The Red Twilight - Ft. Fitzwilliam

@Skaen & Fitzwilliam

They tell you that the sky might fall They'll say that you might lose it all So, I run until I hit that wall Yeah, I learned my lesson, count my blessings Look to the rising sun and run, run, run

S’il voulait arriver à New Bellingham avant que le soleil ne darde ses rayons timides sur les terres glacées de l’Ancien Canada, il devait partir dès les premières lueurs de la lune. Ayant préparé son cheval qui piaffait d’impatience dans l’écurie, il jeta un dernier regard sur les hautes tours du palais royal au sein duquel se trouvaient ceux qu’il avait juré de servir jusqu’à ce que mort s’ensuive. Faisait-il bien de s’être porté volontaire comme émissaire ? D’autres auraient très bien pu remplir cette mission sans la moindre difficulté. Il y avait toujours un tueur qu’il n’était pas parvenu à trouver même si ce dernier ne faisait plus parler de lui. Des intrigues semblaient émerger désormais d’une autre Cité et les rumeurs de rébellion humaine semblaient se rapprocher. Ces derniers temps néanmoins, sa confiance avait été rompu par d’anciens amis de sorte qu’il ne semblait pouvoir compter que sur lui-même pour mener une mission d’importance aussi haute. Un dernier soupir et il sauta sur la croupe de sa monture avec la légèreté et la maîtrise d’un félin. Il grimaça néanmoins, l’esprit encore plein du whisky et des chants de la nuit précédente. A bien y réfléchir, cela ne lui ferait peut-être pas de mal de quitter la Cité pendant quelque temps. A son retour, avec un peu de chance, la problématique qui l’avait miné durant toute la journée aurait disparu d'elle-même. Le visage dissimulé sous sa lourde cape de velours irrespirable, il donna un coup d’éperon dans les flancs de l’animal, faisant hennir ce dernier avant qu’il ne parte au triple galop, les lourdes portes de bois s’ouvrant sur son passage sous l’invective de ses hommes. Il devait faire vite. Le plus rapidement possible afin d’éviter de laisser les clés de la Milice entre les mains de Rodan trop longtemps. Le Milicien était extrêmement doué et professionnel mais bien trop dangereux pour les mortels. Il n’avait pas envie de devoir réparer les catastrophes qui pointraient le bout de leur nez s’il partait trop longtemps.

Les sabots résonnaient sans grande discrétion sur le bitume mêlé de plantes sauvages. Ce qui était auparavant une ville suburbaine de taille moyenne se faisait lentement engloutir par la nature à l’exception des Sauvages qui tentaient de survivre dans un environnement hostile. Il entendait leurs coeurs battre à l’unisson, la surprise et la peur étreignant leurs poumons alors que la course folle de l’animal domestiqué semblait percer le silence et le calme de leur nuit en devenir. Ils savaient qu’en cet instant du crépuscule, le danger s’étirait de tout son long pour se réveiller. Il arquait son dos, victime de soubresauts pour lui permettre de bondir et de prendre le premier être vivant venu dans sa mâchoire d’acier et le broyer. Mais ce soir, le danger ne viendrait pas du Lieutenant Colonel ou de ses hommes. Cette nuit, leurs enfants pourraient dormir sur leurs deux oreilles : il n’était pas là pour ça. Furtive, une ombre se glissa sur sa route au dernier moment, se renversant sous les sabots de son cheval qui hennit en même temps qu’il se redressait sur ses pattes arrières. Bien que surpris, Fitzwilliam parvint à ne pas s’effondrer au sol, retombant avec souplesse sur ses jambes. Il redressa son regard carmin sur celui qui avait effrayé son cheval, ce dernier s’éloignant à grandes galopades vers la Cité. “Toi!” s’exclama-t-il en reconnaissant l’odeur avant la silhouette.

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Il fallait évidemment qu’il tombe sur lui. Cette nuit-là alors qu’il avait d’autres chats à fouetter que d’essayer d’attraper cet animal sauvage qui avait la fâcheuse manie de filer entre ses doigts et de titiller ses instincts de prédateur. Si le Lieutenant-Colonel était plutôt connu pour sa droiture et son relatif bon traitement des êtres mortels, il n’en demeurait pas moins un vampire sous les habits de la bienséance et de la civilisation. Au fond de lui, demeurait un carnivore dont la chasse éveillait les appétences. Habituellement, il parvenait à maîtriser cette part de lui-même sans grande difficulté, instinct nécessaire lorsqu’on était à la tête des immortels les plus dangereux de la Cité, à l’exception des légionnaires. Mais ces derniers temps, il était enfermé dans une spirale infernale au sein de laquelle il ne parvenait ni à se piéger, ni à s’empêcher de commettre des actes allant à l’encontre de ses croyances et de tout ce qu’il avait tant mis de temps à bâtir. C’était comme s’il était le spectateur malheureux de ses fatalités sans possibilité d’agir, de s’en empêcher et de se rebeller. Il devait accepter qu’au fond de lui, il n’était pas aussi pur qu’il ne voulait l’entendre. Instinctivement, il grommela en reconnaissant l’odeur perceptible et si reconnaissable du Sauvage qui se trouvait devant lui. Peu pouvaient se vanter d’être parvenu à lui échapper, à plusieurs reprises au surplus. C’était un jeu du chat et de la souris qui s’était développé entre eux depuis des années et pour lequel on ne parvenait plus réellement à distinguer qui était le chat, qui était la souris. Est-ce que Fitzwilliam entendait-il réellement mettre la main sur Skaen alors même qu’il était désormais trop vieux pour faire un bon Enregistré et qu’il avait toujours été trop rebelle, trop libre pour accepter le joug royal ? Peu importait au final. Seul demeurait l’instinct.

“Moi qui pensais que tu serais ravi de revoir mon charmant minois pour égayer ton existence.” répliqua-t-il d’une plaisanterie acerbe. D’une certaine manière et malgré son instinct lui hurlant de se jeter à ce cou trop blanc pour ne pas être mordu, il ne pouvait s’empêcher d’éprouver une légère sympathie à l’égard du gamin qu’il avait vu grandir au fil de ses rafles. Il soupirait et roulait des yeux lorsque leurs chemins se croisaient, ayant conscience qu’une partie de chasse en découlerait nécessairement compte tenu de leur relation mais était toujours un peu soulagé de le voir toujours en vie dans un environnement aussi cruel que dangereux. “Pour une fois qu’on est d’accord tous les deux.” commenta-t-il d’un sourire acerbe, souhaitant rejoindre New Bellingham le plus rapidement possible. Il fronça cependant et imperceptiblement les sourcils en sentant une odeur caractéristique venir lui titiller les papilles. Sans qu’il ne puisse se maîtriser, son regard s’empourpra tandis que ses canines devenaient plus proéminentes, exigeant d’être nourries. “Tu es blessé.” Simple constatation ; véritable avertissement. Il dut bloquer sa respiration plus habituelle que nécessaire pour empêcher l’odeur enivrante de se jeter immédiatement sur lui.

Figé comme une statue de sel, il posa son regard vers le sac à ses pieds sur lequel il se focalisa.Il se pencha lentement pour prendre ce dernier, maigres possessions de l’humain témoignant de la rugosité de son existence. Il hésita quelques instants avant de le lui renvoyer d’un geste vif et sûr, portant désormais son attention sur un tronc d’arbre duquel batifolaient des écureuils. “Pars lentement. Ne. Cours. Pas.” lui conseilla-t-il, à défaut de quoi ses instincts de chasseur prendraient le dessus.

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Il roula intérieurement des yeux face à la bravade qui caractérisait son interlocuteur mortel. Au fil de leurs rencontres, Fitzwilliam avait appris à apprécier, malgré lui, ce sauvageon qui refusait de concéder ne serait-ce qu’une plume de sa liberté. Il n’était pas de ceux qui contraignaient les humains à accepter un sort qu’ils ne souhaitaient pas et tentaient davantage de leur faire entendre raison. La Cité était plus sûre. Ils seraient protégés. La nourriture y était abondante et ils seraient payés. Ils pourraient aider leurs proches. Les vampires n’étaient pas tels qu’ils se l’imaginaient. Mais il avait depuis longtemps abandonner tout espoir d’amener le jeune homme à la raison. Il souhaitait conserver sa liberté, il pouvait prendre le risque de la perdre au même titre que sa vie. D’une certaine manière, il avait même fini par le protéger, dissuadant ses hommes de se lancer à la poursuite du lynx et abattant d’éventuels Enragés qui rôdaient un peu trop près de la tanière de la meute. Il veillait sur lui à sa manière et ce dans l’ignorance du mortel. Il poussa un soupir ennuyé face aux piques de Skaen, témoignant par la même que l’ennui pouvait facilement changer de camps. Il n’était pas d’humeur et n’avait pas le temps de jouer à ce genre de bataille verbal avec le Sauvage s’il voulait arriver à New Bellingham avant le jour. Aussi, se contenta-t-il d’un laconique : “Certes.”. Si cela l’amusait, celui qu’il voyait tout au plus comme un adolescent en face rebelle, et qui d’un certain côté se faisait l’écho de celui qu’il avait été au même âge, le Lieutenant-Colonel avait d’autres chats à fouetter.

Avec les années, il avait appris à se maîtriser, à dominer cette part animale de lui qui le contraignait à faire preuve de bestialité, d’arracher la gorge des mammifères à sang chaud et de se repaître de leur élixir vital. Mais autant était-il parvenu à se dompter, il ne pouvait rien faire contre ses instincts prédateurs quand une proie blessée fuyait. L’adrénaline de la peur décuplait ce parfum obsédant et enivrant qui tuait toute civilité dans le strigoï. Il se passa la langue sur les lèvres, sentant déjà ses canines grandir et sa gorge se tarir. Si l’humain ne partait pas maintenant et en douceur, il ne donnait pas cher de sa peau. Il préféra ne pas ouvrir la bouche, de crainte que le geste ne leur soit fatal et se contenta de lui jeter un regard noir, teinté de pourpre qui ne laissait aucun doute sur ses attentions et besoins primaires. L’heure n’était plus à la provocation. Il prit une profonde inspiration, se concentrant sur la kyrielle d’odeurs fortes provenant des sous-bois et de son équidé proche, et serra la mâchoire sans dire un mot de plus alors que son interlocuteur concédait enfin sa fuite. S’il fut surpris de le voir obéir, ce dernier se faisant toujours prendre un malin plaisir de faire exactement l’inverse de ce qu’il lui demandait, il sembla en difficulté pour ce faire.

Un cri dans la nuit résonna, proche. Un chien, peut-être un loup venait de se faire attaquer et la meute qui l’entourait ne pouvait rien faire. Les sens aiguisé du vampire détectèrent la présence d’un Enragé dans les environs. Son regard glissa à nouveau sur Skaen qui s’éloignait péniblement puis sur la route qui menait à New Bellingham alors qu’il sifflait son cheval pour que ce dernier se rapproche de lui. Ce qu’il fit sans mal, sentant instinctivement les dangers nocturnes qui rôdaient dans les ténèbres. “Attends.” l’invectiva-t-il. Avec toutes les précautions utiles et nécessaires, Fitzwilliam s’approcha de l’humain, prenant garde à ne pas respirer. De toute manière, il n’en avait pas besoin. Sans un mot, il l’attrapa par la taille et sans qu’il ait eu le temps de protester ou de lutter, le posa sur sa selle. “Au pas.” lui intima-t-il. “Attends 30 secondes et fais le trotter puis galoper quand la voie sera dégagée.” Il lui adressa un signe de tête avant de se tourner vers les cris de l’animal blessé. Sa faim avait été titillée. Le sang frais du chien-loup ferait l’affaire. La bête en lui avait besoin d’action. Le combat contre l’Enragé suffirait.