Two can keep a secret if one of us is dead (Tiago)

Le jeune danseur lui adressa une petite moue renfrognée. Comment ça il ne dépenserait pas son argent avec lui ? Pffff, de toute manière, il ne possèderait jamais assez d’argent pour le dépenser auprès de lui-même s’il le voulait. La petite star égocentrique de l’Oasis Pleasure n’était pas une vulgaire prostituée de basse catégorie. Il en fallait beaucoup pour attirer ses faveurs et ce n’était pas un humain, ancien Sauvage qui plus est, à peine civilisé, qui pourrait parvenir à obtenir ses faveurs. Si ses traits s’adoucirent  au compliment de son interlocuteur, il fit mine de pouvoir maintenir sa garde montée. Il était hors de question qu’il ne lui laisse passer la moindre incartade et un simple demi-compliment ne lui permettrait pas de conserver ses faveurs bien longtemps si tant est qu’il les lui ait prodiguées. « Sois honnête, mon mignon. » répliqua-t-il d’un air pétulant avant de se donner une violente gifle sur les fesses de manière retentissante. « Ce petit cul est plus qu’agréable au regard et tu aurais bien envie de croquer dedans. » Il lui adressa un clin d’œil complice : « Qui sait ? Peut être un jour pourras tu les observer dénudées si tu es suffisamment sage. » Il était d’autant plus à l’aise de draguer ehontément Tiago qu’il savait que cela n’allait aboutir à rien et que contrairement à un certain immortel, cet humain ne risquerait pas de briser un verre de whisky pour le frapper et le marquer au visage en oubliant sa place et surtout à qui il appartenait, corps et âme pour son plus grand malheur. Il avait l’impression de retrouver avec lui ce confort qu’il pouvait auparavant posséder avec son précédent maître, le si britannique et rigide Travis. Il pouvait tenter tout ce qu’il pouvait, sans arrière pensée, il se serait retrouvé stupide si le vampire avait fini par répondre à ses avances. Même s’il sentait l’humain moins indifférent à ce qu’il voulait bien le laisser croire, il apparaissait évident qu’il pouvait l’avoir à l’usure. Du moins s’il le désirait. Se passant lentement la langue sur la lèvre inférieure, il se mit en marche pour se diriger vers la cuisine, haussant les épaules face à la nouvelle critique portée à son encontre et qui était bien éloignée de toutes celles qu’il avait pu avoir par le passé et continuait d’être l’objet. « C’est ce qui fait mon charme. L’imprévu est quand même bien plus bandant qu’une vie rantanplan. Tu devrais pourtant le savoir. » Ou il finira par le découvrir qui sait ?

Il se déplaçait avec grâce dans les couloirs sombres des lieux, pouvant les parcourir les yeux fermés tant ces derniers lui étaient familiers. Il ne mentait pas lorsqu’il avouait que c’était sa maison, la seule qu’il ait jamais réellement connue et où il avait pu se sentir protégé et aimé malgré ses sempiternels caprices d’enfant gâté. Qui aurait pu croire que le petit esclave malmené d’un marchand, petit secret dissimulé dans les combles glacés, agirait désormais comme le propriétaire d’un lieu aussi prestigieux et recherché que l’antre des plaisirs de New Abbotsford. « Depuis qu’elle travaille ici. » répondit-il. « Elle n’a jamais voulu passé de l’autre côté et s’essayer à la danse malgré les multiples demandes des clients. » poursuivit-il avec naturel tout en observant le brun à ses côtés, guettant la moindre de ses réactions sous un air badin. La Corneille demeurait aux aguets même si les affaires humaines n’avaient, à priori, aucun intérêt. « C’est bien dommage parce qu’elle aurait pu rapporter gros à son Maître. Et dissimuler une ou deux pierres précieuses pour son propre intérêt. » Ils croisèrent le chemin de quelques danseuses qui observèrent d’un regard intéressé Tiago et lui adressèrent un clin d’œil ou un pincement de fesse au passage, ne provoquant pas même un haussement de sourcil de la Diva. « Nouvelle recrue ? » les interrogea Manns quand ils croisèrent le chemin du sémillant suédois. « Il vient marcher sur tes plates bandes ? » « Non, sur les tiennes mon biquet. Tu sais bien qu’on ne sera jamais au même niveau. » répliqua-t-il sur le même ton, ne se laissant pas faire avant de faire un signe de tête à Tiago. Des gémissements parvenaient sur leur droite et en jetant un coup d’œil, ils purent observer précisément le maître de Bianca installé dans le coin d’une chambre où deux danseuses s’essayaient à une danse des plus lascives sous son regard désintéressé. « S’il est là, c’est que Bianca n’est pas loin. »