Ephraim Lawrence ֎ you don't care if it's wrong or if it's right

1 – Honey,  I’m telling the truth : I did something terrible in my early youth.
« Ephraim ! » La voix qui rugit au loin le surprit et il sursauta brusquement, faisant tomber la figurine de plomb avec laquelle il jouait à l’abri des regards. Le cœur battant, il se redressa, baissa les yeux et mit les mains dans son dos. D’un geste du pied, il donna un léger coup au petit soldat qu’il fit glisser sous ce qui lui servait de lit, sentant la culpabilité envahir son être. Il était grand maintenant. Il avait 8 ans. Il n’était plus un bébé depuis longtemps et il devait finir par s’y faire. « Les invités sont arrivés. Prépare-toi. » Il acquiesça de la tête lorsque son maître pénétra dans la pièce, sans lui accorder le moindre regard. Il sentit son cœur faire un bond vers lui, espérant qu’il lui porte la moindre attention, qu’il le choisisse pour seul plaisir ce soir. Mais il savait que c’était peine perdu. Lorsque des invités venaient à la maison, le jeune garçon savait qu’il serait le plaisir partagé de ces derniers et que son maître ne lui accorderait que peu d’attention. Il hocha positivement la tête quand bien même il avait conscience qu’il ne le regardait toujours pas et qu’il avait disparu de la pièce. « Oui, Maître. » Il défit lentement chacun de ses habits, se retrouvant en tenue d’Adam, avant de rejoindre la pièce principale des lieux où la débauche commençait déjà alors même que la soirée ne faisait que commencer.

« When suddenly, a movement in the corner of the room, there's nothing I can do,' I realize with a fright. 'The spider man is having me for dinner tonight.'. Quietly he laughs, and shaking his head, creeps closer now, and closer to the foot of the bed. And softer than shadow, and quicker than flies, his arms are all around me and his tongue in my eyes. "Be still, be calm, be quiet now, my precious boy. Don't struggle like that, I will only love you more." » La lune dardait ses faibles rayons sur le corps nu et recroquevillé du petit garçon alors qu’il se chantait à lui-même une comptine d’une voix tellement basse qu’on pourrait croire que c’était le vent à l’extérieur. Il resta ainsi, de longues minutes, dans un état catatonique avant de finalement se redresser, grimaçant sous la douleur de chaque parcelle de son corps, comme si des lames le transperçaient de part en part sans qu’il ne puisse rien y faire. Avec des gens extrêmement lents et mesurés, il se saisit de ses vêtements, les enfilant malgré la torture que lui provoquait la simple caresse du tissu sur sa peau meurtri.

Il descendit avec précaution les marches de l’escalier pour se rendre aux cuisines, étant surpris de ne pas entendre son maître l’appeler. D’habitude, à cette heure-ci, il faisait déjà l’objet d’une sommation pour se rendre dans sa chambre. L’air ambiant de la maison vibrait d’une étrange manière ce soir. Le silence qui y régnait n’était peut être pas inhabituel mais il y avait quelque chose derrière ce dernier, une menace sous-jacente. L’enfant déglutit en pénétrant dans la grande et belle salle à manger où il entendait des murmures. Son cœur se figea en constatant des silhouettes qu’il connaissait seulement de vue et qui le terrifiait. Mais ce n’était rien en comparaison des bribes de conversation qu’il percevait.  « Parti. » « Disparu de la Cité. » « Trop tard. » « Esclaves. » « Vendre. » Sa respiration se fit haletante et il revint sur ses pas, courant jusque dans la chambre de son maître, l’appelant de manière désespéré. Non, ce n’était pas possible. Où était-il ? Qu’allait-il devenir sans lui ? Malgré la douleur qui irradiait de son cœur, malgré l’air qui avait du mal à entrer et sortir de ses si petits poumons, il parcourut chaque pièce de la maison, hurlant, pleurant après son maître, évitant avec une souplesse et agilité déconcertante les mains qui tentaient de le retenir. Il sortir à l’extérieur et réalisa que tout était vrai. Son maître était parti. Il l’avait abandonné. Sans un mot, sans un geste, sans même un dernier baiser.

Il s’effondra au sol, se recroquevillant à genoux sur la terre rendue meuble par la pluie. Les larmes qui s’écoulaient de ses yeux azur se mêlaient à la boue sur ses mains. Son maître n’était pas parfait mais c’était le sien. Il était son univers. Il était sûr qu’il l’aimait à sa manière et Ephraim l’aimait également de manière incommensurable. Même s’il le faisait souffrir. Même s’il le blessait autant physiquement que mentalement. Il était totalement dépendant de lui. Il l’aimait. Perdu dans sa douleur, il ne fit pas attention à la silhouette gracieuse et rigide qui se matérialisa à ses côtés. Ses pleurs couvraient le bruit de la pluie assourdissante alentours. Ce n’est que lorsqu’une main glaciale vint se poser sur son dos dans une caresse aussi légère que se voulant réconfortante qu’il sursauta légèrement. Il ne bougea cependant pas de sa position laissant la douleur et la tristesse l’envahir, restant de longues minutes, voire heures dans cette position. Le vampire a ses côtés ne bougea pas davantage, maintenant sa main sur son dos jusqu’à ce qu’il finisse par se calmer et accepte de rentrer à l’intérieur de cette maison qu’il ne reverrait plus jamais.

2 – Let me kiss you hard in the pouring rain
Il sentait de longs doigts fins passer dans sa chevelure alors qu’il aspirait une nouvelle bouffée d’opium. Installé dans une des alcôves de l’établissement qui lui servait de refuge, de scène et de royaume, Ephraim était installé les pieds nus contre le mur, le dos installé contre l’assise de la confortable banquette, la tête pendant en dehors de celle-ci, observant à travers les volutes de fumée et l’obscurité environnante les clients et employés de l’Oasis Pleasure se mouvoir dans un balais sensuel et coûteux. Il ferma les yeux, prenant une profonde inspiration, et s’étira tel un chat. Il avait conscience des regards langoureux qui se posaient sur lui avec une insistance plus ou moins discrète selon l’éducation de leur propriétaire. Il ne s’en formalisait pas. Tout comme il ne leur accordait qu’un intérêt limité. Aucun des vampires présents n’avait attiré son attention. Certes, il y avait quelques uns de ses réguliers présents mais il n’avait envie d’aucun d’entre eux. Tout autre prostitué n’aurait pas eu le choix très certainement. Mais le jeune homme avait un tel succès qu’il pouvait se payer le luxe de choisir avec parcimonie ceux et celles qui allaient avoir l’insigne honneur de profiter de son corps fin d’éphèbe. Il promena son regard vert sur l’assemblée et lorsqu’il repéra une silhouette pleine de promesse, il fit glisser avec grâce ses jambes le long du mur, posant ses mains au sol, avant de réaliser une pirouette sensuelle qui lui permit de se retrouver debout. Avec l’assurance qui le caractérisait, il se rapprocha dans une démarche féline de sa cible. Saxa, une vampire aussi belle que redoutable. Arrivé devant cette dernière, il lui tendit la main afin de l’inviter à danser avec lui, se laissant mouvoir au fil des notes de musique comme s’il ne faisait corps qu’avec celle-ci. Il n’était peut être pas un immortel mais il savait comment attirer l’attention et fasciner. S’il le voulait, ses hanches pouvaient être aussi hypnotisantes que n’importe quel vampire.

« Rick ! » Il se pencha sur le bar, se glissant entre les consommateurs qui apprécièrent indubitablement sa proximité, exception faite de la jeune prostituée qui avait un peu de mal à supporter la mégalomanie de son collègue de travail. Mais Rick était occupé à servir un vampire de type 2. Ephraim, tout aussi célèbre (dans sa tête) qu’il était, passait nécessairement après. Il insista pourtant « Rickyrick ! » Et encore. « Rickounet d’amour ! » Faisant la moue, il se tourna vers Suzana située à quelques pas de lui et surveillant la salle de ses yeux de chat pour se plaindre. « Suzie, Rickounet, il m’ignore… » « Si je pouvais aussi ne plus entendre ta voix. » Air de chiot battu. « S’il te plaît, appelle le pour moi. Il ne m’entend pas. » Elle poussa un soupir et jeta un coup d’œil furtif à Rick, attirant immédiatement l’attention du barman. Ce dernier s’approcha, emmenant avec lui un cocktail Cuba Libre qu’il déposa sans un mot pour le jeune homme, précisément le cocktail qu’il allait lui demander et qu’il demandait toujours à cette heure de la nuit. Un large sourire se dessina sur les traits du jeune homme qui battit des mains. « C’est toi que je t’aime vachement beaucoup. » sautilla Ephraim avant de se hisser légèrement sur ses pointes de pied et de déposer un baiser sur la joue du barman. Il saisir son verre et se positionna devant Susana, dansant légèrement en sirotant ce dernier. Il était incroyablement de bonne humeur, plus encore que d’habitude et il avait envie que tout le monde le rejoigne dans sa bonne humeur actuelle.

Il tourna sur lui-même, ses pieds nus glissants comme s’il était sur une patinoire artistique. Il se figea lorsqu’il se retrouva nez à nez avec le maître des lieux, et accessoirement son maître tout court. Une lueur pétillante s’alluma dans son regard tandis qu’un sourire carnassier s’étira sur ses lèvres fines. Lentement et sans quitter les yeux de celui à qui il devait cette vie, il se pencha dans une révérence où il démontra toute sa souplesse, dévoilant un postérieur des plus envoutants pour quiconque assistait à la scène et parvenant sans la moindre difficulté à frôler de ses mains et de son front le sol. « Toutes mes salutations en cette divine soirée, Maître Grant. » Se redressant, il s’humecta les lèvres et poursuivit sur le même ton : « J’espère qu’elle est aussi bonne pour vous que pour moi… » Il ne se départit pas de son sourire, malgré une très légère crispation lorsqu’une séduisante vampire rousse apparut dans son champs de vision et se rapprocha de son interlocuteur. Faisant une nouvelle révérence restreinte cette fois-ci à une simple génuflexion, il reprit la parole pour prendre congé. « Si vous voulez bien m’excuser, je vais faire en sorte qu’elle se poursuive en bonne et rutilante compagnie. »