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HELP [Erwin King]



14.12.21 9:40

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"Odeur du temps, brin de bruyère"
Guillaume Apollinaire


Aujourd'hui, le Conseiller accordait audience à domicile.

Il ne prenait pas toujours au sérieux les requêtes de financement plus ou moins justifiées qui atterrissaient sur son bureau. Quiconque le connaissait bien s'adonnait à un petit exercice de calligraphie, mais il en fallait bien davantage pour desserrer les cordons de sa bourse. Non pas que l'homme soit avare à proprement parler ; son aversion pour la politique n'allait pas jusqu'à censurer les débordements mondains dont il ne comprenait pas toute l'utilité ; il était accessible à la raison, dirons-nous. Et à la raison uniquement. Si vous arriviez à le convaincre que son désintérêt était affaire d'ignorance de sa part, et ce sans l'offenser au passage, vous aviez piqué sa curiosité. Autant dire que des travaux d'agrandissement pour une auberge n'avaient pas forcément toutes les chances d'éveiller le décorateur d'intérieur qui ne sommeillait absolument pas en lui. A la Renaissance encore, il se tenait vaguement au courant des dernières tendances en la matière, mais ce sens avait fané par la suite, et lorsqu'il avait pris part à la construction de New Abbotsford, il s'était fait aider d'esprits plus actuels pour ne pas simplement dessiner les plans d'un château-fort.

De plus, la lettre de demande dénotait d'un esprit un peu trop primesautier à son goût, suggérant qu'on ne pouvait refuser à un bon citoyen cette occasion de mieux servir sa cité. Il est vrai que la Tour n'allait certes pas accueillir tout ce qui franchissait les murailles de voyageurs de tout poil ; et là était justement le problème. Le PETIT problème. Celui qui faisait que Tommen se sentait d'humeur à penser en majuscules, qu'il avait mis une cravate noire sur une chemise noire sous un veston noir, pour se consoler un peu du chaos soudainement débarqué dans sa vie ; et qu'il rencontrait le requérant à l'hôtel que tenait ce dernier, non pas dans un bureau.

Allons, avec un peu de chance, il y aurait peut-être un bureau correct dans cet établissement.

En arrivant, une sacoche mal fermée en bandoulière, Tommen songea que cette auberge ne lui paraissait pas avoir besoin d'agrandissements particuliers. Mais il est vrai qu'elle bruissait d'activité et avait sans doute loué jusqu'à ses combles. Cela faisait son affaire, en même temps que cela lui causait l'embarras classique des lieux bondés pour les gens discrets. Il y aurait bien ici quelqu'un qui pourrait prendre en charge le petit problème en question ; si c'était le cas, alors il se pourrait bien que le financement réclamé soit accepté avec un peu plus de bonne grâce qu'à l'ordinaire.

De manière générale, on considérait facilement Tommen comme quelqu'un qui n'aimait pas les humains. Il y avait toutes sortes d'avantages à cela, notamment l'autorité naturelle et exempte de beuglements d'adjudant. Mais aussi des désavantages. Il venait de s'en apercevoir. Disons, ce matin un peu avant l'aube, quand il était rentré chez lui d'une promenade au clair de lune, les bras chargés, et le visage décontenancé. Il avait disparu dans ses appartements tel un fantôme, et depuis, nul ne savait à quoi il avait passé sa journée ; mais ça n'avait pas dû être bien joyeux. Il est vrai que par ailleurs, le déclin de sa créatrice se poursuivait, quelque part au-delà de l'horizon, et devenait plus aigu chaque jour, comme si cet horizon, les plafonds, les murs, bref, tout se rapprochait au fil d'une pulsation fatidique. Le monde finissait par en ressembler à un cachot, non, une crypte, pour ne plus laisser finalement qu'un cercueil. Ou, aujourd'hui, quelque chose de plus petit encore que cela.

Son état présent pouvait être décrit comme "indolore mais engourdi", ce qui aurait suffi à lui donner de son propre corps une sensation inconfortable, claustrophobique. Il avait cru qu'une sortie en territoire sauvage lui remonterait le moral, mais ses liens avec la mourante étaient trop puissants, et plus rien ne semblait pouvoir attirer vraiment son attention. Il ne la maudissait même plus : il n'y avait plus que le gouffre. La faim n'était plus un problème, il n'éprouvait même plus le goût  de survivre, uniquement un voile lourd de plaintes et de regrets posé sur tout ce qui l'entourait, une sombre humeur qui lui faisait voir partout la mortalité, et la lui rendait intolérable tout à la fois. C'était peut-être pour cette raison qu'il n'avait pas vidé de son sang le petit problème, comme une outre bien pleine.
Et aussi, parce qu'en toutes circonstances il préférait nettement boire comme une personne civilisée : dans un verre, et à partir d'une bouteille.

De sa promenade, outre son dérangeant chargement, il avait rapporté une branche, une poignée de terre sèche et un galet, recueillis sur les lieux où il l'avait ramassé. Avec ces objets, leurs odeurs spécifiques, leurs caractéristiques topographiques, le traqueur pourrait retrouver sans peine l'endroit exact, si le besoin s'en faisait sentir un jour. C'était une question d'atmosphère, et ces petits aides-mémoires lui suffiraient pour trianguler la place.
Silencieux accord pris avec lui-même d'une forme de service après-vente distant et dépassionné, du style dont il se savait capable. Il n'était pas le genre de parrain qui attribue un prénom supplémentaire et joue à quatre pattes sur le tapis. Plutôt celui qui envoie des étrennes sur un compte verrouillé en prévision d'éventuelles longues études, et dont on oublie le visage. C'est pourquoi il lui fallait un complice humaniste à tous points de vue. Enfin, pas un humain, il ne fallait pas exagérer ; un intermédiaire serait forcément nécessaire. Il avait pensé à l'aubergiste en tombant sur sa demande, alors qu'il fouillait parmi ses papiers pour tenter de penser à autre chose qu'au problème, et il avait songé que ce ne pouvait être une coïncidence. C'était le hasard qui plantait le dernier clou dans son cercueil. Il allait falloir supporter ce bondissant personnage, qu'il ne connaissait que peu, en bon asocial, mais qu'il situait tout à fait ; et il allait falloir faire avec lui l'un de ces pactes qui ne doivent pas s'ébruiter.

Voilà ce qui l'amenait à présent à requérir un entretien privé avec Erwin King, tout en jouant machinalement avec la lanière de sa sacoche, comme pour bercer ce qui y reposait. On n'y distinguait rien, qu'un coin d'étoffe, comme s'il y avait fourré une sorte de couverture. Il attendrait d'être en lieu sûr derrière une porte close pour en sortir le petit problème et y trouver une solution. En attendant, impassible, indéchiffrable, endeuillé et ténébreux, plus vampirique que la nuit elle-même, il avait davantage l'air de celui qui vient prélever une somme que de celui qui vient l'accorder.
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16.12.21 11:43

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Chem-Chimney, Chem-Chimney, Chem-Chem-Tcheri,
Happy but bohemian, there come the chimney sweeps


La voix d'Erwin résonnait en sourdine dans son bureau à la porte ouverte tandis qu'il avait le nez plongé dans ses comptes de la veille, chatonnant à mi-voix sur un ton plutôt léger quoique songeur un air que ses enregistrés les plus anciens avaient eu l'occasion d'entendre plus d'une fois et dont il leur avait expliqué qu'il venait d'une époque lointaine d'avant la fin du monde. Il était parti dans un monologue sur les films de Noël et la télévision, les chocolats chauds et les faux Pères Noël qu'on trouvait à chaque coin de rue, les marrons glacés, le vin chaud, le gui, les sapins, les devantures de magasin pleines de décoration et les rues brillantes de mille feux et... et il avait perdu les humains en route, leur adressant un simple sourire aimable avant de leur dire de laisser tomber, s'en retournant comme toujours à ses activités, non sans soupirer un peu une fois seul : ah, que les fins d'années étaient devenues mornes depuis l'apparition des enragés, c'était à pleurer. Pour l'occasion il avait fait décorer son auberge aux couleurs hivernales : décorations en bois taillées à la main représentant de petits sapins, des rennes, des bonhommes de neige et des boules de Noël, mais aussi des couronnes de pin tressées, du houx et ses baies rouges significatives dont il prévint les humains qu'elles n'étaient pas comestibles, et bien entendu le traditionnel gui dont il avait planqué plusieurs branches suspendues ici et là, en laissant une grande bien en évidence dans la salle principale au rez-de-chaussée pour les visiteurs de toutes dents ou canines. Un peu de légèreté dans un monde ravagée ne pouvait pas faire de mal, n'est-ce pas ?

Nowhere you'll see happier men
Than these honest people singi...


La silhouette de Matthew dans l'embrasure de la porte le fit s'interrompre et relever vivement la tête, un sourire étirant ses lèvres face à son tout premier enregistré qui était à son service depuis plus de deux ans maintenant, presque trois.

- Oui ?

- Désolé de vous déranger Maître, mais il y a un vampire à l'air très respectable en bas qui demande après vous, je crois que c'est le membre du Conseil à qui vous avez écrit.

- Tommen Hodgkin ?!

L'immortel se lève d'un bond, manquant renverser son siège qu'il rattrape de justesse d'une main, un large sourire ravi aux lèvres. Il contourne son bureau et se dépêche de quitter la pièce, son enregistré sur les talons, descendant l'escalier quatre à quatre sans se préoccuper une seule seconde de sa tenue. Il pensait que l'homme d'état, bien trop accaparé par les affaires importantes de la Cité, lui renverrait sa réponse par écrit ou bien le ferait convoquer à la Tour, pas qu'il se déplacerait en personne sur place. Il glissa un mot à Matthew, lui demandant de sortir une des bouteilles de sang de son frère, le laissant bifurquer vers la réserve tandis que lui rejoignait le vampire qui le dépassait de plusieurs bons centimètres au vu de leur différence de taille, lui-même n'étant pas si grand que cela comparé à nombre des siens.

- Monsieur Hodgkin, si je m'attendais à ça ! Soyez le bienvenu ! Venez, venez, ne restons pas l...

Erwin se figea dans un frémissement et ses grands yeux noirs délaissèrent immédiatement le visage sévère du Conseiller pour se baisser vivement vers la sacoche qu'il portait si précieusement au côté, plissant les paupières avant de relever son regard sur celui de son vis-à-vis, le sien se faisant indéchiffrable malgré l'ombre qui venait de s'y installer.

- Nous serons plus tranquilles dans mon bureau.

Lâcha le brun en tendant un bras pour l'inviter à se mettre en mouvement, le guidant à l'étage jusqu'à la porte de son bureau où il le fit entrer, vérifiant d'un bref coup d’œil que Matthew avait bien disposé une bouteille de sang sur son bureau avec deux verres avant de refermer la porte.

- J'avoue que si je ne m'attendais pas à votre visite, je m'attendais encore moins à ce que vous veniez accompagné, surtout de cette façon, aussi je vais être très direct et déjà rien que le fait que je vous prévienne est déjà une marque de respect alors ne le prenez pas mal, mais...

Il s'appuya contre le bois du meuble et ses mains empoignèrent le bord de celui-ci pour s'empêcher de faire autre chose, désignant du menton la sacoche dont il avait sentit une effluve particulière s'échapper, en plus du petit battement et de la respiration ténue au milieu de la couverture.

- Comment ça se fait que vous ayez un bébé avec vous ?

Aux dernières nouvelles, c'était lui l'humaniste et, si Tommen ne possédait pas de réputation particulière quant à ses goûts ou même sa tolérance envers l'Humanité, quelle qu'elle puisse être, le fait est que la sinistre pensée qu'il puisse l'avoir amené pour une funeste raison étreignait le cœur mort et inerte du tenancier qui se voyait déjà conduit au gibet en place publique pour avoir osé s'en prendre à un Conseiller fondateur de la Cité, tout ça pour avoir voulu sauver un petit bébé innocent d'un sort terrible... Son frère comprendrait, et récupèrerait la gestion de son auberge, mais quand même ça le ferait chier de finir comme ça.

- Vous savez, si vous avez faim, j'ai du sang d'excellente qualité dans cette bouteille, je vous assure que vous ne serez pas déçu.

Le sous-entendu outrageant était dit avec une tête telle qu'on aurait dit qu'Erwin tentait de convaincre un être récalcitrant dénué de bon sens et qui se tiendrait prêt à commettre un acte répréhensible sans avoir la capacité de l'arrêter. Vêtu d'un simple pantalon noir et d'un t-shirt blanc dépassant ça et là d'un pull bordeaux, les cheveux à peine coiffés à la va-vite d'un bref coup de peigne dont on pouvait douter de l'efficacité, l'aubergiste avait tout l'air d'un type ordinaire qui s'adresserait à une pointure, d'un simple petit vampire quelconque ayant affaire à un illustre ancien dont il aurait oublié le statut pour lui parler presque comme à son prochain, à peu de choses près. N'eut été le sang de son Père coulant dans ses veines et sa folie temporairement en sourdine face à une telle situation, le brun n'avait pas grand-chose pour lui à cet instant.

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16.12.21 16:31

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Il fallait s'y attendre ; le quidam se méprenait. Tommen ne pouvait guère lui en vouloir. Mais à la réflexion, il lui en voulait quand même. C'est à dire, il comprenait son raisonnement, mais il n'appréciait guère d'en être la cible. C'était vexant. Peut-être parce que, quelques nuits plus tôt encore, il aurait sans doute été incapable de résister à la tentation. Mais il n'aurait sûrement pas ramené le casse-croûte dans un lieu aussi trivial pour partager avec n'importe qui son petit rituel nécromantique ; il l'aurait consommé dans le silence et le secret des bois obscurs, tel le monstre des légendes. Enfin, heureusement cette phase fébrile était désormais surmontée. Restait la phase éteinte, celle où il faut recommencer à interagir avec tout un chacun, et où l'on réalise à quel point les muscles de la sociabilité peuvent s'atrophier rapidement au cours d'une période de deuil. Et c'était dans cette mélasse qu'il se débattait actuellement, fort tenté de se laisser sombrer.

Tommen fit alors une chose qu'on ne le voyait pas faire souvent. Les coins de ses lèvres s'arquèrent en direction du plafond, sa lippe mince se retroussa sur ses crocs luisants, et il se composa l'un de ces sourires exhibant la dentition au grand complet qui, chez les grands singes et ceux de ses semblables en ayant perdu l'habitude, manifestaient surtout une nervosité crispée, à deux doigts de basculer dans la franche agressivité.

"Eh bien... C'est Noël, non ?"

Cette réplique d'un sarcasme non déguisé était le grand maximum d'humour auquel l'aubergiste aurait droit de sa part. Le reste serait parfaitement sérieux.

"Soyez aussi direct qu'il vous plaira, cela accélérera la négociation. Déjà : pour la bouteille, cela ne sera pas de refus. Cette journée m'a coupé l'appétit mais je vais tenter d'être raisonnable. Ensuite..."

Il déposa au sol son si léger et si pesant fardeau. Dieu merci, la créature dormait à poings fermés. Quand on connaissait son débit sonore une fois réveillée... Et ce fredonnement que Tommen avait perçu de loin en arrivant, d'autant plus clair dans son esprit à présent qu'il enregistrait le timbre de voix de son auteur, lui avait mis des répliques de Shakespeare en tête. C'était vraiment une situation insensée.
Let there be sung Non nobis and Te deum,
The dead with charity enclosed in clay;
And then to Calais, and to England then,
Where never from France arrived more happy men.
Secouant la tête, il chassa ce souvenir dans un effort conscient, puis fixa son oeil de faucon quelque peu dédaigneux sur son interlocuteur et ses calembredaines.

"Vous êtes négligé et agité, vous n'inspirez nullement confiance mais j'ai besoin de votre aide."

Voilà, c'était dit. Peu d'autres aveux auraient été plus pénibles. Il n'allait pas prétendre que s'acoquiner avec ce bonhomme qui semblait déguisé en humain de bas étage ne pesait pas un peu sur sa conscience ; puisque l'autre était direct, autant qu'il le soit aussi. Mais néanmoins, les circonstances lui interdisaien de faire le difficile, et il estimait avoir opté pour la stratégie la plus acceptable. La moins plausible aux yeux de quiconque le connaissait. Donc, dans un sens, la meilleure. D'un geste de la main, il balaya l'hôtel qu'ils venaient de traverser, désignant par là tout le monde de vie de son congénère.

"Vous avez tout ce qu'il faut d'humains dans votre entourage et vous êtes en bons termes avec eux. Trouvez une... eh bien... une nourrice pour me délivrer de cette affaire, et je vous accorde la somme que vous aviez requise. Je crois qu'un tel arrangement peut être qualifié d'honnête. Et naturellement, confidentiel, cela va sans dire."

C'était, métaphoriquement car aucun geste supplémentaire ne vint le mouvoir, une main tendue. Deux incorrigibles face à face, chacun placé à un point opposé du spectre de l'extraversion et de l'introversion. Deux chiens de faïence de part et d'autre d'un petit Jésus de porcelaine – ou plutôt Moïse, pour être exact – tous deux sur leurs gardes, à se demander lequel était le plus vulnérable des trois, face à cette situation incongrue.

"Ah, et si on devait vous poser la question, vous n'avez aucune information sur la provenance du colis. Nom, origine, ancêtres, rien. Vous l'avez trouvé devant votre porte. Cela vous convient-il ?"
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16.12.21 18:53

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Évidemment qu'il n'allait pas le manger, sinon ça serait déjà fait imbécile !

Erwin a beau se fustiger mentalement, il a vu et entendu tellement d'atrocités qu'il pense que tout est possible, même si pour le coup plusieurs indices lui laissent à penser que non, le Conseiller Hodgkin n'est pas venu ici avec un bébé pour le vider de son sang, notamment parce que :

- il a prit la peine de l'envelopper dans une couverture dans un sac de cuir qui l'isole du froid extérieur,
- il l'a clairement vu le bercer délicatement en tirant à intervalles réguliers sur la bandoulière de son sac,
- à sa place s'il avait voulu commettre un pareil acte, ça aurait été à l'extérieur de la cité et pas dans un établissement recevant une quantité non négligeable de clients de tous horizons,
- il n'a pas la tête d'un tueur de nourrisson, en tout cas de l'idée qu'il se fait de l'ancien qui lui fait face.

D'ailleurs en parlant de sa tête, clairement, il n'a pas eu l'air d'apprécier sa plaisanterie qui n'en était pas totalement une, encore que vu la réponse qu'il lui a fait vis-à-vis de Noël... brrr, s'il pouvait encore éprouver le froid, l'aubergiste est certain qu'il frémirait de tout son long, au lieu de quoi il a penché la tête de côté, scrutant ce sourire étrange, analysant ce visage avec lequel il n'est pas encore familier... et se met à sourire à son tour, visiblement soulagé et passablement amusé. Oh la belle frayeur qu'il lui a fait ! Bien joué, très bien joué !

"Soyez aussi direct qu'il vous plaira, cela accélérera la négociation. Déjà : pour la bouteille, cela ne sera pas de refus. Cette journée m'a coupé l'appétit mais je vais tenter d'être raisonnable. Ensuite..."

Oui, mieux vaut être raisonnable quand on à proximité de soit un petit être innocent et des tas de vampires dont on restreint les quantités de nourriture auxquels ils ont droit, sait-on jamais ce qui peut se passer. Les yeux noirs de l'immortel suivent du regard le délicat mouvement consistant à poser la sacoche sur le sol, sentant là encore que s'il avait encore eu un souffle, il aurait retenu ce dernier, percevant l'absence du moindre son pouvant traduire un manque de douceur... mais non, l'homme de pouvoir est prévenant, précautionneux... la jauge d'estime de son hôte grimpe en flèche dans son esprit.

"Vous êtes négligé et agité, vous n'inspirez nullement confiance mais j'ai besoin de votre aide."

Il l'aurait bien remercié pour le "agité" tout en lui répondant qu'ainsi au moins il avait l'air bien plus normal qu'un homme incapable de paraître chaleureux et dont l'allure à elle seule suffit à faire croire que la Mort est venu vous chercher, mais autant plaisanter est une chose, autant là sa petite voix lui soufflait que le Conseiller n'allait peut-être pas le prendre bien cette fois.

"Vous avez tout ce qu'il faut d'humains dans votre entourage et vous êtes en bons termes avec eux. Trouvez une... eh bien... une nourrice pour me délivrer de cette affaire, et je vous accorde la somme que vous aviez requise. Je crois qu'un tel arrangement peut être qualifié d'honnête. Et naturellement, confidentiel, cela va sans dire."

DING DING DIIIIIIIIIING !

La cloche des scores de haute estime résonne au maximum dans l'esprit d'Erwin qui ne peut s'empêcher de sourire, s'avançant vers la sacoche devant laquelle il s'accroupit, repoussant le dessus avec précautions tout en hochant la tête aux paroles de son aîné.

"Ah, et si on devait vous poser la question, vous n'avez aucune information sur la provenance du colis. Nom, origine, ancêtres, rien. Vous l'avez trouvé devant votre porte. Cela vous convient-il ?"

- Oui totalement. Vous n'avez pas à vous en faire, Conseiller Hodgkin...

Le brun glissa ses mains avec d'infinies précautions dans la sacoche et en tira la couverture qu'il souleva avec, à l'intérieur, le précieux petit paquet.

- ... nul ne connaîtra jamais votre implication en-dehors de moi et de deux autres personnes de confiance. Heyyyy, salut toiiiiii.

Ses derniers mots, énoncés sur un ton doux et à volume beaucoup plus bas, étaient adressés au petit être encore endormi dont la tête venait d'apparaître hors de la couverture, l'immortel le tenant dans ses bras avec un grand sourire éclatant, ses yeux couleur ténèbre semblant comme éclairés de l'intérieur, brillants de bonheur.

- Puisque ce petit n'a pas de nom, est-ce que vous voulez lui en donner un ? Ca porte malheur de ne pas le faire, surtout qu'il vous doit la vie. L'air de rien c'est important.

Les yeux noirs se tournèrent vers le visage de Tommen, se faisant presque ceux d'un chien battu quémandant un peu de tendresse et d'attention, et à cet instant Erwin avait l'air de tout sauf d'un prédateur capable de décapiter un ennemi au fond d'une ruelle de la cité mais, hey, c'était un BÉBÉ là dans ses bras ! Un vrai petit bébé ! Jamais les humains de New Abbotsford ne laissaient approcher un vampire inconnu de leurs petits et à raison, et chaque fois qu'il avait sourit en faisant des petits signes à des bébés dans des landaus, les parents avaient semblé terrifiés, comme s'il s'apprêtait à les saigner à vue... De quoi vous plomber le moral pour une nuit entière, ça oui. Alors un bébé dans ses bras, un vrai bébé rien qu'à lui... enfin non, pas à lui, il ne pourrait pas s'en occuper, mais il pourrait être son parrain immortel ou quelque chose comme ça, il pourrait peut-être l'adopter aussi, à moins que le Conseiller ne veuille le faire et...

- Vous voudrez le prendre sous votre protection le moment venu ?

Demanda l'aubergiste avec un sérieux qui reprenait ses droits aussi vite qu'un nuage passerait devant la lune pour plonger les terres dans une obscurité incertaine, son regard se relevant sur l'homme avec qui il venait de signer tacitement un pacte des plus importants.

- Une fois qu'il sera en âge de parler et de marcher, est-ce que vous voudrez le prendre avec vous ? Avoir un tuteur immortel peut être une bonne chose, pas besoin d'attendre qu'il soit en âge d'être mis aux enchères en place publique.

Le brun berça doucement le petit être innocent, reportant sur lui un regard triste et tendre à la fois.

- Regardez-le... s'il avait quelqu'un de puissant pour veiller sur lui, il n'aurait pas à craindre de finir entre les mains d'un de nos semblables répugnant et libidineux, ou violent. Il pourrait apprendre à lire, à écrire, à compter. Il sera curieux, éveillé, pas tout à fait libre c'est vrai, mais ça pourrait s'en rapprocher plus facilement qu'avec un mauvais maître.

Si son cœur battait encore, il le sentirait certainement manquer de rythme en se serrant douloureusement dans sa cage thoracique. Pauvre petit... si ça ne tenait qu'à lui, il l'emmènerait loin de cette cité, là où les humains sont libres et n'ont rien à craindre ni des vampires ni des enragés... mais un tel lieu n'existe pas, hélas. Hélas...

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17.12.21 0:13

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"Faites-moi une grâce : calmez-vous. Nous ne sommes pas sur les planches."

C'était un profond soulagement que de savoir le contrat accepté. Ils avaient tous deux un intérêt évident et quasi irrationnel à ce que les choses restent en l'état : le ballot de viande dans les bras de qui de droit, et les vaches seraient bien gardées, comme on disait du temps de l'industrie agro-alimentaire. Néanmoins, le côté reine du drame que déployait l'aubergiste pour lui suggérer toutes sortes de requêtes insensées – quand lui-même évoquait tranquillement au moins deux manquements au secret réclamé, comme si c'était la chose la plus naturelle du monde – continuait à perturber légèrement l'optimisme prudent que le Conseiller cherchait sincèrement à ressentir. Il indiqua d'un geste quasi accusateur la petite créature qui s'éveillait dangereusement.

"Vous allez garder ça sur vous, pour commencer. Je vous souhaite bien du plaisir."

Une pointe de névrose faisait presque son apparition dans la voix ordinairement mesurée du Conseiller, à cette évocation très distante de moments qu'il n'aurait pas souhaités à son pire ennemi. (Cela dit, King était au-delà d'un ennemi : il était volontaire.) Le ténébreux Conseiller ne toucherait plus à cette petite larve de bipède s'il pouvait l'esquiver. L'aubergiste ne pouvait pas imaginer – oh, il imaginerait bientôt, si il continuait à s'impliquer autant ; l'odorat sensible d'un vampire ne lui permettait pas de laisser certaines choses en l'état sans intervenir d'une façon ou d'une autre – à quel point cette journée avait pu être longue. Concernant ses capacités de protecteur, Tommen était arrivé à son maximum absolu, du moins c'est la décision qu'il avait prise.

Il coupa donc court à la rêverie de son interlocuteur, de cette voix qui claquait comme une cravache, et qu'il réservait d'ordinaire à son équipe lorsqu'elle avait besoin d'être rappelée à la discipline. Honnêtement, c'était rare. Ils étaient tous merveilleusement conscients de ce genre d'obligations, allez savoir pourquoi. Un mot suffisait, en général, un haussement de ton, pareil à une formule magique.

"Et VRAIMENT ! il n'y a pas lieu de s'émerveiller ou de faire des plans sur la comète. King, voyez les choses en face, c'est une simple petite vie animale, brève et insignifiante, qui a été déplacée d'un point A à un point B. Nous allons attendre qu'il meure, en lui arrangeant des conditions correctes par égard pour notre propre degré de civilisation, voilà tout."

Suite à la formule magique, il avait repris son élocution naturelle (aussi parce que le petit problème avait sursauté.) Sa voix ordinairement posée et persuasive lui servait en ce moment à ne pas avoir l'air trop cruel, alors qu'il établissait simplement des faits ; mais des faits qui risquaient d'émouvoir aux larmes ce vampire bondissant et instable qu'il avait devant les yeux. Non merci, les pleurs du poupon lui avaient suffi... notamment entre dix heures et onze heures, le temps qu'il trouve comment le nourrir. Il comptait donc dire les choses comme elles étaient, mais du ton le moins brutal qu'il pourrait se composer.

"Et immanquablement, vous et moi l'enterrerons, à moins d'une nouvelle fin du monde – et notre race a déjà survécu à tant d'entre elles. Alors de grâce, ne commencez pas à vous attacher."

Le verre promis n'attendrait pas. Pendant que Monsieur pouponnait, son invité doublement inattendu se versa lui-même à boire, espérant se sentir mieux et plus maître de lui quand le breuvage aurait infusé ses veines.

"Appelez-le donc Moïse si ça vous chante. Non, ça ne se donne plus de nos jours, n'est-ce pas ? Ah, faites à votre guise. Je pourvoierai au nom de famille si besoin est,  j'en traîne quelques-uns dont je n'ai plus l'usage. Ainsi notre arrangement aura été équitable de bout en bout. Tiens, je ne saurais même pas vous dire... Trouvez donc un prénom mixte."

Voilà bien le genre de sujet qui n'intéressait aucunement Tommen. Il n'aurait pas pu y prétendre pour sauver sa vie. De son point de vue, quand la petite chose saurait parler, on lui demanderait ce qu'elle pensait de son propre cas ; et si elle comptait se prénommer comme ceci ou comme cela, il y réagirait avec une conciliation proche des plus profonds abîmes de l'indifférence. Donc, puisque visiblement son interlocuteur était en sévère besoin d'exutoires émotionnels, il pouvait aisément lui jeter ce petit plaisir en pâture. Sauf un détail. Nommer la bestiole risquait de l'y attacher encore davantage. Allons, c'était clairement peine perdue... Second verre.
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18.12.21 21:33

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"Faites-moi une grâce : calmez-vous. Nous ne sommes pas sur les planches."

- Oh allons ! Nous savons bien vous et moi que ce monde n'est qu'une vaste pièce tragi-comique dans laquelle nous avons tous notre rôle à jouer, pas la peine de jouer les acteurs studios avec moi.

Lança Erwin avec un large sourire à l'intention de Tommen, reportant son attention sur le petit être vivant qu'il venait de soulever entre ses bras et qu'il berçait à présent avec une douceur trahissant une certaine expérience, quand bien même celle-ci remontait à une éternité -ironique ou logique pour un vampire, à chacun d'en décider- son sourire s'étirant d'une oreille à l'autre tandis que ses yeux noirs brillaient d'une joie visiblement sincère et profonde. Nul doute que si son cœur avait encore pu battre, il serait follement agité à cet instant.

- Qui c'est le plus beau ? Qui c'est le plus beau ? Mais oui c'est toi, ohlala oui c'est toi petit bouchon.

"Vous allez garder ça sur vous, pour commencer. Je vous souhaite bien du plaisir."

L'aubergiste retint un rire face à l'air passablement nerveux du Conseiller, s'amusant des déboires de ce dernier qu'il imaginait déjà sans peine : Tommen réalisant l'odeur pestilentielle des besoins tapissant le lange du nourrisson, Tommen tentant de changer ledit lange souillé et se prenant une douche dorée, Tommen jurant et pestant avec une mèche de cheveux partant en vrac de côté tandis qu'il grimace à qui mieux mieux... Non, finalement, l'immortel est en train de rire face à son aîné d'âge, lui proposant dans la foulée de donner un nom au petit être sauvé par ses soins, trouvant cela légitime en soi, imaginant déjà ce que cela pourrait changer que d'avoir un homme aussi influent et puissant pour veiller sur ce mini-humain et...

"Et VRAIMENT ! il n'y a pas lieu de s'émerveiller ou de faire des plans sur la comète. King, voyez les choses en face, c'est une simple petite vie animale, brève et insignifiante, qui a été déplacée d'un point A à un point B. Nous allons attendre qu'il meure, en lui arrangeant des conditions correctes par égard pour notre propre degré de civilisation, voilà tout."

Le regard que Erwin porte sur Tommen est aussi choqué qu'indigné, ses yeux noirs le fixant comme s'il venait de proférer la plus grande des absurdités qui soit en ce monde. Attendre qu'il meure ?! Une vie brève et insignifiante ?! Et bien qu'un ton radoucit succède au bref éclat de voix du strigoï, son vis-à-vis lui semblait profondément stupéfait de ce qu'il entendait et demeurait coi, pour une fois.

"Et immanquablement, vous et moi l'enterrerons, à moins d'une nouvelle fin du monde – et notre race a déjà survécu à tant d'entre elles. Alors de grâce, ne commencez pas à vous attacher."

Trop tard. Le brun serra le petit être emmitouflé dans la couverture comme s'il pouvait par ce seul geste le prémunir contre cette terrible fatalité que venait d'énoncer celui qui lui faisait face, son regard s'humidifiant d'un rose qui menaçait de virer au carmin tandis que ses bras berçaient doucement celui qui ignorait encore tout du monde dans lequel il avait été amené sans avoir rien demandé. Mais n'est-ce pas leur lot à tous, en vérité ? Le Conseiller alla se verser un verre et l'aubergiste eut une respiration inutile, reportant son attention sur le bébé qu'il tenait contre lui, toute joie semblant avoir déserté son visage alors qu'il semblait en proie à un profond chagrin teinté d'une douloureuse mélancolie.

"Appelez-le donc Moïse si ça vous chante. Non, ça ne se donne plus de nos jours, n'est-ce pas ? Ah, faites à votre guise. Je pourvoirai au nom de famille si besoin est, j'en traîne quelques-uns dont je n'ai plus l'usage. Ainsi notre arrangement aura été équitable de bout en bout. Tiens, je ne saurais même pas vous dire... Trouvez donc un prénom mixte."

- Et moi qui aurait cru qu'à votre âge vous auriez tout du Père protecteur, je me suis lourdement trompé.

Souffla le brun en glissant l'un de ses doigts glacé sous un pan de la couverture pour effleurer le front du nourrisson qui frémit mais demeura endormi, reportant ensuite son attention sur le Conseiller avec un regard qui semblait presque accusateur, comme s'il était personnellement concerné par le sort de l'être vivant qui venait de lui être temporairement confié le temps qu'il lui trouve un foyer.

- Il faut croire que tous ceux qui ont passé le millénaire ne sont pas aussi protecteurs que le mien, comme quoi ces histoires d'instinct ce sont bien des foutaises... oups, pardon bébé, des bêtises.

Rectifia Erwin avec un bref sourire à l'intention du mini-humain endormi, revenant vers son bureau pour se servir une coupe d'une seule main sans difficulté, savourant le goût du sang frais de qualité provenant d'un trafic illégal avant d'aller s'installer dans son fauteuil, désignant à son hôte celui face à son bureau.

- Installez-vous, je vais vous donner de quoi écrire pour valider votre "généreux" soutien financier à mon établissement, ensuite j'imagine que vous avez des affaires plus "importantes" qui vous attendent que vous occuper d'une vie "insignifiante".

Amer ? Si peu. Rancunier ? Probablement. Surprotecteur ? Certainement. Suicidaire ? ... Dans le mille ! Erwin sortit du papier qu'il posa devant Tommen et poussa prudemment son encrier avec sa plume en direction de celui-ci, continuant de son autre bras à tenir le bébé qui dormait toujours à poings fermés, ignorant tout de son sort qui se jouait cette nuit dans cette pièce.

- Ne vous en faites pas, Noa ne saura jamais que c'est vous qui l'avez sauvé et amené à moi. Tout ce que les gens sauront, c'est qu'on me l'a déposé devant ma porte un point c'est tout, seul mon frère saura la vérité, au cas où, et ça c'est non négociable.

Les yeux noirs fixaient le Conseiller avec une gravité nouvelle, l'ombre des labos Squibb dansant dans les prunelles sombres de l'aubergiste. Viktor et lui n'avaient aucun secret l'un pour l'autre, ainsi était-ce entre eux depuis le premier jour, la première expérience partagée, et ainsi en serait-il jusqu'à leur fin. Mais bon, à défaut de fibre paternelle, Tommen devait pouvoir comprendre un lien fraternel n'est-ce pas ?

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18.12.21 23:00

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La rédaction des paragraphes officiels, dans toute leur pompe académique et leur solennité guindée, ne demandait aucun effort au Conseiller qui avait participé à les formater au cours des années, à les reformuler et à les remettre au goût du jour. Il pouvait écrire tout en bavardant, lorsqu'il s'agissait de travail et de finances, tout comme un être dont l'humanité eût été mieux préservée se serait amusé à gribouiller un dessin indistinct dans la marge d'un carnet pendant la durée d'un appel téléphonique.

Je soussigné... Un pacte avec le diable.
L'incompatibilité de caractère était totale. C'en était surréaliste. Toute cette scène avait-elle réellement lieu ? Et l'aubergiste venait-il réellement de lui asséner qu'il avait l'âge de jouer les papis gâteaux ? Tommen ne s'en offusquait même pas, il était au-delà, partiellement assommé sous l'avalanche.

C'était un être de rigueur, de discipline, même si elle s'exprimait avec une telle élégance discrète qu'on y prêtait à peine attention au quotidien. S'il avait marché sur un lego – encore aurait-il fallu que bien des circonstances soient réunies pour parvenir à ce résultat – il n'aurait pas hurlé, tempêté et juré, écrasé son poing sur le mur ou sauté à pieds joints. Une mauvaise langue aurait même pu supposer qu'il était devenu un peu infirme de ce côté-là, à force d'entretenir ses plus intenses relations humaines et simili-humaines par le biais de l'encre ou du silence. Agir, réagir, était devenu une étrangeté. Mais en ce moment précis, il ne s'était pas vraiment laissé le choix.

Noa, donc ? D'un esquif à un autre, il n'y avait qu'un pas, la vie humaine était si courte, du nourrisson au patriarche. Pourquoi pas Jonah tant qu'on y était... L'esquif pouvait toujours se renverser. Ainsi ce sentimental jeune vampire aurait des raisons de verser des larmes. Son instabilité donnait le tournis.

"Qui vous dit que je l'ai sauvé ? Qui vous dit que je ne l'ai pas détruit ?"

Le regard désincarné qui avait accompagné son précédent sourire, et qui rendait dans ces moments-là sa face taillée à la serpe aussi abordable que celle d'un glacier, refit son apparition. Si seulement Tommen avait pu instiller quelque chose comme une terreur sacrée dans l'âme de son congénère, il ne se serait nullement privé. Et si pour cela il fallait laisser planer l'ombre vague de ce qui avait pu se passer dehors, les circonstances exactes de cette adoption saugrenue, et leurs possibles à-côtés meurtriers, alors il ne se gênerait pas. Il n'était pas homme à se parer d'une réputation violente et sanguinaire, en temps normal ; il trouvait cela un peu adolescent et vulgaire, indigne d'un homme sérieux ; mais faute de grives, on mange des merles, et cet Erwin King avait vraiment besoin d'être recadré quels que soient les moyens.

"Vous projetez bien des fantasmes sur ma personne. Je dois dire qu'acteur studio est celui qui me déconcerte le plus, mais passons."

Un imperceptible haussement de sourcil avait dénoté le passage bref d'un sentiment, la surprise, derrière le masque de Tommen. Et s'il s'était observé depuis l'extérieur en ce moment, il aurait pu déceler autre chose : en ce moment, il était parfaitement détaché des circonstances funestes qui l'engluaient depuis quelques semaines. Il ne pensait plus du tout à sa créatrice à la dérive, à la solitude des siècles, au sacrifice insoutenable qu'il faisait à chaque seconde sur l'autel de la raison. La situation était assez brouillonne pour nécessiter toute sa concentration.

Enfin.

Il posa le papier auquel ne manquait que sa signature, se releva et se tourna pour considérer l'importun moucheron qui lui bourdonnait aux oreilles avec une telle énergie. Bien que son expression n'ait pas changé, on pouvait voir reluire dans son regard fixe une sorte de férocité contenue et presque euphorique.

"Vous allez cesser de vous faire des idées à mon égard, et vous allez le faire rapidement, parce que je crois que c'est nécessaire à l'instauration d'un certain respect."

Oui, il retrouvait de l'intérêt à quelque chose : il était hors de question que sa signature s'appose au bas d'un document officiel, qui allait le lier à une mouche du coche incapable de tenir un minimum son rang. Ce n'était pas une question de snobisme, c'était presque défensif. Les attentes de King étaient mille fois trop hautes. Il fallait le recadrer, pour son propre bien, pour le bien du petit fardeau qu'il trimballait dans ses bras avec obstination, et surtout, pour le bien de Tommen. Et ça n'attendrait pas quelques impertinences de plus. Ramassant le contrat, il fit un pas vers son interlocuteur, comme s'il tendait un appât pour attirer son attention.

"Je ne suis pas un bon Samaritain. Je ne suis pas comme vous, King, navré. Et je n'ai aucune raison personnelle de pratiquer les simagrées de cette filiation solitaire qui est notre lot, à nous autres nocturnes. Voilà bien un jeu de hasard qui ne m'a jamais diverti."

La main libre de l'homme en noir avait achevé son mouvement en formant un étau autour de la gorge trop bavarde, dans un éclair silencieux qui avait eu le mérite de ne pas réveiller l'enfant. Ce "navré" avait eu l'accent sec et cassant d'un "collez-vous donc ça dans le crâne", mais le Conseiller était trop bien élevé pour un pareil écart de langage. Il était de ceux qui troquent de bon coeur un "va te faire foutre" contre un "serviteur, monsieur" n'importe quel jour de l'année. Sa prime éducation dans les sphères spirituelles méditatives de l'Asie ancienne y était peut-être pour quelque chose, mais c'était plus probablement une question de routine enracinée, confortable cocon dont il ne savait plus comment sortir sans gêne.

Ce geste d'agressivité était une marque de gêne. Mais il n'en était pas moins une menace d'étranglement. Oh, il n'aurait pas insisté, il aurait lâché prise sans doute, d'une façon ou d'une autre... Mais si réaction il y avait, il était presque curieux de voir laquelle.
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19.12.21 10:25

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Bien sûr que non il n'avait pas détruit ce petit être, quand bien même il serait responsable de la mort des parents mortels, cela n'empêchait pas qu'au lieu de le saigner à blanc il avait choisi de le ramener en lieu sûr et de pourvoir à ses besoins les plus élémentaires. N'avait-il pas emmitouflé l'enfant dans une couverture pour l'abriter du froid ? S'il avait juste voulu le dissimuler aux yeux de la cité, la sacoche à elle seul aurait suffit, même si le froid aurait pu le réveiller. Et que dire du fait de s'assurer qu'il ait du lait, qu'il vive, grandisse ? D'accord il ne voulait rien avoir à faire avec, mais Erwin était persuadé qu'un tel acte, qu'autant de contraintes non imposées, ne pouvaient que dissimuler une vérité toute simple : Tommen avait un cœur, et ce cœur avait exigé son du. A voir sa façon de réagir aux propos de l'aubergiste, il était évident qu'il n'assumait pas, qu'il n'assumait rien, mais soit, au moins faisait-il ce qu'il fallait et c'était déjà ça de pris, même si du coup son hôte se permettait clairement de le juger. Il ne projetait pas de fantasmes sur le Conseiller -encore qu'un tel homme était plaisant à regarder malgré son âge honorable, pour sûr Viktor approuverait certainement- mais la folie avait cela de "bon" qu'elle accordait une sorte de vision supplémentaire qui permettait de contrebalancer, par moment, la perte de tout ce qu'elle avait détruit sans pitié.

"Vous allez cesser de vous faire des idées à mon égard, et vous allez le faire rapidement, parce que je crois que c'est nécessaire à l'instauration d'un certain respect."

Le brun tendit sa main libre en direction du contrat, prêt à le lire, mais à peine ses doigts eurent-ils saisi la feuille que ceux appartenant à l'immortel vinrent enserrer sa gorge sans crier gare, sans geste brusque ni violence dans le mouvement, au point que la surprise fut totale et que les yeux noirs se levèrent vers le Conseiller avec un air parfaitement incrédule et étonné.

"Je ne suis pas un bon Samaritain. Je ne suis pas comme vous, King, navré. Et je n'ai aucune raison personnelle de pratiquer les simagrées de cette filiation solitaire qui est notre lot, à nous autres nocturnes. Voilà bien un jeu de hasard qui ne m'a jamais diverti."

Le mouvement avait été étrangement doux dans son approche, et si rapide que Erwin n'avait pas même eu le temps de sursauter, si bien qu'il se retrouvait coincé dans son fauteuil, un papier dans une main, l'enfant heureusement serré contre lui dans l'autre, et sa gorge prise dans un étau qui se resserra douloureusement alors que Tommen demeurait d'un calme glacial qui aurait certainement terrifié plus d'un autre à sa place.

Honey ?

Le survivant s'attendait presque à apercevoir son frère installé dans un autre fauteuil en face du sien, de l'autre côté de la pièce, et glissa un regard de côté pour constater qu'il n'en était rien. Il fronça les sourcils et releva ses yeux noirs sur le regard inquiétant du vampire millénaire et... Un sourire étira ses lèvres et un rire étranglé ressemblant à un son rauque brisé résonna non sans mal depuis sa gorge.

- Vous savez qu'on a pas besoin de respirer ?

Lâcha-t-il d'une voix éraillée et à peine audible tant sa trachée était justement broyée, au point que si l'homme serrait un peu plus il le marquerait pour plusieurs nuits.

- Vous me voyez comme un bon Samaritain, c'est vrai ?

Le rire étranglé résonne de nouveau alors que les yeux se ferment brièvement, le sourire devenant rictus douloureux quand la prise se ressert plus étroitement encore, menaçant de causer des dégâts que seule une bonne quantité de sang pourrait réparer. Les orbes couleurs ténèbres réapparaissent et le sourire vrille en coin, un ricanement sinistre résonnant alors que face à Erwin ce n'est plus Tommen qui est ainsi penché sur lui, tout vêtu de noir, mais la Mort elle-même et... oh, douce amie, tendre, si tendre amie qui toujours le fuit. Est-ce qu'elle va enfin finir cette danse avec lui ? Est-ce qu'elle est enfin venue le délivrer ?

- Vous croyez que j'ai peur ? Mais allez-y, emportez-moi, il n'y a que ça qui manque mais faites ça bien d'accord ? Je veux partir dans une apothéose, quelque chose de spectaculaire, ou de ridiculement ordinaire comme ça aurait du être le cas à l'époque. Vous devez tellement vous ennuyer, franchement je vous plaint.

La voix est plus abimée encore, à peine reconnaissable tandis que l'aubergiste sent le sang remonter dans ses vaisseaux sanguins malgré l'immobilisme de son palpitant, la pression étant telle qu'il imagine sans mal sa tête sauter comme un bouchon de champagne. Hey, c'est pas ce que ce vampire dans cette rue avait voulu lui faire d'ailleurs ?

- Qu'est-ce que vous avez tous à vouloir me décapiter ? Même ces crétins en blanc savaient que ce serait trop définitif, franchement bonjour l'originalité.


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19.12.21 13:31

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Il aurait pu s'agir d'une stratégie. Ne pas montrer sa peur et la dissimuler sous un rire était parfois efficace. Les études comportementalistes sur les animaux appelaient cela l'inspection du prédateur. Des créatures en apparence inconscientes qui marchaient droit vers la bête fauve prête à bondir sur elles, comme si elle ne constituait aucun danger. Une stratégie qui nécessitait la coopération spontanée et naturelle de tout le groupe, cependant, pour que l'assaillant doute soudain de sa place dans la chaîne alimentaire et de ses capacités à prendre le dessus ; et alors, il se détournait et s'en allait chercher l'aventure plus loin. Mais seul ? Il fallait beaucoup de conviction pour assurer une telle comédie seul. Et à force de regarder agir cet étrange spécimen, Tommen en venait surtout à douter que ce soit vraiment une comédie, ce qu'il lui jouait depuis le début.

Cela ressemblait davantage, songeait-il en l'écoutant babiller avec une insouciance absurde, au délire de l'écorché vif à qui a été arraché son masque de chair, d'un point de vue psychiatrique. Un dommage sévère du lobe frontal et des centres de l'inhibition, par exemple. Cet homme qui avait eu la tête traversée d'une barre de fer que l'on n'avait pu retirer par la suite, et qui miraculeusement y avait survécu, était un cas ancien qui lui revenait en mémoire. Cas aussi enviable que catastrophique, selon les aspects sur lesquels on s'arrêtait.

Pour la plus grande horreur de ses médecins, le convalescent ne ressentait plus la peur, ou pas comme quelque chose de handicapant. Il était décomplexé comme un ivrogne, sans qu'aucune substance autre que son sang ne coure dans ses veines. Plus de tentatives pour convenir à son public, plaire aux puissants, ménager les sensibilités, déguiser ses intentions. Il se promenait nu, chantait à tue-tête, jurait devant les demoiselles, et n'éprouvait plus aucune appréhension à l'idée du danger. Il n'était plus possible de faire pression sur lui parce qu'il ne craignait plus aucune conséquence. C'était l'aboutissement ultime et terrible du concept de liberté individuelle, un enfant incontrôlable dans un corps d'adulte détraqué. Sa famille avait honte pour lui, et il ne s'en rendait plus compte, pareil aux bêtes et aux immortels dans la joyeuse ignorance de sa mortalité.

"Un humaniste. Voilà comment je vous vois. Un incorrigible humaniste," murmura Tommen en ouvrant l'étau de sa main. Il fit un pas en arrière : le drôle n'avait pas lâché l'enfant, ne l'avait pas même réveillé, et n'avait pas cherché à riposter ou à se défendre, en aucune façon. Et il en faisait de même pour cette nuée d'humains qui évoluaient autour de lui. Il leur présentait le visage d'une fiabilité qui contrastait avec cette danse ambiguë de ses propos et de ses humeurs ; autant Tommen était un rocher à leurs yeux, immuable mais inhospitalier, autant ce vampire-là évoquait les cercles d'abres où se manifestent les phénomènes magiques. Un cirque permanent, mais surtout un abri.

Quelle était la barre de fer qui lui avait transpercé les méninges, à celui-là ? Quels étaient les habits blancs qui hantaient sa pensée, à l'heure de voir se disloquer les fragments de son être ? Quoi qu'il en soit, son rire et ses éclats émotifs n'étaient jamais que l'équivalent de l'impassibilité que Tommen arborait : on ne pouvait pas se promener totalement nu, après tout.

"Vous avez d'ailleurs bien du mérite, eu égard à votre... condition générale."

Ces quelques mots scellaient leur accord. De retour à la table, Tommen parut avoir oublié le bref moment de violence qu'il s'était permis. La plume dessina l'habituel paraphe, qui avait si peu changé au fil des siècles malgré la transformation des syllabes de son nom. Une ligne courbe, une arabesque, difficile à copier, plus difficile encore à interpréter. Lui savait ce que cela signifiait. Inutile d'en parler. On ne lui posait d'ailleurs pas la question. Son oeil pensif regarda sécher l'encre, et lorsque toute lueur se fut éteinte, il abandonna cette fois le document sur la table. Comme pour témoigner de ses intentions apaisées, il ne cherchait plus aucunement réduire la distance qui les séparait. D'ailleurs, il avait vu ce qu'il souhaitait voir. Noa, puisqu'il faut l'appeler par son nom, était bel et bien en sécurité ; et pour peu que son protecteur ne se fasse pas arracher la tête des épaules stupidement, cet état semblait définitif.

"Je crois que je n'aurais pas pu choisir une meilleure adresse. Il me suffira de vous éviter. Clairement, nous ne sommes pas faits pour converser, vous et moi. Mais vous devriez faire plus attention à vous, avec toutes ces vies qui dépendent de votre existence sur cette terre ; vous ne vous appartenez plus."

Eh bien, sur cette conclusion, le Conseiller aurait pu quitter ces lieux pour le moins horripilants, se remettre à l'abri au fond de son caveau, et songer à des choses plus constructives. Mais il s'immobilisa à mi-chemin de la porte, croisa les bras et s'accorda encore quelques secondes de réflexion. Là où le dialogue en face à face semblait difficilement gérable, une forme d'échange alternative pouvait suppléer. Et il était à peu près certain que l'esprit curieux du financier finirait par le tarauder de questions, plus ou moins métaphysiques. Il y répondait avec une certaine patience en général, qu'il faille attendre des années pour avoir la réponse ne le dérangeait aucunement, c'était le propre des études sérieuses ; mais l'idée de ne pas les avoir du tout aurait été frustrante. Il aventura de nouveau son regard en direction de la petite créature, source de tous leurs désagréments de ce soir. Tss, pas encore le don de la parole ou du déplacement, et déjà un tel pouvoir de nuisance ; cela augurait bien pour l'avenir.

"Nous pourrions nous écrire. Si quelque chose devait nécessiter mon intervention..."

Il aurait pu s'excuser, aussi. Ses nerfs avaient lâché et il avait certainement laissé quelques vertèbres un peu endolories – pas disloquées, il s'en serait rendu compte et même s'il craquait un peu nerveusement, il savait encore doser la pression. Mais du point de vue des bonnes manières, une telle familiarité était assez impardonnable. Heureusement que son interlocuteur planait manifestement très loin au-dessus de tout ça.
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19.12.21 14:40

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"Un humaniste. Voilà comment je vous vois. Un incorrigible humaniste,"

La main desserre sa prise et Erwin prend une inspiration inutile, toussant fortement pour permettre à sa trachée de reprendre une forme à peu près correcte, se raclant la gorge avant qu'un bref rire encore un peu esquinté ne résonne tandis que Tommen recule d'un pas, comme marquant la distance mettant fin à cette... cette quoi d'ailleurs ? Menace ? Agression ? Tentative de meurtre ? Mettons avertissement, vu que l'homme ne semble pas être du genre à laisser un travail inachevé, il n'aurait certainement pas lâché prise s'il avait voulu en finir avec l'aubergiste, aussi ce dernier voit-il son geste comme un avertissement et rien d'autre.

"Vous avez d'ailleurs bien du mérite, eu égard à votre... condition générale."

- Qu'est-ce qu'elle a, ma condition générale ?

Le brun cligna des paupières et baissa son regard sur son torse, s'observant rapidement en fronçant les sourcils, cherchant le signe qui pourrait trahir son état avant de relever son attention sur le Conseiller, un sourire au coin des lèvres. S'il savait... s'il savait à quel point il avait faim, tout le temps, à toute heure du jour ou de la nuit, et ce que cela lui avait demandé comme effort pour réapprendre à se contrôler au sortir des laboratoires Squibb, à quel point cette fois perpétuelle était devenue une douloureuse amie qui ne se trouvait que difficilement comblée et que les restrictions de la cité l'affaiblissaient à un point tel qu'il ne risquait pas de représenter de réelle menace pour qui que ce soit, si ce n'est lorsque son frère le fournissant en sang frais de qualité fraichement prélevé et soigneusement conservé. Son Père savait qu'hormis une gorge offerte -plusieurs gorges- il ne pouvait être en pleine possession de ses moyens, en bonne "condition générale" si c'était de cela dont il était question, et cela ne s'arrêtait pas seulement au physique, mais également à son esprit morcelé. La faim entretenait sa folie, mais la rassasier ouvrait la porte à une dangerosité telle que l'humaniste préférait jouer les équilibristes depuis près de deux siècles plutôt que de regarder en face ce que ces scientifiques avaient causés comme dommages irréversibles. Le document sur le bureau fut signé tandis qu'Erwin berçait encore le petit entre ses bras, un regard tendre posé sur l'être innocent.

"Je crois que je n'aurais pas pu choisir une meilleure adresse. Il me suffira de vous éviter. Clairement, nous ne sommes pas faits pour converser, vous et moi. Mais vous devriez faire plus attention à vous, avec toutes ces vies qui dépendent de votre existence sur cette terre ; vous ne vous appartenez plus."

- Dixit celui qui participe à la survie d'une grande cité où vivent des milliers d'âmes.

Taquina le brun avec un large sourire amusé aux lèvres.

- Moi je trouve nos échanges très intéressants au contraire. Peut-être un peu "musclés" mais ça j'y suis habitué, et puis j'ai vu bien plus menaçant qu'un homme bien éduqué pour m'inquiéter. Enfin, la plupart des gens préfèrent éviter ce qui est différent de peur de bousculer leur quotidien, je vais pas vous en vouloir pour ça vous en faites pas.

Répondit Erwin sans se départir de son air amusé malgré le sérieux de ses propos, le regardant se détourner pour se diriger vers la porte en soupirant inutilement et légèrement, ouvrant un de ses tiroirs pour en sortir un morceau de bois et un couteau à lame courte, calant le nourrisson endormi dans sa couverture sur ses jambes et contre son bras replié, s'apprêtant à commencer à tailler quelque chose lorsque l'immobilisme soudain de Tommen lui fit porter son regard sur lui. Oh ? Un soudain élan patriarcal ? Une volonté de s'excuser pour ce qui était arrivé ? Des remords, des regrets ? Vu le coup d’œil jeté en direction du bébé, c'est plus de l'espoir qui traverse brièvement le palpitant définitivement mort de l'aubergiste qui, pourtant, s'abstient de tout commentaire et de tout mouvement, laissant le temps à l'immortel d'agir selon sa volonté.

"Nous pourrions nous écrire. Si quelque chose devait nécessiter mon intervention..."

- Je suis de ceux qui me déplacent quand le temps fait défaut, mais pour ce qui peut s'anticiper je vous écrirais oui, ne vous en faites pas.

Il posa le morceau de bois et le couteau sur le bureau, sa main ainsi libre venant découvrir le poupon pour permettre de voir son visage de là où le Conseiller se trouvait. Les traits parfaitement détendus, les yeux clos, la respiration profonde et régulière, il avait tout du parfait petit être innocent inconscient de tout ce qui se passait autour de lui.

- Franchement, quand je le vois comme ça, je me dis que c'est dommage que je n'ai pas eu l'occasion d'être père de mon vivant.

Confie soudain Erwin de but en blanc avec une gravité teintée de tendresse, ses yeux noirs scrutant le petit être comme s'il possédait une attraction irrépressible et fascinante.

- Pour certaines raisons, je crois qu'il vaut mieux pour ce monde que je n'ai jamais d'infant et je me suis fait une raison, mais si je suis un incorrigible humaniste comme vous dites, je crois que c'est justement à cause de ça. Nous avons la possibilité de voir le monde changer, encore et encore, alors c'est un peu notre responsabilité de faire en sorte que les choses se passent au mieux pour ceux qui vivent si peu de temps, un peu comme le feraient des parents qui savent forcément mieux que leurs enfants, même si des fois les parents aussi peuvent se tromper et faire des erreurs.

L'index passa sur la petite joue et Noa frémit, grimaça un peu et l'aubergiste se figea, craignant de le voir s'éveiller et... non, le bout de chou souffla par le nez et replongea dans les limbes du sommeil, le sourire du brun s'étirant plus encore alors qu'il relevait les yeux sur Tommen. Sa folie ne se calmait que temporairement à chaque fois et uniquement pour laisser la place à cette douloureusement mélancolie, à ces souvenirs qui dataient d'avant les expériences, ou bien aux conséquences directes de celles-ci.

- Vous avez des infants, Conseiller ? Vous avez l'air plus ou moins de l'âge de mon Père, mon Père immortel je veux dire, et lui en a eu beaucoup même s'il en a aussi perdu plusieurs avec la fin du monde. Je me demande des fois lequel de nous deux a raison : celui qui en voulait au risque de les perdre ou celui qui n'en veut pas pour ne pas leur infliger ce monde jusqu'à la fin des temps. Vous en pensez quoi vous ?


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19.12.21 18:50

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Oh, bien sûr qu'Erwin préférait parler. Comment aurait-il pu en être autrement... Et il parlait même beaucoup, tâchant visiblement d'exposer ses idées afin qu'elles soient correctement comprises. Pourquoi donc ? A quoi bon ? Puisque le papier était signé, il avait ce qu'il voulait. Tommen ne voyait pas très bien ce qui le poussait à prolonger un échange qui avait failli lui coûter sa tête, l'aspect social de la conversation lui semblait en pareille circonstance très difficile à percevoir. Il avait décidément sous les yeux un oiseau rare de la pire espèce. Et qu'est-ce qui lui brûlait à ce point les doigts, à vouloir bricoler avec un couteau à quelques centimètres de l'enfant ! C'était une catastrophe qui réclamait d'arriver. Autant jouer aux fléchettes dans un magasin de porcelaine. Et étrangement, Tommen pouvait très bien l'imaginer en train de faire précisément cela.

"Qu'est-ce que vous faites ?"
marmonna-t-il en inclinant la tête, non sans ressemblance avec un vieux hibou dérangé au creux de son arbre, pour essayer d'apercevoir le morceau de bois sous un angle plus révélateur. "Bah, peu importe. Soyez prudent avec ce couteau. Mais de mon point de vue, un père correct est celui qui sait rire et transmettre ce rire. Je n'ai pas de très hauts standards parce que je ne comprends rien à ce sujet. Il n'y a pas... comment vous expliquer."

Il n'y avait pas d'image. Pas de véritable ressenti. Pas vraiment un vide non plus. Des traces de pattes canines qui s'entrecroisaient, luisantes et sombres, sur la poussière blanche de la route. Voilà tout ce qu'il voyait quand il interrogeait ce point de son passé, et il lui était impossible de regarder au-delà, car aussitôt toute image disparaissait, effacée par une sorte de flot qui le prenait à la gorge. Il avait toujours mal réagi au goût du sang par la suite, jusqu'à ce que Lady Rodgers lui montre qu'il pouvait aussi l'apprécier. Pour cette découverte, il lui était à la fois éternellement reconnaissant et éternellement rancunier. Son regard s'était perdu dans le vide, il voyait à travers l'autre vampire et à travers la pièce, il dessinait les plans de la rue, retraçait les bâtiments dans sa tête, il se laissait dériver.

"Il n'y a pas de clair souvenir dans ma mémoire, souvenir théorique et détaillé, de ce que peut revêtir ce rôle et comment cela se justifie, philosophiquement ou politiquement. Ce que je sais faire, c'est calculer un espace, ou un budget, de manière à maintenir une communauté à flot. Je ne peux pas tout connaître, excusez-moi."

Cette fois il l'avait bel et bien dit à voix haute, même si ce n'était qu'une formule rhétorique ; mais il s'excusait surtout de paraître aussi affecté, même s'il s'agissait d'un paraître en creux, une absence de toute émotion perceptible qui devenait un peu trop flagrante pour être honnête. Il n'était pas venu pour ça et ce n'était pas non plus le sujet de leur conversation. Abandonnant son air de statue songeuse, le Conseiller décroisa ses bras et s'en alla reprendre la sacoche avec laquelle il était venu, pour la passer sur son épaule. Si on le voyait repartir sans, cela ne ferait que trahir un peu plus l'origine de la petite créature. Les humains n'étaient pas fins parfois, mais ils savaient additionner deux plus deux, à l'occasion.

"C'était un peu ce que j'avais en tête en vous avertissant. Je sais à quel point il peut être pesant de se rendre indispensable. Mais vous êtes aux premiers stades de cette dignité. Vous verrez en progressant. Voilà pourquoi les leçons et les donneurs de leçons ne servent à rien : nous nous les infligeons nous-mêmes, c'est  ce qui s'appelle vivre."

A cet instant, comme si le dernier mot l'avait alertée, les cils de la petite créature s'entrouvrirent, terribles comme la grille d'un domaine démoniaque. Il fallait de toute urgence aller chercher la personne qui en aurait réellement la garde ; une personne à la peau chaude et colorée, dotée des attributs nécessaires pour assurer la substance du petit estomac. Et surtout, une personne qui se tiendrait loin d'eux. Légèrement paniqué, le Conseiller recula cette fois résolument en direction de la porte, et son explication s'acheva d'une voix plus rapide que son habituelle élocution réfléchie. Pour un peu, sa voix aurait presque semblé humaine ; la voix d'un humain qui n'est pas très rassuré.

"Bref, pour répondre à votre question, voilà pourquoi je n'inflige pas ma compagnie immortelle à autrui. Si quelqu'un doit le faire, quelqu'un le fera ; ils n'ont pas besoin que cela vienne de moi. Je  vais... Passer à côté, le temps que vous vous débarrassiez de cette partie de notre arrangement."

Oui, fuir, ça s'appelait fuir, clairement, et le "à côté" en question n'était pas clair dans son esprit, au pire il se cacherait au coin du couloir en faisant mine d'être passionné soudainement par les décorations qui encombraient l'espace. Tiens, c'était une idée. Il disparut furtivement, reprenant avec une facilité déconcertante son statut d'ombre, tandis que les premières plaintes commençaient à retentir. Ce n'était pas grand-chose, mais ça lui était déjà difficilement supportable. Il ne savait pas ce que ça voulait dire, il avait l'impression que quelque chose était cassé, bref, cela faisait monter son stress beaucoup trop rapidement. Il préférait de loin jouer à visiter l'hôtel. Après tout, il allait investir dans le développement de cette activité, non ? Autant qu'il ait une idée précise des locaux.

Tous les prétextes étaient bons pour se tenir loin de cette porte maudite, tant que la nourrice promise n'en serait pas sortie en emportant le paquet piégé.
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29.12.21 9:57

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Serait-ce une inquiétude que de voir un couteau à proximité du bébé ? Ah, le faux désintéressement quant à la survie de ce petit faisait pétiller d'amusement les yeux de l'immortel qui se garda bien de faire une remarque cette fois, préférant écouter Tommen parler d'un tout autre sujet, quoique les deux soient liés. Rire et transmettre un rire, voilà bien quelque chose qui parlait directement à Erwin et cela n'avait rien à voir avec les fameux -quoique terribles et tristes- rires que sa folie provoquait parfois. Non. Le rire, c'était la première chose qui l'avait lié à son Père vampire bien avant qu'il ne le transforme. Le rire, c'était sa façon de communiquer, de dédramatiser, de rassurer, de réconforter, d'encourager, de motiver, d'apporter un peu de bonne humeur et de bonheur dans un monde qui n'était déjà pas très florissant à son époque et qui avait ensuite été ravagé, et qui était désormais en cours de reconstruction, lentement mais sûrement. Le rire, c'était ce qui liait les gens entre eux, une façon comme une autre de rapprocher les êtres, d'éloigner la peur de la mort définitive, de briser les barrières et même d'abattre les plus hauts murs... Transmettre un rire, quelle belle image venant du Conseiller, et le silence qui suivit, cette façon qu'il eut de perdre son regard dans le vide, lui aussi il la connaissait, laissant le temps à l'homme de reprendre le fil de ses pensées et lui dire une vérité simple dont il n'y avait pas à rougir : le concept de paternité et lui, ça faisait deux... ou trois, ou cinq, ou plus encore, mais bref ! C'était clairement pas son truc, mais ça l'aubergiste n'allait pas lui en tenir rigueur, tout comme il ne lui tenait pas rigueur de son étranglement précédent, ni de quoi que ce soit qu'il pourrait dire sur un ton ou un autre. Les yeux noirs suivirent le mouvement pour reprendre la sacoche, les propos sur la responsabilité d'infanter trouvant un écho chez lui, juste avant qu'un fin sourire étire le coin des lèvres du brun, sourire qui s'agrandit d'amusement en voyant qu'au papillonnement des cils du petit, le grand et impressionnant vampire semblait au bord de la panique.

"On a peur de la petite bête, Conseiller ?"

- Moi j'aime bien votre compagnie, je viendrais vous infliger la mienne à l'occasion concernant cette partie de notre arrangement. Filez donc, je vois bien que des affaires urgentes vous appellent à corps et à cris.

Il n'avait pas pu s'en empêcher, mais c'était tellement drôle de voir un grand gaillard comme ça battre en retraite vers la porte en serrant la sacoche contre son côté comme si celle-ci avait pu être un rempart suffisant contre le réveil du bébé humain et les premiers pleurs qui résultaient du petit gouffre sans fond qui devait lui servir d'estomac et qui réclamait son du... Avouez que c'est hilarant comme situation non ? ... Non ? Bande de pas drôles.

- Matthew !

La voix d'Erwin résonna jusque dans le couloir où patientait son Enregistré, celui-ci ayant vu passer le Conseiller juste avant que les pleurs d'un bébé ne lui fasse ouvrir un regard étonné, regard qui s'agrandit alors qu'il entrait dans le bureau pour trouver son patron et maître avec un nouveau-né dans les bras, un sourire jusqu'aux oreilles éclairant son visage.

- Oh bah ça c'est...

- Tu connaitrais pas une nourrice par hasard ?


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- Conseiller Hodgkin, quel plaisir de vous revoir !

Passant la porte du bureau de Tommen à la Tour, Erwin affichait un large sourire qui semblait aussi sincère que la salutation qu'il venait de lui adresser. Vêtu d'un costume bleu foncé sur mesure réalisé par la belle et talentueuse Agatha Pearson qu'il gardait justement pour ses visites occasionnelles dans le haut lieu de la cité, le brun ainsi apprêté et coiffé avec ses cheveux sombres rabattus en arrière était presque méconnaissable tant il faisait propre sur lui et distingué. En cela son frère Viktor avait raison, il portait merveilleusement bien ce genre de tenues, quand bien même il ne les trouvaient pas des plus confortables. S'avançant vers le bureau de l'un des hommes les plus importants de New Abbotsford, il semblait particulièrement de bonne humeur, quoique cela soit parfois difficile d'en être certain au vu de son tempérament solaire.

- Merci de me recevoir ainsi au pied levé, j'apporte des nouvelles sur notre affaire qui avance parfaitement bien. Votre bureau est sûr j'imagine ?

Petit regard entendu et pétillant de malice autant que d'amusement, mais l'aubergiste préférait s'assurer qu'ils puissent discuter librement sans oreille indiscrète pour les entendre. Contrairement aux idées reçues, un mur de pierre n'isolait pas toujours aussi bien que cela d'un point de vue sonore et, s'il y avait bien quelqu'un qui devait tout connaître sur le bout des doigts dans cette cité, c'était forcément celui qui en avait conçu les plans.

- Je dois dire que ce bureau est à votre image, la déco est sympa mais ça manque peut-être un peu de couleurs.


@Tommen Hodgkin
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