'hui, et pourtant fût un temps où les rares personnes qui avaient droit à une éducation étaient les prêtres et les rois. De par son apparence, j'en conclu qu'il a bien vécu, et qu'il a trouvé la mort quand il était assez âgé... Encore une exception. Je hoche la tête, assez admiratif.

Pour ce qui est de son lignage, il m'en parle sans me répondre. J'ai un sourire, je me sens frustré de ne pas en avoir plus. Touché, Tommen ! Cependant, mon sourire est de courte durée alors que je sens mon cher collaborateur devenir un peu moins à l'aise. Lui aurais-je fait revivre un traumatisme sans le vouloir ? Dieu m'est témoin que ce n'est vraiment pas ce que je voulais. Je m'apprête à répondre pour ma part, pour essayer de lui changer les idées et dévier le sujet quand il me pose une question assez singulière.

"J'ai posé cette question parce que vous m'intéressez. Elle ne portait ni sur votre métier, ni sur votre héritage, seulement sur ce dont vous vouliez bien me parler. Si ma vie est finie et bel et bien derrière moi, elle constitue ce que je suis, et ce que je serai toujours. Ce serait comme négliger une part essentielle. Que me reste-t-il de mon vivant ? Physiquement, absolument rien. Mes espoirs, mes rêves, mes convictions sont restées et se sont même renforcées. Donc il ne me reste que l'essentiel."

Je trempe mes lèvres dans la coupe, bien décidé à essayer de boire un peu, au moins par politesse. Non, décidément, ce n'est absolument pas à mon goût. C'est bien dommage parce que j'apprécie la conversation. Je repose le verre devant moi, un peu trop loin.

"Ce n'était pas pour vous juger, si c'est ce dont vous aviez peur."

Ma transformation à moi a été brutale, fatale, absolument non consentie. J'étais au fond du gouffre et j'avais été choisi parmi tout un tas de cobaye potentiel. Entre temps, j'ai vu une possibilité de rédemption. Non, je ne voulais pas mourir, je ne voulais pas de cette existence de chasse. Si beaucoup de jeunes hommes adorent se voir sous les traits d'un superprédateur, cela n'a jamais été mon cas. Cette nuit-là, j'ai perdu plus que ma vie... Et je me suis reconstruit, petit à petit.

"Vous pensez qu'il ne vous reste rien de l'homme que vous avez été alors ? Qu'est-ce qui fait de vous ce que vous êtes aujourd'hui ? Je doute que vous puissiez avoir une telle existence actuelle sans une magnifique aventure à raconter. J'essaie simplement de trouver laquelle."

Je plisse mes yeux, comme un enfant qui essayerait de tirer les vers du nez à ses parents pour connaître l'emplacement de ses cadeaux d'anniversaires.

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