Too old to die young [PV Tiago]

"Je peux garantir que ça n'arrivera jamais."

En temps normal, Erwin aurait plaqué théâtralement le plat de sa main sur son torse en jouant l'homme touché en plein cœur et en affirmant qu'il était bien rude avec ceux de sa condition, cependant Tiago était encore beaucoup trop tendu et rageur pour bien recevoir une telle comédie, aussi le Strigoï préféra-t-il s'abstenir d'un tel cinéma et, à la place, préféra s'adresser à lui avec un peu plus de sérieux sur un sujet beaucoup plus grave : la survie. Il commença par aborder la notion de consentement et le fait qu'il devait venir le trouver si jamais quelqu'un tentait -ou même parvenait- à s'en prendre à lui, puis termina sur une note bien plus sombre et sérieuse tandis qu'il pressait sa main sur son bras pour appuyer ce qui sonna presque plus comme un ordre qu'un conseil. Fuir s'il le lui disait, sans se retourner, c'était bien là quelque chose de singulier, mais l'aubergiste ne pouvait rien confier à son nouvel Enregistré tout frais et moulu de son achat, il pouvait encore être la source de sa chute s'il se hâtait à lui parler de quoi que ce soit sans la moindre trace de confiance. Le sentir se crisper, retenir son souffle, ce cœur mortel battant plus vite sous un afflux naturel d'adrénaline destiné à le protéger d'une quelconque menace... Bien, il le prenait au sérieux c'était déjà ça. Reculant d'un pas, Erwin aborda finalement la question des repas dont avait bénéficié le brun, grimaçant en fronçant le nez en l'entendant. Évidemment, il s'en était douté, et le rire sans joie du jeune homme valait plus que mille mots pour décrire son avis à ce sujet.

- Ouais, autant dire qu'ils vous donnaient quasiment rien quoi.

Il secoua la tête en levant les yeux en l'air, excédé sans pour autant être énervé, avant que le bruit de l'estomac de Tiago ne lui arrache un large sourire amusé, le voir détourner le regard ne faisant qu'accentuer plus encore son amusement, son humeur étant à présent bien plus légère grâce à cela.

"Quand est ce que je dois travailler ?"

- Quand je l'aurais décidé ! Et pour l'instant vous allez manger quelque chose jeune homme, sinon vous allez vous effondrer.

Le taquina gentiment l'immortel avec un sourire joyeux, lui faisant signe de le suivre alors qu'il l'emmenait jusqu'à la cuisine déserte à cette heure-ci. Il lui désigna une chaise pour qu'il s'asseye et entreprit d'ouvrir un placard et de commencer à sortir de quoi faire à manger. Attiré par le bruit, un enregistré passa la tête dans l'embrasure de la porte, l'observant faire avec étonnement.

- Vous avez besoin d'aide Maître ?

- Non Matthew, ça ira. Par contre si tu veux bien aller préparer un bon bain chaud pour votre nouveau collègue, ça m'arrangerait, je n'aime pas cette chaudière de malheur. Je vous présenterais tout à l'heure quand il se sera remplumé.

Affirma-t-il avec un bref rire, l'humain hochant la tête avec un sourire avant de porter son attention sur Tiago, lui faisant un signe de la main avant de disparaître dans le couloir d'un pas rapide.

- Matthew est l'un des premiers que j'ai récupéré, ça va faire deux ans qu'il vit avec moi et c'est un brave gars à qui tu pourras t'adresser en cas de besoin. Il connaît tout de l'auberge et a participé à son ouverture. C'est lui qui s'occupe du comptoir principal quand je ne suis pas là.

Un feu fut allumé dans l'ancêtre -ou le descendant ?- d'une cuisinière, une poêle fut posée avec une noix de beurre à l'intérieur avant que Erwin ne sorte d'un meuble bas un morceau de viande, d'un placard moyen une miche de pain à demi entamée, et préleva dans un plat qui se trouvait là des pommes de terre cuite à l'eau qui restaient du repas du soir.

- Hum... de mémoire ça c'était pas mauvais...

Marmonna-t-il avant d'éplucher rapidement les patates avec un couteau, levant brièvement les yeux sur l'humain avec un sourire amusé au coin des lèvres.

- Comment t'aimes ta viande ? Saignante ou bien cuite ? Et t'habitue pas surtout, c'est juste pour pas déranger tes collègues car ils sont en plein rush, mais les repas se prennent à heures fixes, trois fois par jour et entre vous, seulement là l'heure est passée et ils sont occupés.

Le morceau de viande fut posé dans la poêle et se mit immédiatement à cuire dans un grésillement caractéristique, l'odeur de beurre et de jus de viande se répandant dans l'air, Erwin humant le tout en soupirant de contentement.

- Ahhh, dommage que je puisse pas l'apprécier, ça sentait bien meilleur dans mes souvenirs.

Il rit de bon cœur, apparemment amusé, et porta sur Tiago un regard pétillant de malice.

- Je devrais faire comme mon ami et me trouver un Calice consentant un de ces quatre, ça serait mieux que ces fichues poches de sang qu'on fait réchauffer, brrrr.

Le Strigoï entreprit de sortir une assiette et des couverts, ainsi qu'un verre propre, déposant une carafe d'eau en terre cuite près de l'humain en lui faisant un signe du menton pour qu'il se serve. Il termina de découper les pommes de terre cuites à l'eau et les mis à cuire dans la poêle avec la viande, dardant ensuite de nouveau son regard sur le jeune homme.

- Je te conseille de manger lentement si tu ne veux pas tout vomir. Ton estomac doit être rétréci à force de restrictions, et vu le prix de la viande ce serait vraiment du gaspillage, surtout que tu vas bien douiller.


@Tiago Alvarez

Depuis deux ans maintenant que Matthew travaillait pour lui, Erwin pouvait dire qu'il avait clairement confiance en l'humain à son service et pas juste parce que celui-ci faisait toujours montre de bonne humeur et d'entrain. Il y avait eu certaines fois où l'aubergiste avait du intervenir pour l'aider face à un client de mauvaise foi, et il avait même encaissé un coup à la place de son Enregistré qui allait se faire agressé par un vampire qui croyait avoir le droit de lever la main en toute impunité sur "un sale esclave" de la cité... La Milice avait du être appelée et était venue récupérer le mauvais client qui avait écopé de quelques blessures infligée par le propriétaire des lieux, en plus de menaces bien senties qui avaient quelque peu effrayées les humains présents : tu touches à ce qui m'appartient, je t'arracherais la peau et j'y mettrais des lames de métal frottées dans du sel, et j'attendrais de voir ta chair se refermer dessus pendant que tu guériras, et je te regarderais te découper après pour pouvoir les enlever, si la douleur ne te rend pas fou avant, évidemment. Et cette nuit-là il avait eu un sourire si dérangé, si terrifiant, que les humains sous sa protection avaient mis un certain temps à le voir de nouveau tel qu'à présent : un protecteur chaleureux et bienveillant, qui voulait juste qu'on les traite bien. Alors quand Matthew vit son patron en train de cuisiner, il n'en fut clairement pas étonné et, après avoir salué le nouveau venu, quitta rapidement l'entrebâillement de la porte pour aller préparer ledit bain chaud. Du côté de la cuisine, Erwin s'affairait à préparer un repas à peu près correct en faisant appel à ses souvenirs autant qu'à ce qu'il voyait parfois faire par les humains à son service, tentant toujours de garder pied avec cette ancienne part de lui-même qui ne cessait pourtant de s'éloigner un peu plus chaque nuit. Le fait que Tiago répondit à sa question sur la viande par un simple mot, "cuite", lui arracha un bref rire amusé et il hocha la tête, n'insistant pas davantage, se doutant qu'il avait certainement trop faim pour vouloir faire le difficile. La légèreté commençait enfin à s'installer un peu dans leurs échanges et les deux bruns commençaient à se détendre un peu plus, quand soudain la question inévitable finit par tomber tel un couperet.

"Comment êtes vous devenu vampire ?"

L'espace d'une seconde, le sourire d'Erwin se flétrit mais, heureusement, il tournait le dos au jeune homme et pu ainsi laisser à penser que la seconde de silence ne fut qu'une mise en scène théâtrale, alors qu'il reprenait rapidement la parole pour ne pas laisser le blanc s'éterniser.

- Comme tous les autres, j'ai été transformé par un vampire.

Il rit de bon cœur à cette plaisanterie un peu bancale, puis secoua la tête, retournant la viande d'un geste sûr et la piquant doucement ici et là pour s'assurer qu'elle cuise bien. Il avait prit un morceau un peu trop épais.

- J'ai été poignardé par un type qui croyait que j'avais la recette du bar sur moi, et un vampire que je connaissais sans savoir que s'en était un m'a transformé pour ne pas me laisser mourir comme un con.

Il tourna la tête pour jeter un regard en arrière à Tiago, un sourire amusé aux lèvres, avant de reporter son attention sur les pommes de terre qu'il mit à rissoler à feu plus fort dans une seconde poêle à côté de la première.

- A l'époque les humains ne savaient pas que les vampires existaient, c'était juste des histoires qu'on croyaient inventées, mais peu de temps après que j'en sois devenu un les choses ont changées. Enfin je te raconterais ça une autre fois, c'est pas très joyeux l'histoire de la fin du monde.

Plaisanta-t-il à demi, évoquant la possibilité d'un Calice avant que Tiago ne reprenne la parole pour soudain poser plus de questions, plus librement, de telle façon que l'aubergiste se senti ragaillardi de le voir reprendre du poil de la bête en sa compagnie.

"J'ai une question...quel jour doit on...donner notre sang ? Est ce qu'on travaille après ? Comment ça se passe ?"

- C'est une fois par semaine qu'il te faudra aller à la Banque du Sang pour te faire prélever. Il faudra effectivement continuer de travailler, mais tu pourras aller à ton rythme ce jour-là et si jamais tu te sens mal, tu pourras aller te reposer ne t'en fait pas. Je sais que certains vampires sont moins compréhensifs à ce sujet, mais avec moi tu peux le dire quand ça ne va pas. le but c'est qu'on arrive à tous vivre en bonne intelligence, je suis pas là pour vous exploiter jusqu'à-ce que vous creviez la bouche ouverte.

Grimaça Erwin en retournant une fois de plus la viande, remuant les pommes de terre qui prenaient déjà une belle teinte dorée croustillante et, humant l'odeur, soupira un peu avant de diminuer un peu l'intensité du feu, posant la spatule pour aller à un autre placard dont il tira une poche de couleur rouge condensé presque noire. Il grogna un peu de mécontentement et tira un petit pichet et un verre, vidant le contenu dans le pichet qu'il approcha des flammes quelques secondes tout en faisant tourner le liquide rouge de manière parfaitement rythmée, tournant la tête vers Tiago avec un léger sourire désolé.

- M'en veut pas mais j'ai pas encore mangé moi non plus, et à force de parler nourriture ça me donne faim.

Il éloigna le pichet en verre et le posa sur le plan de travail, se servant un verre avant de le humer, soupirant de soulagement en fermant les yeux et... il les rouvrit en prenant conscience de la présence du regard de Tiago posé sur lui, à qui il adressa un bref sourire.

- Hum, désolé.

Et il pivota sur ses pieds pour lui tourner le dos, portant le verre à ses lèvres pour boire en silence, sentant le liquide carmin se répandre quasi instantanément dans son organisme, aspiré goulument par son corps qui en réclamait déjà plus. Il reposa le verre encore tâché de rouge à l'intérieur et baissa la tête, soupirant de soulagement comme s'il reprenait son souffle avant de se lécher les lèvres, délaissant son repas pour aller finir de préparer celui de l'humain. Un dernier remuage de pommes de terre qui avaient décidément bien rissolées, la viande changea une dernière fois de côté et il la pressa pour vérifier qu'elle était bien cuite, avant qu'il ne hoche la tête. Coupant les flammes, il attrapa la poêle et vint déposer la viande bien cuite dans l'assiette de Tiago, allant déposer le contenant vide avant de faire de même avec les pommes de terre dont l'odeur emplissait déjà l'air, l'autre poêle finissant elle aussi avec la première dans l'évier de grès. Il versa un peu d'eau pour les mettre à tremper puis se retourna vers son Enregistré, un large sourire aux lèvres.

- Allez mange, tu en as bien besoin, et pas trop vite hein !

L'enjoignit-il joyeusement avant de se diriger vers le pichet et le verre, pivotant pour lui adresser un sourire chaleureux.

- J'vais aller manger à côté histoire de pas te couper l'appétit, tu n'auras qu'à aller directement à la salle de bain après ça si tu veux.


@Tiago Alvarez

On ne pouvait pas dire que Tiago soit des plus loquaces, cela dit Erwin ne pouvait guère lui en vouloir au vu de l'existence qu'il avait du mener avant d'arriver jusqu'ici. Rien que les dernières semaines, entre sa rafle et son asservissement forcé, les travaux généraux imposés aux humains qui n'avaient pas été achetés et le manque de nourriture, tout cela avait forcément du peser sur le brun qui, si tant est qu'il ait été plus loquace auparavant, ne l'était plus beaucoup désormais. Il transpirait la méfiance et la prudence, son visage étant un livre ouvert sur ses émotions qui s'affichaient presque sans filtre et, si un autre vampire aurait pu se sentir offensé d'être mal considéré, ce n'était pas le cas de l'aubergiste qui comprenait parfaitement ce genre de sentiment. C'est ainsi qu'il fit le service, déposant viande et pommes de terre rissolées dans l'assiette de son enregistré à qui il adressa un léger sourire, assez satisfait de sa performance pour le coup, se détournant pour aller mettre à tremper les poêles pour un futur lavage.

"Merci."

Ce seul mot suffit à ce que Erwin se retourne vers Tiago, un air visiblement étonné alors qu'il clignait des paupières, sincèrement surpris, agréablement surpris... Son sourire réapparu, plus chaleureux alors qu'il sentait le creux de son torse se réchauffer face à cette seule reconnaissance : c'était plus qu'il ne l'avait espéré pour la première nuit. Hochant la tête, il lui avait alors donné pour consigne de ne pas manger trop vite, récupérant son propre repas en lui indiquant où il pourrait le trouver ainsi que la permission d'aller prendre un bon bain ensuite. Quittant la cuisine, il alla déposer son repas dans son bureau puis revint vérifier auprès de Matthew que le bain serait prêt à temps, le remerciant et échangeant quelques paroles amicales avant de s'en retourner à son bureau dont il ferma la porte. Désormais seul et hors de vue, la faim lui tira un grondement sourd alors qu'il se servait un second verre de sang, prenant le temps de le savourer en sachant que ces maudites restrictions n'avantageaient pas les strigoïs dans son genre : la soif de sang, toujours, réclamait du frais et non une vulgaire poche, en cela il maudissait ceux qui l'avaient torturé durant tout ce temps car à cause d'eux son corps en avait gardé des séquelles difficiles à contrôler. Heureusement une poche entière parvint à lui suffire et il confia à l'un de ses enregistrés le soin de s'occuper de tout ça, se plongeant dans ses comptes ainsi que dans la gestion de son établissement, heureusement prospère, non sans rouvrir la porte pour indiquer qu'il pouvait de nouveau être sollicité au besoin. Absorbé par son travail, il ne vit pas le temps passer ni ne prêta attention à son environnement, jusqu'à-ce que le bruit d'une main frappant sur le bois de la porte et une voix qui allait rapidement devenir familière ne résonnent à ses oreilles, lui faisait relever vivement la tête.

"Maitre..."

- Tiago.

Son expression grave et concentrée disparue au profit d'un sourire chaleureux et avenant, son bras s'étendant alors qu'il désignait de la main l'un des sièges faisant face à son bureau en bois.

- Vas-y installe-toi, je voudrais juste finir d'écrire ça.

Dit-il en désignant la feuille posée devant lui et partiellement noircie d'une écriture soignée. Reprenant sa plume, Erwin inspira inutilement et se pencha de nouveau pour écrire, ses sourcils légèrement froncés lui donnant un air à la fois concentré et soucieux tandis qu'il s'appliquait à tracer les caractères avec le plus de soin possible.

- Quand j'étais humain...

Commença-t-il sans lever les yeux de son ouvrage.

- ... on utilisait pas de plumes à mon époque, c'était un truc qui ne s'utilisait plus depuis presque un siècle, la technologie nous permettait d'avoir des stylos qu'on consommait à tout va et qu'on jetait à la poubelle ensuite, parfois c'était recyclé et parfois non, mais le plus souvent c'était surtout du gros gaspillage et ça polluait la planète. Les humains qu'on étaient alors n'étaient pas vraiment les meilleurs qui soient, mais on vivaient tous avec des œillères et on était persuadé d'être les seuls et que ça durerait toujours. Quand la fin du monde est arrivée et que tout a failli disparaître, il ne restait plus que les plumes et l'encre, comme à l'ancienne, et il a fallu que j'apprenne à écrire avec ces trucs. Je te dis pas comme ça a été difficile, j'en foutais partout à chaque mot ou presque, une catastrophe.

Un sourire amusé étire les lèvres d'Erwin qui suspend la course de sa main une seconde, riant un peu avant de reprendre, passant le bout de sa langue sur ses lèvres.

- Maintenant j'arrive à avoir une calligraphie que même certains vieux vampires m'envie, et c'est à mon Père que je le dois, je suis très heureux qu'il m'ait appris parce que sans ça je n'aurais été qu'un homme ordinaire parmi d'autres.

Le brun déposa délicatement la plume sur son support en bois, prenant la feuille sur laquelle il souffla doucement pour sécher un peu l'encre avant de la poser sur le côté avec précautions, relevant sur l'humain face à lui un regard sombre et avenant à la fois, un léger sourire étirant toujours le coin de ses lèvres, comme si le monde tout entier et l'existence même n'étaient qu'une vaste blague.

- Ça te dirait d'apprendre à lire et à écrire toi aussi ? Ça te serait très utile dans cette cité, et on dit toujours que la culture évite de se faire arnaquer, ou quelque chose comme ça, je n'ai jamais été très doué avec les proverbes mais... Ça te dirait que je t'apprenne, Tiago ?


@Tiago Alvarez

Évidemment qu'il était surpris par sa proposition, et pourtant même s'il s'y était attendu, Erwin ne pu s'empêcher d'afficher un large sourire, heureux malgré lui de ce petit effet qu'une telle proposition pouvait générer, appréciant aussi de constater que Tiago semblait le prendre comme une chance et non comme une corvée, espérant secrètement que cela lui redonnera un peu d'espoir en ce monde bien sombre. Il lui dit qu'il aimerait bien et cela réchauffe le cœur mort du Strigoï qui hoche la tête, satisfait de l'entendre accepter avant de suivre son regard sur la page dont l'encre était en train de sécher, reportant ses yeux noirs sur lui avec un sourire clairement amusé au coin des lèvres.

- Parce que tu crois que j'écrivais bien au début ?

Le brun eut un bref rire amusé, sans moquerie dans la voix, juste un peu de légèreté face à ce côté humble qu'avait le jeune homme. Hélas, l'aubergiste savait aussi que cette façon de penser était née à cause du manque d'éducation et du clivage entre ceux qui vivaient hors des cités et ceux qui vivaient sous le joug des immortels, tout du moins dans le cas des cités où les mortels étaient traités à peu près correctement.

"Vous faites ça avec tous vos enregistrés ? Tous les employés ?"

Erwin hocha la tête et croisa ses mains devant son visage, calant son menton sur ses doigts entremêlés en fixant Tiago avec le regard pétillant de malice.

- J'ai eu la chance de naître à une époque où la plupart des gens avaient accès à l'éducation et apprenaient à lire et à écrire dès l'enfance. Je ne suis pas vraiment partisan de tenir les humains dans l'ignorance, c'est peut-être plus facile de les contrôler, mais je trouve ça vraiment... et bien, inhumain.

Un bref rire cynique lui échappa et il décroisa les mains, se rencognant dans son siège en soupirant inutilement.

- Oui bon d'accord, je sais, je ne suis plus humain depuis longtemps, mais ce n'est pas une raison !

Fit-il en écartant théâtralement les bras, riant encore un peu avant de se lever, contournant tranquillement son bureau pour s'asseoir sur le bord de celui-ci, à côté de Tiago, posant ses mains sur le bord du meuble en bois pour mieux fixer le brun alors que son visage se peignait d'une gravité nouvelle.

- Après, il faut aussi que tu gardes à l'esprit que tous les vampires ne pensent pas comme moi, et qu'il y en a beaucoup qui n'aiment pas qu'un Enregistré soit éduqué. Savoir des choses, c'est avoir du pouvoir sur ceux qui ne savent pas, c'est pouvoir mener les autres, leur expliquer les choses, leur ouvrir des horizons insoupçonnés... C'est faire de toi une cible, une menace potentielle, parce que tu sauras lire des documents que tu ne devras jamais lire, c'est pouvoir écrire un message pour prévenir quelqu'un alors qu'on ne voudrait pas que tu le fasses. Tu comprends ce que je dis, Tiago ?

Le Strigoï se pencha légèrement vers l'avant, plongeant son regard noir où dansait une lueur inquiétante, vestige d'un passé vivace dans son corps, son cœur et son esprit, là où la folie dansait sans cesse avec la raison.

- Je veux que tu me promettes que, si je t'apprends ce que je sais, tu seras prudent et tu ne chercheras pas à utiliser ce savoir pour causer du tort au sein de cette cité. Je n'ai pas envie de devoir enterrer ton cadavre parce que tu auras manqué de prudence.

Erwin se redressa, un sourire revenant étirer ses lèvres alors que la raison fuyait face à sa perpétuelle envie de rire de tout à n'importe quel moment.

- Ici il n'y a que moi qui ait le droit de jouer avec le feu, c'est aussi simple que ça.

Et il quitta le bord du bureau pour retourner s'asseoir, se laissant tomber dans son fauteuil en soupirant fortement et inutilement, dardant ses grands yeux noirs sur le jeune homme.

- Bon et sinon, le repas était bon ? Est-ce que le bain t'as fait du bien ? Tu es peut-être fatigué après tout ça non ? Je peux te montrer les tâches que tu auras à faire et tu pourras ne commencer que demain si tu préfère faire une bonne nuit de sommeil. Après tout on se verra seulement la moitié de ton temps d'éveil.


@Tiago Alvarez

Il avait promis, et il n'en fallait pas plus à l'aubergiste pour le croire sur parole. Oh ce n'était pas qu'il soit crédule ou aveugle, Erwin savait que Tiago faisait le dos rond parce qu'il n'avait pas le choix, ce petit était intelligent et il saurait attendre le bon moment pour tirer son épingle du jeu, alors promettre de ne rien faire contre la cité n'engageait pas forcément la responsabilité du vampire si, d'aventure, son Enregistré devait un jour trouver un moyen de fuir New Abbotsford pour aller voir si l'herbe est plus verte ailleurs. Est-ce que l'humain se doutait qu'à moins de s'arracher la peau jusqu'à la chair, son marquage l'empêcherait d'être libre ? Probablement, peut-être y avait-il déjà songé, mais il n'appartenait pas à l'aubergiste de s'occuper de ça pour le moment. Le plus important était de prendre soin de ce grand gaillard qui avait encore tout à apprendre, et ça c'était parfaitement dans ses cordes.

"Non je...c'était très bon et le bain m'a fait du bien."

Comment aurait-il pu en être autrement ? Un bon repas et un bon bain, il n'y a rien de mieux pour se requinquer, ça et un bon sommeil réparateur et une nuit de sexe endiablé et... Hey, tu t'égares mon vieux.

"On peut faire comme ça oui, mais je peux travailler, ce n'est pas un soucis."

Les yeux noirs de l'immortel se plissèrent alors qu'un léger sourire amusé étirait ses lèvres, son regard passant son Enregistré au crible en une seconde à peine : traits tirés, cernes marquées, tension dans le corps, respiration correcte mais cœur un peu trop rapide... c'était les nerfs et la volonté qui le faisaient tenir debout et garder les yeux ouverts, le brun était clairement fatigué et malgré ça, il tentait de ne rien laisser paraître et il est probable qu'un autre mortel aurait pu être berné, voir même un vampire peu intéressé par l'état de son Enregistré.

- Le tour du propriétaire suffira pour cette nuit. Un bon employé est un employé en bonne santé, propre, qui a mangé et qui s'est reposé. Tu auras bien assez à faire à compter de demain pour jouer les fiers à bras Tiago.

La petite taquinerie lâchée, Erwin se leva souplement et contourna son bureau, lui faisant signe de le suivre alors qu'il se dirigeait vers la porte, son sourire perpétuellement vissé à ses lèvres et ses mains en poche.

- Tu as déjà vu l'entrée, la cuisine et la salle de bain. La réserve de nourriture se trouve là.

Il ouvrit une porte attenante à la cuisine et donnant sur une pièce fraîche à l'air sec, sans issue vers l'extérieur, avec des étagères et des buffets où étaient stockés produits secs et frais séparément, des bocaux et des bouteilles contenant toutes sortes de denrées plus ou moins périssable, tout semblant parfaitement ordonné et rigoureusement entretenu et soigné. Il y avait notamment toute une partie réservée au stockage de poches de sang. Le vampire laissa le brun faire le tour, patient et conscient qu'il lui fallait appréhender les choses à son rythme, puis ressortit avec lui pour lui faire voir la partie buanderie qui était plus que conséquente et prenait à elle seule une bonne partie du rez-de-chaussée : draps de literie, rideaux, nappes, serviettes de bain et nécessaires de toilette, sans parler de tout ce qui avait trait à l'entretien de l'auberge. Il le mena ensuite vers les zones publiques de l'auberge : salle de repas avec une partie comptoir de bar bien fourni en alcools et sangs, espace canapés, fauteuils et tables basses pour ceux qui voulaient se détendre en discutant autour d'un verre. Ils croisèrent plusieurs employés, Erwin les saluant tous de la même façon avec un sourire, leur présentant Tiago en expliquant qu'il venait de rejoindre son service et qu'il commencerait le lendemain. L'immortel en profita pour lui dire qui travaillaient pour lui et qui au contraire venait de l'extérieur de l'auberge, qui étaient leurs maîtres, leur rang et fonction dans la cité, de quoi avoir rapidement un mal de crâne si l'on tentait de tout retenir du premier coup.

- Et bien sûr il y a les deux étages avec les chambres et salles de bain réservées aux clients.

Ils montèrent les escaliers, l'aubergiste en profitant pour ouvrir quelques portes de chambres qu'il savait inoccupées pour lui montrer les différentes tailles et degrés de qualité disponibles, pourvu qu'on y mette le prix correspondant. Au deuxième, il lui désigna plusieurs portes qu'il indiqua être réservées à certains vampires de sa connaissance et qui avaient des fonctions plus ou moins importantes bien qu'ils ne soient pas tous de la cité.

- Tiens celle-là par exemple, c'est celle que je réserve à mon frère Viktor. Il a sa propre maison en ville, mais il peut arriver qu'il ait besoin d'un pied-à-terre pour esquiver certains importuns, alors il sait qu'il peut venir ici quand il a envie de changer d'air.

Le brun sourit d'un air plus doux en disant cela, observant la porte comme s'il s'attendait presque à la voir s'ouvrir avant de finalement pivoter vers Tiago, son sourire se faisant plus franc et assuré.

- Alors dis-moi, est-ce que tu as des questions ? Profites-en, je suis tout à toi jusqu'à-ce que tu ailles te coucher, après on ne se verra que la moitié du temps vu que tu vivras en horaires décalés. Il est important que les humains continuent de voir le soleil tous les jours, sinon ils dépérissent, alors vous fonctionnerez en roulements avec tes collègues, mais ça ils te l'expliqueront en détails demain. Et donc, des questions ?


@Tiago Alvarez