On the first part of the journey I was lookin' at all the life There were plants and birds and rocks and things There was sand and hills and rings The first thing I met was a fly with a buzz And the sky with no clouds The heat was hot and the ground was dry But the air was full of sound
Tel un enfant pris en faute et piqué au vif, le rouge inonda ses joues jusqu’alors rendues aussi pâles que la mort par l’effort sportif inhabituel qu’il venait d’effectuer et son regard se fit immédiatement plus belliqueux et ombrageux. Pour qui se prenait-il ce malotru à la tenue vestimentaire des plus rudimentaires et à l’hygiène des plus douteuses pour estimer qu’il n’était pas aussi libre qu’il voulait le croire ? Ne connaissait-il rien de son propre sort ? D’autant plus entre les mains de Crane dont il avait souvent entendu parler et pas nécessairement dans des termes très élogieux ? Il n’appréciait guère qu’il porte un regard de jugement sur lui de cette manière, qu’il pense pouvoir l’avoir cerné d’un seul coup d’œil en se fiant à son apparence précieuse et délicate. Que savait-il de lui ? de son parcours ? des coups de son premier maître aux caresses de son dernier ? de son début de vie dans la luxure subie à celle choisie ? S’il avait conscience de rendre compte d’une certaine image, il savait qu’il était bien plus que la star de l’Oasis Pleasure, qu’il était plus complexe qu’un vulgaire prostitué qui se baisse à la première rutilance d’or qui attrape son regard. Il était bien plus que le nouvel amant du moment du Prince de la Cité, devenant son protégé qui lui offrait volupté et légèreté. Il n’avait pas encore développé tout son potentiel sous la guidance quasi maternelle de la Conseillère Bozena ou de sa Calice. Comment un rustre tel que celui que représentait son interlocuteur pouvait, ne serait-ce que toucher du doigt le véritable Ephraim Lawrence, cette phase de lui-même qu’il ne laissait apparaître à personne, pas même à lui-même. Il pensait tout savoir de lui sans rien connaître. Et l’espace d’un instant, le jeune homme réalisa qu’il portait le même regard de jugement dédaigneux et méprisant sur celui qui se trouvait face à lui. Il l’avait également jugé sur l’apparence, sans chercher à creuser, persuadé qu’il ne s’agissait que d’un bouseux sans le moindre vocabulaire et intérêt. Pris en faute avec lui-même, il ne se laissa cependant pas emporté par la culpabilité et se laissa, au contraire, guidé par l’impétuosité rebelle de ses 20 ans. Juste par principe, juste parce qu’il le piquait comme savait toucher exactement là où ça ferait mal, il s’opposerait à tout ce qu’il lui dirait.
« En tout cas, celui qui est le plus terreux des deux n’est pas celui qu’on affirme l’être. » répliqua-t-il dans un bougonnement qui ne lui apparaissait guère courtois et grammaticalement correct mais la pensée demeurait la même et il espérait bien qu’il l’ait compris.
Sans broncher, rongeant son frein, il le laissa débiter ses stupidités avant de froncer les sourcils. Il avait beau s’exclamer être libre, il restait toujours l’enregistré d’un vampire qui était bien moins sympathique que le Prince. Alors ses remarques il pouvait se les garder et se les enfoncer aussi profond qu’une certaine émeraude.
« Les émeraudes, plutôt. » ne put-il s’empêcher de préciser.
« Les diamants sont souvent bas de gamme et trop communs. » Bien plus que ne voulait l’admettre le jeune homme, son interlocuteur parvenait à le blesser, le renvoyant à ses jeunes années où il n’avait été effectivement qu’un objet sous la coupe d’un Maître autoritaire et cruel. Les choses avaient évolué depuis lors. Travis Grant lui avait permis de secouer ses ailes et l’avait laissé faire ce qu’il souhaitait sans jamais lui mettre plus de lien. Quant à Dorian Lockwood, il lui avait permis d’étendre ses ailes pour sentir le vent entre ses plumes, quant bien même il se heurtait aux murs de la Cité. Mais contrairement à ce qu’il semblait croire, c’était uniquement par volonté : il ne souhaitait pas quitter la Cité parce qu’elle possédait tout ce qu’il pouvait souhaiter posséder : les rires échangés avec ses amis, le luxe des appartements de Dorian, la chaleur des projecteurs sur sa peau lorsqu’il est sur scène, la douceur des caresses de son amant, la gourmandise des plats concoctés qui garnissaient son estomac, la confiance des Corneilles. Avait-il besoin de sortir de la Cité pour être heureux alors que son bonheur y était ? La liberté pesait-elle plus lourd que ce dernier ? Il hocha négativement la tête ne croyant traître mot de ce qui lui était balancé à la figure avec la ferme volonté de le blesser sans le moindre doute. Il n’y parviendrait pas évidemment mais son cœur se gela sur place à ses derniers mots.
Profites avant que ça ne périclite. Il ne le connaissait pas mais il savait appuyer exactement là où il fallait. Le danseur avait largement conscience que l’intérêt de Dorian à son encontre déclinerait au fur et à mesure des années qui s’ajouteraient. Que bientôt, il paraîtrait plus vieux que son royal amant et que le regard de ce dernier se porterait de moins en moins sur lui, attiré par le nouveau danseur que ses douleurs articulaires l’empêcheraient de rivaliser pour occuper la scène. Un voile rouge tomba sur son regard clair alors que ses tempes battaient furieusement de colère. Il referma ses doigts sur sa main, ses ongles s’enfonçant dans sa chair pour le maintenir dans l’instant présent par la douleur alors qu’il tremblait non plus de fatigue mais bien de rage. Il voulait lui mettre son poing dans sa figure, même s’il avait démontré auparavant ne pas faire le poids avec le rustre palefrenier. Pour l’une des rares fois de son existence, il ne trouvait rien à redire pour nier l’évidence. Aucune langue fourchue ne semblait résider dans sa bouche et aucune pique ne lui venait à l’esprit alors qu’il observait le mortel s’éloigner de lui, récupérant le sac de victuailles. Il aurait souhaité lui rabattre son caquet. Il aurait aimé pouvoir lui affirmer qu’il se trompait sur toute la ligne. Il désirait plus que tout autre chose lui prouver qu’il avait tort. Mais il avait douloureusement raison. Ephraim ne serait bientôt qu’un lointain souvenir non seulement pour le Prince mais également pour tous les immortels qu’il avait rencontrés, servis, baisés, plus. A l’instar de Varro qui n’était jamais venu le récupérer, il ne serait bientôt qu’une ombre, un souvenir vague dans leur mémoire, comme ces silhouettes floues que l’on devine, indistinctes, au travers d’une fenêtre sale. Dans un réflexe enfantin et capricieux, il se leva et pris la porte, se dirigeant volontairement vers l’Enregistré de Crane et le heurtant avec son épaule.
« Va te faire foutre. » grommela-t-il ce faisant, incapable de trouver autre chose qu’une injure gratuite.
- Spoiler:
unfortunately
❝Don't try to hate me because I am so popular❞