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Shae Atʼąąʼ



07.04.21 14:16

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Shae
Atʼąąʼ
NOM. Atʼąąʼ

PRÉNOM. Shae

ÂGE. 29 ans

STATUT SENTIMENTAL. Volage

ORIENTATION SEXUELLE. Pansexuelle

MAÎTRE. Lucrezia V. De Conti

MÉTIER. Peintre portraitiste

ALLÉGEANCE. La Reine

ARME DE PRÉDILECTION. L'insolence, la flatterie, la fuite, les ongles, les dents, la rage de vivre s'il le faut.

MARCHÉ NOIR. Nul besoin d'y mettre les pieds pour obtenir ce qu'elle veut. Ce que femme veut, Dieu le veut.
CARACTÈRE.

Insatiable. Depuis toute jeune, Shae n'a jamais pu se satisfaire de ce qu'elle a. Pourtant nombre d'humains auraient tué pour avoir sa position, encore aujourd'hui. Elle a grandi dans un clan reculé en plein désert, organisé dans une discipline communautaire exemplaire et à l'abri des enragés et a su obtenir une position privilégiée de Dame de Compagnie au service de la Reine. Quelque chose d’irrépressible la pousse toujours à repousser ses limites. Elle préférera toujours aller au devant du danger que de s'enliser dans une routine familière et morne. Sa soif d'apprendre fait d'elle une lectrice chevronnée, elle rêve et aspire à mieux, toujours mieux. Stagner c'est mourir.

Bonne vivante, exubérante, impudique. Croquer la vie à pleine de dents, ne jamais rechigner à goûter, expérimenter. C'est un être solaire et chaleureux, passionné, à la joie communicative. Rien ne pourrait heurter sa sensibilité, aussi bien qu'elle se fiche bien de pouvoir heurter celle des autres. La nudité ne lui pose pas de problème, nombre de ses vêtements exposent bien davantage de ce que la décence voudrait.

Espiègle, curieuse, indiscrète. Sans doute parce qu'il semble qu'elle parle d'elle très ouvertement, il est assez facile de se laisser aller aux confidences avec elle. De plus, elle n'est absolument pas dans le jugement. Loin d'être celle à respecter le silence des autres, elle n'hésitera pas à poser les questions qui fâchent, ou celles qui soulèvent de douloureux secrets. Si on lui oppose un refus ou qu'on lui fait remarquer le caractère déplacé de ses questions, elle ira au devant et testera son interlocuteur avec l'avancée d'une hypothèse, ce qui clot généralement la conversation ou délie les langues. Ses expressions mutines, ses sourires gouailleurs révèlent tout le caractère du personnage : léger, frivole, un vent de turbulences folâtre mais rafraichissant.

Obstinée, insolente, revêche. La chance sourit aux audacieux. Shae a une capacité déconcertante a obtenir ce qu'elle désire. Le cas échéant, mieux vaut l'éviter, car elle gère très mal la frustration et peut vite devenir insupportable. Elle est entêtée, indisciplinée, commencera généralement par opposer un "non" ferme à toute assignation si elle n'en ressent pas l'envie immédiate. Elle n'a pas la langue dans poche, comprend la hiérarchie mais s'en affranchit aisément. Elle apparait souvent familière et aura tôt fait de passer au tutoiement, ce qui n'est pas du goût de tout le monde.

Vaniteuse, matérialiste. Rien n'est comparable à la vie de châtelaine, certainement pas le dépouillement stérile de l'étendue désertique d'Arizona d'où elle vient. Des murs solides, des rues pavées, des bijoux, des parfums, des tissus de toutes les couleurs et de toutes les textures. Shae aurait toutes les difficultés du monde à y renoncer.

PARTICULARITÉS.

Le compas dans l’œil doublée d'une mémoire photographique. Rien ne lui échappe, visuellement. Un cou tendu, une main veineuse, une musculature sèche, le galbe d'un mollet, un menton volontaire, une fossette polissonne. Elle observe et retient les singularités du corps avec aisance, retrace sur le papier les lignes et module les ombres et lumières à sa guise. C'est un des rares moments où elle ne parle pas, absorbée toute entière à son ouvrage. Elle n'a jamais besoin que l'on pose pour elle, elle demande toujours un entretien avec ses clients, et les observe bouger et penser alors qu'ils abandonnent quelques perles de souvenirs à sa discrétion. Elle n'accepte pas de contraintes de délais, remplissant les termes de ses commandes en temps voulu, quand l'inspiration devient irrépressible.

FAIBLESSES & POINTS FORTS.

Qu'on lui pardonne, la fleur vaniteuse embaume tant qu'elle fait oublier ses épines...
Opiniâtre, impatiente, cavalière et rarement désolée pour les torts qu'elle peut créer, c'est une personne en tout point égoïste et fière. À son honneur, elle ne s'en cache pas, faute avouée à demi-pardonnée dira-t-on : elle ne trompe personne sur ses motivations et communique sur ses défauts assez ouvertement, ce qui en fait malgré tout quelqu'un d'attachant. On pourrait la penser loyale à l'entendre défendre les honneurs De Conti, pourtant elle n'est pas incorruptible, elle a la fâcheuse manie d'aller là où le vent lui sera plus favorable.

Elle avait cette énergie flamboyante, de celle qui peuvent consumer tout entier pour qui oublie de prendre gare...
Peut-être est-ce son franc parler, ou sa joie de vivre. Quelque chose dans son visage taillé dans l’argile la plus brute et la plus animale de la terre, s’épanouit dans ses sourires, galvanise dans ses rires chauds, et coule dans ses yeux taquins : une soif de liberté contagieuse, de lâcher-prise. À sa proximité tout semble possible et léger. Elle a le don de parvenir à chasser l'ennui, à divertir et à rire de tout, à se mettre en valeur autant qu'elle met en lumière les autres. C'est un électron libre qui exerce une force gravitationnelle telle, qu'elle épargne quiconque - et surtout elle même - de goûter à la solitude. Si le pouvoir libérateur qu'elle exerce a ses avantages, elle présente aussi son content de danger. À ne pas y prendre gare, elle peut entrainer l'agneau dans son sillage et le mener droit dans la gueule du loup. Elle défendra ses amis si elle en a le pouvoir mais s'envolera comme un oiseau au moindre danger mortel. La force qu'elle communique est trompeuse : jamais elle ne se sacrifierait pour autrui. Elle a bien trop peur de la mort pour ça. Encore une fois, elle ne s'en cache pas, parviendra même à faire rire, voire à passer pour une personne raisonnablement lucide en déclarant ouvertement "Ah non mais faut pas compter sur moi, si on est menacé de mort, moi je me casse, je détale : advienne que pourra ! On se retrouve au bout du chemin Inch'Allah ! Faut pas prétendre avoir l'âme d'un héro si on ne l'a pas. J'ai mes qualités et c'est clairement pas dans la bagarre. En revanche, je cours très vite. "


compétences
ACCRUES
Dessin, peinture
90%

Observation
90%

Combat
20%

Fuite
80%

Manipulation
60%

Discrétion
2%



derrière
l'écran
PSEUDO. Pow ÂGE. 31 PRÉSENCE. Quotidienne FRÉQUENCE RP. 2 à 3 rp/mois CHATBOX. Souvent indisponible mais je me soigne LRTH. De partenariats en partenariats à la recherche de la perlePERSONNAGE. Scénario CÉLÉBRITÉ. Shanina Shaik SIGNATURE DU RÈGLEMENT. oui ici CRÉDITS. Ava : Pow, Gif : Tumblr

- BOTTIN :

Code:
<span class="bottin">Shanina Shaik</span> ♀ <span class="enregistre">Shae Atʼąąʼ</span>



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07.04.21 14:16

Invité
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tranche
DE VIE
" Dansez, dansez, dansez, sinon nous sommes perdus"

Pina Bausch

Carnet de Loup Blanc
2386

Être le yaaʼáhályání de son Dineh. Suivre l’arborescence et le chaînage des individus de son sang, son hakʼéí, dans la torpeur de la nuit. Sacerdoce de son immortalité, enfin. Tâche ardue, maints sont les dangers, son peuple mis à feu et à sang, son peuple chair à canon, son peuple décimé, sa jeunesse envoyée dans des pensionnats catholiques, sa culture anihilée. Et quand la paix revint enfin, les Yee naaldlooshii, les enragés, ont fini de tout détruire, peu ont survécu,jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'une. Une femme qui portait en son sein la vie. Les ans s’étiolent mais le mental solide, jouit, de la seule raison qui ne souffre pas de déraison. Suivre l’histoire de sa lignée, la protéger, être le veilleur omniscient, invisible aux vivants, car la anoonééł, la mort, dans la vie n’a de rôle qu’à sa fin. Agir prudemment, jamais. Non : rarement, car il ne faut pas s'immiscer dans les affaires du vivant. Il est un ayą́ dił. Un buveur de sang. Il a fallu pourtant sortir du silence, emportant l’enfant nouveau-née sous son aile. La mère était trop fragile, perdue, abandonnant avec soulagement sa hatsi. Parfois il faut de la main planter une graine pour que fleurisse ce qui est nécessaire. Le vent qui chuchote des mots secrets m’a porté jusqu’aux terres sacrées. J’ai confié la vie de ma lignée à la naatʼáanii, mettant l’enfant sur son chemin. Avec elle, elle sera sauve. Je peux me retirer de nouveau à la vie. Veiller loin d’elle sur elle, voilà. La dernière hakʼéí.
Maʼiitsoh łigai


☲ New Bellingham, hôpital St Trinity ☲
2359

- Mais qu’est-ce que je vais foutre de toi, putain ?
L’endroit était froid, mais décent. L’accouchement avait été difficile. Mais Shana avait l’habitude, toute son existence avait été jalonnée de successives souffrances. L’enfant dormait paisiblement dans son landau, sa petite bouche en cœur exhalait un souffle apaisé. Elle respirait fort, ses mains recroquevillées exposaient juste ce qu’il fallait de petits doigts et d’ongles polis pour crever le cœur de n’importe quelle mère indigne, y compris Shana.
- T’es belle en plus salope.
La mère se perdit dans le lent balancier du ventre rond qui respire, se soulève et s’abaisse lentement. Sans réfléchir, elle tendit une main hésitante au-dessus de ce ventre rond, puis réalisant son geste, hésita et se figea juste au-dessus. Comme pour se tendre toute entière vers sa génitrice, le bébé inspira une grande bouffée d’air et parvint à caller sa bedaine dans la paume suante maternelle. Shana écarquilla deux yeux interloqués, la larme à l’œil, frappée d'un vertige de trop plein d’amour qui lancine et terrasse.
- T’es mal tombée Shae, t’aurais dû t’incarner dans le bide d’une autre femme. Dans trois jours on est dehors. J’ai pas de toit, j’te l’annonce. C’est sûr que mon boss voudra jamais d’toi au bordel. C’est un connard. Comme les autres. Les hommes c’est tous des connards, fourre-toi bien ça dans le crâne : les hommes c’est des connards, répéta-t-elle comme un mantra sacré, faut jamais faire confiance, humain ou vampire. Bienvenue dans la vie.


------
☴  Tribu Hawak, ancienne Arizona ☴

2363

Des murailles s’étendaient tout autour du refuge, faites de bricks et de brocs, de carcasses de véhicules démantelées, de planches de bois rongés par les puces, de tôles élimées par la rouille. En son centre s’élevait, vestige du passé, une monstrueuse architecture de métal dépouillée d’une ancienne exploitation minière d’uranium. Deux ombres murmuraient dans la nuit, sous l’entrée prévenant tout visiteur inopportun d’un message sur fond de grillage : « Fuck off ». Les silhouettes, l’une plus petite, était celle d’une femme, l’autre, difforme était celle d’un homme portant dans ses bras une enfant de quatre ans.
- Mais elle est où sa mère ?
- Depuis longtemps, le sang mortel des ayą́ dił rongeait son corps, dit l’homme, elle a abandonné. Elle a laissé sa hatsi au Maʼiitsoh łigai.
- Quoi ?, répondit Helda sans comprendre un traitre mot, elle ne peut pas rester ici, elle est trop jeune. C'est non.
- Des enfants ici courent et vivent.
- Justement, cracha Helda en croisant les bras, y en a trop. On est même plus assez d’adultes pour les protéger. Ça la mettra en danger, mais pourquoi vous la gardez pas vous ?
- Il n’existe pas. Il est le vent qui transporte la feuille. Ici, elle sera bien. Il a vu. Il vous a vu. Ici est sa Terre. Celle de ses ancêtres.
- La terre de ses ancêtres ? Monsieur, je ne sais pas en quelle année vous vous êtes arrêté de vivre, mais ça n’empêche pas que vous êtes complètement fou de venir ici. Si on me voyait discuter avec votre race on me destituerait sur le champ, Mamma Helda ou pas. Je ne peux pas… Comment je pourrais expliquer ça ?
- Il est un messager, il transp…
- Il transporte la feuille, oui, j’ai compris, coupa Helda.
- Il transporte Shae, acquiesça le personnage.

Ils s’observèrent en silence, communiquant par d’autres voies que la parole, puis Maʼiitsoh łigai fit un pas vers Helda, puis un autre, et Helda ne prit pas peur. Elle tendit les bras pour récupérer l’enfant, parce qu’il ne lui laissait pas le choix. Elle sut qu’elle avait malgré elle consenti à un serment tacite et laissa s’échapper son échec dans un souffle résigné. Alors elle posa les yeux sur la boule emmitouflée dans son linge brun, et découvrit le visage de Shae.
- Shae hein ? Bah en tout cas elle l’a pas ratée sa mère.
Elle redressa la tête pour échanger un regard de connivence avec son porteur. Mais il n’était déjà plus là.


☵ Tribu Hawak, ancienne Arizona ☵
2371

- Shae !, réprimanda Helda, où est-ce que t’as dégoté ça encore ?
- Dans le canyon !, s’exclama une Shae triomphante.
- Je t’ai déjà de ne pas te rendre seule…
- Mais je t’ai écoutée ! Liam était avec moi. Enfin, pour ce qu’il m’a aidée, le mec ne sait pas se servir de ses dix doigts.
-  Je t’ai entendue !, cria son frère depuis l’espace érigé en salon.
Helda la considéra de tout son sérieux et de sa sévérité, et bien que charismatique, il y avait une personne devant laquelle l’autorité du leader du clan Hawaki fuitait comme ballon de baudruche au vent, c’était bien devant son indisciplinée de fille adoptive.
- Ok Helda, tu te détends, tout s’est bien passé, comme d’habitude, tu t’assois et tu laisses ta fifille te masser tendrement les épaules pendant que tu contemples les magnifiques pieds de baies qu’elle t’a rapporté, dit Shae en la forçant à s’assoir et lui broyant déjà les tendons. Quand t’y penses, ces petits cassis là, ça te met pas déjà l’eau à la bouche ? Ils étaient là, tout prêt, à l’orée du… canyon, criant au supplice pour que quelqu’un tende la main vers les fruits qu’il s’active à produire chaque année. Ch-a-que an-née.
- Ok, ok, lâche-moi espèce de brute, s’écria Helda en la repoussant, un demi-sourire coupable déjà juché sur les lèvres, puis elle chassa ses élans maternels pour recouvrer son manteau de leader. Shae, sérieusement, je n'accepterai pas de prochaine fois, il y a des expéditions pour ça, je refuse d'avoir à justifier tes écarts de conduite auprès du clan. Tu risques le conseil de discipline et je serai forcée de sévir. C’est mon dernier avertissement.
- Mmmh compris, répondit vaguement Shae. Bon, maintenant que c'est dit, on ne va pas les laisser là : je vais planter ça dans le jardin. Liaaaam !, cria-t-elle en passant devant son frère avachi dans un fauteuil explosé, tu viens ?
-  Raaah putain, mais tu peux pas te poser deux secondes ?

Devant l’entrée, ils saisirent chacun leurs deux sacs à dos bien lourds, qu’ils avaient bien pris garde de ne pas exposer sous les yeux de Mamma Helda, ainsi que leurs deux buissons de baies chacun dans les mains, tête en bas, racines terreuses pointées vers le ciel. Ils arpentèrent alors le boyau sous toit de tôle du village, passant successivement devant les maisons des uns et des autres, constituées de toiles, de tôles, de draps tirés sur des lampadaires dérobés à la ville depuis longtemps éteints.
-  Franchement Shae, faut qu’on lui dise. Au moins pour qu’ils sachent où récupérer nos cadavres quand on clamsera.
- Ça va, on y va en plein jour et on en a vu que trois depuis le début. T’as trouvé quoi toi ? Laisse-moi deviner, des couteaux.
-  Le jackpot meuf, une putain de collection !
- Benh voyons.
-  Ouais, benh c’est pas avec tes livres et tes crayons qu’on va se défendre.
Pour toute réponse, la petite sœur le frappa de son buisson à la figure.
-  Shae ! T’es conne ou quoi ! Ça a des épines ce truc.
- Chiffe molle.
-  Sérieusement, ça devient dangereux. On dirait que t’as la mort au cul à courir partout comme ça. Qu’est-ce que tu cherches à la fin ? On est bien, ici, non ?
- C’est plus fort que moi.
-  Ouuuuhouuu, railla Liam en singeant l’existence invisible de forces supérieures.
- T’es con. Sérieux. Ça me démange. C’est comme une urgence. Une envie de découvrir irrépressible, de comprendre, de… chasser l’ennui. Ça te lasse pas toi ? De voir sans arrêt les mêmes choses ? Conseils de clans stériles, expéditions, toujours et encore des putains de travaux d’intérêt généraux. On est là, isolés, alors qu’on ne sait rien de ce qu’il se passe ailleurs.
- Shae, tu lis trop et tu rêves trop. Ce qu’il se passe ailleurs c’est l’esclavage ou la mort. Fais gaffe, tu peux mettre tout le monde en danger à agir comme ça, tu te rends pas compte de la chance qu’on a. Je t'avertis : ce sera sans moi désormais.


☳ New Abbotsford ☳
Août 2384

Rien ne lui faisait plus horreur que ce trou puant. Si l’on pouvait juger une cité sur la salubrité de ses prisons, on ne pouvait décemment pas faire grand cas de New Abbotsford. Au crépuscule de son deuxième séjour dans ces bas quartiers, Shae était bien placée pour pouvoir en témoigner. Elle avait poussé l’affront un peu loin, embrigadant dans son sillon une demi-douzaine d’enregistrés dans une escapade vouée à l’échec. Les maints retours de propriétaires excédés par l’attitude de la belle ayant déjà attisé l’irascibilité de la milice chargée du recensement et de la vente des esclaves de la cité, elle l’avait cette fois-ci écopé d’un séjour prolongé avec supplément lynchage en bonne et due forme, pendant lequel on lui avait rappelé la longue liste de ses infractions. En commençant par son premier délit, lors de l’entrevue avec un tatoueur officiel de la cité. Noirâtre, glissant légèrement sur le vert : c’était la couleur de l’encre qui s’était figée sous le menton de son artiste attitré lorsqu’elle avait brutalement retourné son appareil contre lui. Ils s’y étaient mis à deux pour la maintenir en place, le pauvre bougre avait dérapé plusieurs fois sous ses assauts répétées : le 3 s’accompagnait d’une rature rectiligne qui lui avait décoché un hurlement d’enfer, et la boucle supérieure du 8 était demeurée incomplète. Le tout formait un drôle de matricule, qui restait néanmoins lisible : NA59ɮȢ401. Après ça on l’avait forcée à respirer un linge imbibé d’un liquide nauséabond qui l’avait envoyée gentiment rêver dans le jardin d’Alice.

Elle ricana en y repensant, son rire triomphant résonnant en piteux échos solitaires dans sa cellule. Sa lèvre était enflée et le sang y tambourinait comme un damné. Elle passa sa langue sur la plaie et la douleur aiguë lui arracha une grimace. Le temps était long. Le goutte-à-goutte d'une fuite d'eau l'irrita tout d'abord, puis accompagna sa lente course vers le sommeil, comme un pendule hypnotisant. Elle somnolait, assoiffée et fourbue, lorsqu'elle capta au beau milieu de la nuit des murmures en bout de couloir, puis des bruits de pas. Une démarche assurée : celle d’une femme définitivement sûre d'elle. Shae héla l’étrangère alors qu’elle passait devant sa cellule. Par-delà les barreaux, Lucrezia Darras eut loisir de contempler l’humaine aux poings liés, la lèvre fendue et la joue sertie d’un joli bleu violacé.
- Hey, milady, t’aurais pas un peu d’eau sur toi par tout hasard ?
- Milady ? Cela fait bien plusieurs centaines d’années qu’on ne m’avait pas appelée ainsi, songea la Reine en ignorant la requête inopinée de la friponne.
- Ah. Et comment on t’appelle alors ?
- Eh bien, Ma Reine, le plus souvent. Majesté sied aussi.
- Reine hein ? C’est pas l’humilité qui t’étouffe toi.
- « Reine » comme dans Reine de New Abbotsford, grande maline. Dis-moi, les gardes n’ont pas lésiné sur les chaînes. Es-tu si redoutable ?, moqua Lucrezia, comment un aussi petit bout de femme a pu atterrir ici ?
- Oh tu sais ce que c’est. C’est inoffensif, c’est joli, ça laisse ses doigts trainer partout vers la ceinture et ça s’accroche à tout ce qui traine, comme un trousseau de clefs.
La Reine émit un petit rire.
- Des siècles de lutte et les hommes font toujours l’erreur de sous-estimer une femme.
- Détache-moi pour rire, on verra si tu fais mieux, provoqua la jeune femme.
- Mmmh, peut-être, répondit-elle nonchalamment. Cela dépendra de toi, saurais-tu seulement obéir au moindre de mes desideratas ?
- T’es mignonne Reine, mais je serai pas là si j’avais été une béni-oui-oui. Mais des trous du cul complaisants tu dois en avoir à la traine, c’est pas un peu rasoir à la longue ?
- Hé bien voilà qui est charmant. Je l’envisage soudainement beaucoup moins, souffla la Reine d’un ennui feint. Tu devrais songer à faire taire cette langue insolente.
- Mais Reine, tu risquerais de m’oublier si je ne me démarque pas de la concurrence, ironisa Shae.
- J’ai bonne mémoire, rétorqua Lucrezia, initiant le mouvement de son départ. Tâche de faire un peu moins parler de toi. Un soupçon de savoir-vivre ne te ferait pas de mal non plus.
- Je vous promets d’être douce et docile, ô Reine de Nuit…

La Reine s’éclipsa sans répondre, revenant à ses affaires premières, inflexible, bien qu’un fin sourire s’était subrepticement glissé au coin de sa lèvre. Le caractère débonnaire de la jeune humaine avait quelque peu perdu de sa superbe. Bien que pétrie de pétulance, elle n’en était pas pour le moins sincère en lui soumettant sa candidature. Cette femme nimbée d'une aura irrésistible était parvenue en quelques échanges à dompter sa véhémence, ou à la lui pardonner, ce qui revenait au même. Depuis la rafle, c’était aussi le premier rapport « humain » auquel elle avait eu droit. Shae était certes têtue mais pas stupide pour un sou. Vivre demeurait sa seule priorité, s’enfuir deviendrait la seconde. Et si dans cet intervalle, elle pouvait se payer le luxe d’un séjour dans la suite princière, ça n’était définitivement pas de refus. Dans l’embrasure de ses yeux contusionnés, la vision de cette étrange femme demeurait son seul horizon.


☶ New Abbotsford ☶
Janvier 2385

- Aucune chance de sortie pour toi cette fois-ci. Quel gâchis, sermonna Mihaïl.
Le garde lui jeta un regard accusateur. À force de passer par ici, il avait fini par occuper ses relèves de nuit en discutant avec elle, discrètement. Pas un mauvais bougre pour une sangsue, quoi qu'affreusement moralisateur.
- Ouais, j’ai encore merdé, jeta négligemment Shae en triturant ses chaînes.
- Merdé ? T’as jeté un pavé sur un conseiller, pas n’importe lequel en plus, si ça ne tenait qu’à lui, vous, humains, seriez tous enchainés et drainés comme des porcs.
- Quel enfoiré ! Je regrette de m’être excusée du coup, plaisanta-t-elle.
- Shae c’est du sérieux cette fois-ci, qu’est-ce qui t’a pris ?
- Je m’emmerdais.
- Je te pensais plus maline que ça, répondit sèchement Mihaïl, déçu par la désinvolture de l’humaine.
Sans prévenir, le masque facétieux de la jeune femme se craquela soudainement.
- C’était pas voulu… On était une vingtaine à ramasser des pavés sur le quai. Ramasser des pavés… souffla-t-elle dans un rire jaune. Il faisait froid, j’en avais marre, j’ai donné un coup de pied dans un bout de caillou, même pas un pavé entier, et cet idiot s’est placé sur la trajectoire. C’était pas calculé. On va pas me tuer pour ça quand même ? Le mec est immortel, on s’en fout, non ?
- C’est le geste qui compte.
- La Reine interviendra.
- La Reine ? Shae, je ne voudrais pas ajouter à ton malheur, mais tu vises un peu trop haut là. Elle a bien d’autres chat à fouetter.
- Mais je n’ai pas fait exprès !, s’écria-t-elle… on va pas en faire tout un pataquès ?, s’indigna-t-elle dans un mince filet de voix, trahissant son inquiétude.

Mihaïl ingéra l’information non sans sympathie. Il n’avait aucune raison de ne pas la croire, mais il ne pouvait rien faire pour elle, c’était bien au-delà de sa portée. Il se détourna silencieusement, dodelinant tristement de la tête, lesté de son impuissance. Il l’aimait bien cette petite.

Le cliquetis de la serrure et le grincement strident de la grille la réveilla en sursaut. L’imposante charpente d’un homme se tenait devant elle et s’activait à détacher ses liens. Shae détailla la carrure du type en songeant qu’on lui avait envoyé montagne en guise de bourreau pour la tenir en place cette fois-ci. C’était certes prudent, mais un peu superflu. Pour la première fois de sa vie, elle prit réellement peur. Son cœur s’emballa, saisie de panique et d’une fulgurante pulsion de vie. Elle attendit qu’il détache le dernier lien qui la maintenait clouée au sol par la cheville et lui lança un violent coup de genou dans la figure. Elle se précipita vers la sortie mais il fut bien plus rapide et la saisit au poignet.

- Lâche-moi sale porc !, hurla-t-elle, lâche-moi putain, je veux pas crever ici ni que tu poses un seul de tes sales gros doigts sur moi, dit-elle dans une supplique faite au ciel qui mourut en murmure étouffé dans sa gorge serrée.
- Cesse de te débattre, veux-tu !, gronda le tranche-tête. Je ne suis pas là pour te vider de ton sang, ni pour te tuer, encore moins pour te violer. Et tu ferais bien d'apprendre à te tenir dès maintenant, tu auras besoin de discipline à l'avenir.
- À l’avenir ?, répéta-t-elle incrédule. Et bien que le mot recouvrât à lui seul les possibles d’un espoir, elle le tempéra de méfiance, croisa les bras et leva un menton plein de morgue : et donc, t’es ici pour quoi ? Pour passer en revue la liste des choses pour lesquelles tu n’es pas là ? Ce serait plus simple de me dire pourquoi. En fait, je ne bougerai pas d’ici. Pas tant que je ne le saurai pas.

Sans obtenir de réponse, elle n’eut le temps que d’entendre un rustre grognement avant de se sentir soulevée de terre. Aucune de ses protestations ne semblèrent heurter ou convaincre son assaillant de la poser, elle tira consécutivement sur sa chevelure argent, puis sur la garde de son épée, jusqu’à se hisser sur son épaule et hurler à s’époumoner dans le creux de son oreille. L’homme continuait son imperturbable ascension hors des cachots humides. Sans avoir vue sur leur destination, elle reconnut la voix de Mihaïl, qui, au lieu de lui venir en aide, gratifia l’homme d’un très solennel et respectueux salut militaire. « Commandant Shepherd ! ».
Elle jeta un regard outré et accusateur à son compagnon de cellule, qui répondit en haussant les épaules. Après quelques secondes de silence, ballotée en cadence, elle tenta une autre approche :
- Commandant Shepherd… puis-je savoir quel est le gros Con, discourtois et surement très très laid, qui vous envoie me chercher sans même vous charger de me révéler à qui je vais avoir affaire ?
- Je te prierai de parler autrement de la Reine Lucrezia. Et j'exige de mes hommes un langage correct, il en ira de même pour toi si tu veux des réponses à tes questions.
Shae éructa d’un rire triomphant.
- Ah ah ! Je le savais ! Fallait me le dire plus tôt Commandant, je t’aurais épargné tout ça. Tu peux me poser, maintenant : je vais te suivre.
Elle s’épousseta et put enfin observer à loisir le bougre. Malgré son air renfrogné, il n’était point laid du tout. Un nez volontaire, de belles lèvres charnues, un grand front honnête et des maxillaires puissantes. Son petit manège avait eu l’avantage de lui apprendre au moins une chose : l’homme était un loyal, pas très loquace et un peu sinistre.
- Alors, c’est quoi le job ? Lui faire les tresses, faire couler son bain, lui frotter le dos et dépoussiérer ses bibelots ?
Il leva les yeux au ciel.
- Dame de la couronne au service de la Reine. Je ne connais pas le détail, mais j'espère que tu sais manier le balai et les huiles essentielles.
- Mmmh, je me débrouillerai. Alors je suis "un de tes hommes" commandant ? Qui sont ces autres hommes qui ont le plaisir de recevoir tes ordres ?
- Les Gardes Royaux.
Oui, c’était peut-être en deçà de « pas très loquace », révisa Shae intérieurement. Il la laissa sur le parvis, au bout duquel une petite porte désignait l’entrée de service. Là, une dénommée Lysa l’attendait, Dame de compagnie personnelle de la Reine, chargée entre autres de sa formation. Postée sur les marches, elle sembla hésiter, jeta un regard au lointain, par-dessus et au-delà des murailles encerclant la cité. Avant qu’il ne l’abandonne pour retourner à ses fonctions, elle l’arrêta d’un geste furtif de la main sur l’épaule.
- Attend... Je sais quelle image je renvoie… j’ai bien cru que c’était la fin pour moi aujourd’hui, alors ça te fait peut-être ni chaud ni froid, mais je te remercie.
Elle passa deux doigts sur sa tempe en signe d’adieu, reprenant cet air insouciant qui était le sien.
- À la revoyure, Commandant.


☱ New Abbotsford ☱
Mars 2385

- Shae ? Je crois avoir fait demander un bain, avisa la Reine passablement agacée à la vue de sa dame de la couronne outrageusement étendue sur un fauteuil, plongée dans un ouvrage issu de sa bibliothèque personnelle.
- Juste une minute, répondit distraitement Shae, je finis ma phr…
- Tout de suite, Shae !
- Vous n’avez pas l’éternité ?, rétorqua-t-elle méchamment.
C’en était trop, la Reine fondit sur elle et planta violemment ses crocs dans la peau hâlée du cou de l’esclave… Quelques instants plus tard, Shae, la mine affreusement boudeuse, versait à l’aide d’une cruche l’eau délicieusement brûlante et parfumée sur les épaules diaphanes d’une Reine extatique.

- Sois plus discrète, j’entendrai presque tes pensées ruminantes, c’est agaçant.
Shae tira dégoûtée un pan de sa fine robe maculée de sang et la lâcha presqu’aussitôt dans un bruit de succion humide.
- Ça colle et c’est froid, tempêta la jeune femme.
Serrant la mâchoire, Lucrezia empoigna la gorge de l’esclave en l’entrainant d’une force prodigieuse au-dessus de la baignoire, tout près de ses crocs.
- Tais-toi ou je recommence.
- Je sais pas, je vais peut-être continuer, ça n'était pas tout à fait déplaisant, sourit l’intrigante.
Sur ce, la Reine la projeta à l’eau en la maintenant quelques dangereuses secondes sous la surface du bout du pied. Shae immergea en éclaboussant à tout va, le cœur battant, humiliée comme un chien mouillé et écumant de rage. Le tissu imbibé de sang dégorgeait largement dans l’eau du bain. La reine y trempait les doigts négligemment, jouant avec les volutes pourpres du bout de ses ongles d’albâtre.

- Mmmh, je le voudrais toujours ainsi. Je me sens un peu comme Comtesse Bathory dans son bain de vierges.
Ignorant la référence inconnue, Shae profita plutôt de l’accalmie pour savourer à son tour la chaleur du bain. En chien de faïence, un rebord chacune en guise de dossier, Shae toisait la Reine qui se délassait les yeux fermés. Elle était si belle sous la chaude lumière tamisée, qu’il était difficile de lui tenir rancune, aussi, lorsqu’elle tendit un pied inquisiteur pour se faire masser, l’esclave revêche obtempéra.
- Je ne sais pas qui c’est ta comtesse, Reine de nuit, mais pour le bain de vierge on repassera.


☲ New Abbotsford ☲
Avril 2385

Shae arpentait le château, alanguie et contemplative, tantôt confondue en pensées désordonnées, songeant de çà de là au pli qu’avait pris sa vie, à son ancienne tribu, tantôt absorbée par une vision inspirante, conservant en mémoire un visage croisé ou un détail d’architecture. Elle n’avait jamais rien vu de tel et tout lui semblait… esthétique et confortable, bien loin des tôles, du sable argileux et de la poussière d’Arizona. Il lui semblait que tout était plus riche et divertissant. Déambulant ainsi sans but, elle passa devant une lourde porte en bois, d’où sifflaient dans la salle qu’elle protégeait de vives stridulations de métal. Elle jeta un œil dans l’embrasure pour apercevoir le Commandant de la Garde Royale tout absorbé dans une danse à l’épée. Elle s’introduisit dans le dojo bordé de couloirs surélevés sous toiture gothique, se faufilant comme une grâce vaporeuse. S’il avait senti sa présence, il n’en montra nul indice, aux prises avec un ennemi imaginaire, criblant l’air d’estocades impitoyables. Il avait été pour le moins rigide jusqu’ici, préservant une distance protocolaire édifiante un brin usante et cocasse. Elle avait pourtant multiplié les sourires, œillades explicites et gestes ne souffrant nulle équivoque. À mi-parcours sur la longueur de l’estrade, elle s’accota à une colonne et croisa les bras, amenant deux doigts enjôleurs à sa bouche pleine. Bram amorça une embardée, fit volte-face et tendit le bras dans un mouvement furtif, dont le prolongement de la lame pointa droit sur la jeune femme. Elle se fendit d’un sourire mutin en obtenant enfin l’attention du Commandant. Devant la mine perplexe du guerrier, elle émit un rire chaud et poursuivit d’une démarche lascive jusqu’au présentoir d’armes disposé sur la largeur de la salle. Elle avisa Bram d’un œil joueur et délogea un arc et quelques flèches. Elle descendit les trois marches la menant au dojo et sous le regard circonspect du vampire, braqua son arc et banda la corde.

- Tu es rapide, Commandant mais à quel point : saurais-tu éviter ma flèche ?, provoqua-t-elle.
- Encore faudrait-il que ta flèche arrive jusqu'à moi..., dit-il en pointant son arc du bout de sa lame, avec une telle position, je serai étonné qu'elle aille plus loin que tes pieds.
- Tu te moques Commandant, mais je vois bien où pointe la flèche. Ces tentatives de manipulation ne marcheront pas sur moi, contra une Shae à l’infaillible conviction, maintenant sa cible en joue.
Comme pour démontrer sa totale absence de défiance, Bram posa son épée à terre, exposant ses flancs sans arme pour se défendre, et accentua l’affront d’un sourire goguenard, résolument confiant.
- Très bien. Alors, tire, invita Bram.
Intrépide, la jeune femme ne se fit pas prier. La scène se passa si rapidement qu’elle en hoqueta de surprise malgré elle. Alors que la flèche allait maladroitement se planter dans l’une des colonnes cerclant royalement le dojo, manquant de peu d’écorcher l’avant-bras du Garde qu’il évita aisément, elle cligna seulement des yeux pour voir son arme arrachée de ses mains. La surprise passée, elle se réjouit plutôt de ce rapprochement soudain et heureux, propice à ses desseins depuis trop longtemps ignorés.
- Ma parole, Commandant… mais vous fanfaronnez ! Ce n’est pas très digne, ça. Quels plaisirs coupables puis-je encore vous enjoindre à embrasser ?
Elle le fixa avec l’intensité et la malice d’une Vénus déliquescente devant son air interdit, puis lentement, dirigea une main à son épaule, et d’un geste dégrafa la péplos savamment drapée, qui chuta au sol comme une caresse, révélant l’indécente nudité. L’ahurissement digéré, le feu d’un désir sauvage embrasa le regard fauve du Commandant, agrippant la plante qui lui était si ouvertement offerte.


☵ New Abbotsford ☵
Septembre 2386

- Ne bouge pas.
- Je te demande pardon ?, s’indigna Lucrezia.
Shae sauta de son fauteuil et vola vers la cheminée, saisit un morceau de charbon qu’elle brisa en le frappant contre le chambranle, ne s’embarrassant pas du jet de poussières et de petites particules projetées sur le sol. Elle fit volte-face et décrocha sans demander la permission un tableau ornant le mur. Elle se rassit précipitamment et plaqua le tableau retourné sur ses genoux pliés. Elle consulta la toile vierge, prit une inspiration exaltée, puis s’appliqua alors à réaliser le portrait de cette femme alanguie sur son sofa.
- Que manigances-tu ?
- Vous avez bougé, observa-t-elle.
Elle se redressa vivement en laissant le tableau sur le fauteuil et s’approcha de la Reine, la bouche entrouverte d’indignation et un sourcil redressé inquisiteur. Shae posa un doigt délicat sous le royal menton et l’inclina légèrement, concentrée sur la vision de sa représentation, et tout à fait consciente de sa sensualité.
- Là, la lumière met en valeur ce bout de mâchoire jusqu’à la pommette et la tempe, dit-elle en caressant la peau de lune en ces endroits. C’est… « rembranesque », souffla-t-elle, relativement fière de mettre en application verbale ses récents apprentissages.

Elle quitta son manteau frondeur pour s’enrober d’une peau de sincérité insoupçonnée, sans masque facétieux. Elle se mit à gratter frénétiquement la toile de son fusain de fortune, et ce fut comme si la toile l’avait aspirée, qu’elle y avait plongé les mains pour sculpter ses visions dans une glaise de papier. La Reine se laissa faire, curieuse et amusée de découvrir une nouvelle facette de sa protégée. L’esclave ne posa le fusain qu’au bout d’une heure, épuisée, comme drainée de toute son énergie. Elle contempla son œuvre un moment, jusqu’à ce que la Reine claque la langue d’impatience. La jeune femme hésita, paraissant soudainement vulnérable à la critique. Puis elle retourna le tableau, et la Reine se fendit d’un mystérieux sourire.
- Je me demande ce que vaudrait ton talent avec quelques pinceaux et pigments.

☳ Attaque de New Winnipeg ☳
Novembre 2386

Enfermées dans leurs quartiers, Lysa et Shae s’activaient à barricader l’entrée de leur chambre en poussant tous les meubles de la pièce contre la lourde porte. La Haute Tour était assiégée, ce fut si rapide que Shae n’avait eu tout juste le temps de courir et de prendre Lysa par la main, emportant dans sa folle course deux autres Dames de la Couronne toutes aussi hagardes. Toutes craignaient pour leur vie, pleurant et s’encourageant mutuellement en se prenant les mains, perdant espoir et s’enhardissant tour à tour sous les admonestations d’une Shae impitoyable. Bientôt, d’assourdissants coups sur la porte les poussèrent à ouvrir les fenêtres pour s’offrir une échappatoire inespérée. Shae désigna une chariote de foin sur la droite, deux étages plus bas. « Tu es folle, c’est bien trop haut, nous nous tuerons ! ». Shae répondit brutalement, poussant le battant du volet du pied et enjambant déjà la balustrade. « C’est ça ou se faire découper en rondelle par ces soldats ». Sur ce, elle se donna un grand coup d’élan pour corriger sa trajectoire, et plongea dans le vide. La chute fut terriblement rapide et longue à la fois. En s’apercevant que la poussée n’avait pas suffi, qu’elle s’écraserait indubitablement sur les pavés, la vision de son corps sans vie, cervelle éparpillée, s’imposa à elle. Elle écarquilla les yeux, refusant jusqu’au dernier moment le glas absurde. Non, c’était bien trop tôt, elle ne pouvait pas mourir. Pas elle.

Elle sentit son corps se ramasser brutalement entre deux bras puissants, durs comme le marbre, prenant néanmoins la peine d’amortir sa chute. Elle ouvrit les yeux sur un homme étrange, sa peau ridée, diaphane sous la lune, ne trompait pourtant pas ses origines : celle du soleil des plaines, teintant autrefois sa peau du rouge amérindien. En contre plongée, elle détailla l’aile de sa mâchoire, son long nez aquilin, presque crochu comme un bec d’aigle, et ses cheveux gris noués en tresses emmêlées. Étonnement, elle ne prit pas peur, davantage même, elle se surprit à se sentir en sécurité, la présence impromptue du vampire, vaguement familière. Mais la rencontre, interrompant brièvement la course du temps, laissa place à l'effroyable réalité alentour. Des enregistrés et vampires couraient tout sens, des soldats, amis et ennemis, se déchiraient dans une bataille qui ne laissait guère de place à l’espoir. Lysa hurlait son nom par la fenêtre, Shae tenta de se débattre et de se justifier auprès de son sauveur. « Faut que j’y retourne, pose-moi ! » mais l’homme ne l’entendait pas de cette oreille, la menant aussi vite que possible hors d’atteinte. Shae rageait, hurlait, battant des genoux, poings et coudes sur un cuir de bête aussi dur que sa tête de bois. Il ne consentit à la relâcher que dans la noirceur puante des égouts, Shae le prit en grippe derechef, l’accusant de l’avoir dérobée à ses consœurs qu’elle aurait pu sauver des griffes de leurs assaillants, mais l’homme lui intima le silence d’un mouvement de bras beaucoup trop lent pour être apaisant. Il se détourna d’elle et ses pas imprimèrent des cercles concentriques sur la surface noirâtre et stagnante de l’eau. Il semblait comme voler au-dessus, silencieux comme un cygne. Elle croisa les bras, partagée, refusant de bouger. Puis, l’image de son sauveur se perdant dans l’obscurité à mesure qu’il s’éloignait dans le boyau sombre devant elle, elle choisit de le suivre.


☶ Zone de la mort ☶
Novembre 2386

Cet homme, c’était Loup Blanc. Il habitait une tanière en bordure de forêt, constituant en un aménagement sommaire dans une grotte à flanc de falaise, pour un temps incertain, car celui-ci était nomade, suivant la course de ses enfants à travers les âges et les frontières. Peu loquace, s’exprimant en étranges galimatias d’énigmes et de logogriphes, oubliant, parfois, de terminer ses phrases ou d’y apporter verbes et sujets, rendant la compréhension de ses rares élocutions pour le moins difficiles et mystérieuses. Shae comprit néanmoins, à force de patience et en parvenant à extraire peu à peu une logique de ses pensées amphigouriques, qu’il avait connu sa mère biologique, qu’il était une sorte de « veilleur », et qu’il s’était inventé la mission de protéger sa famille. Il ne fut pas long avant qu’elle réalise, sans qu’il ne le dise jamais vraiment, que Loup Blanc avait été homme, avait eu une femme et des enfants, et que ces enfants l’avaient mené jusqu’à sa mère, puis elle.

- Il y a des lunes…, commença-t-il et s’interrompant de longues secondes comme il le lui était coutume, il existait. La course du soleil il suivait. Vivre le jour, rêver la nuit. La pêche et la chasse pour manger. Puis les hommes blancs venus des eaux du bout du monde. Le sang. L’exode. La maladie. La mort… beaucoup, dont lui. Il renait, oiseau de nuit, ayą́ dił chahałheeł, et sans autre but, il suit le Dineh, et les protège.
- Je vois…
- Que vois-tu ?, s’inquiéta Loup Blanc.
- Eh bien… je suis ravie de ne pas avoir hérité de ton nez.

L’élocution de Maʼiitsoh łigai allait en s’améliorant, à mesure qu’elle le reprenait, explicitait pour mieux comprendre. Il adopta quelques tics de langages propres à Shae qui dans sa bouche, sonnaient faux mais faisaient sourire sa descendante. Bien que secret et peu loquace, le caractère curieux, enthousiaste et capricieux de Shae le poussait à sortir de ses retranchements. Encouragé par ses exhortations insistantes, il lui raconta quelques histoires de son peuple, le Dineh, certaines de leurs coutumes, le respect de la nature et du cycle de la vie. Le Hozho, ce mot recouvrant de nombreux sens, au cœur de la philosophie Dineh. Joie, amour, humour, conscience, beauté, équilibre, guérison. Il raconta les chamans, les femmes et hommes médecins : les 'Hataali, la musique et l’art Dineh. Ce n'était que lorsque Maʼiitsoh łigai racontait les histoires de son peuple qu'il il semblait recouvrer le don de la parole, comme animé par l'âme d'un poète ou d'un compteur.

'est la légende d'Hózhǫ́ náhásdįį', la Beauté est revenue. Au commencement, les Êtres Sacrés ont créé la Terre-Mère, Ni’hoosdzáán et le Père-Ciel Yá- dans une harmonie parfaite. Les polarités mâles et femelles œuvraient ensemble, le ciel caressait la terre de ses rayons de soleil et la fertilisait de sa pluie bienfaitrice, la terre le rendait au ciel en plantes et en couleurs. Des torrents d’eau pure abreuvaient tous les animaux, la lune éclairait la nuit pour ne jamais la laisser tout à fait seule dans le noir. Mais un jour, la terre devint orgueilleuse, arguant que tout ce qui se trouvait sur la terre lui appartenait, et que tout était bien plus beau sur terre que dans le ciel. Le Ciel Père se mit en colère, répondit que oui elle était belle, mais elle ne le serait pas tant sans lui, sans son soleil, sans son eau, son énergie. Alors, se disputant, la Terre et le Ciel décidèrent que dorénavant, ils ne travailleraient plus ensemble. Le ciel envoya des météorites, crachant son feu et trouant la terre de cratères béants, des montagnes s’élevèrent, des volcans ardents tonitruèrent, détruisant tout sur leur passage et emprisonnant les vivants dans la lave pétrifiée. Les arbres s’asséchèrent, car ils n’avaient plus d’eau, la pluie de cendre leur obstruait la lumière et ils ne poussaient plus. Au bout de quatre ans, il ne restait plus qu’un oiseau et quatre plantes. Alors, ces derniers êtres sacrés décidèrent d’intervenir, car ils n’aimaient pas ce qu’ils voyaient dans le ciel et sur la terre. Les quatre plantes vinrent solliciter l’aide de la terre, la suppliant de se réconcilier avec le ciel car elle perdait sa beauté. Et la Terre répondit « vous avez raison, j’ai eu tort de penser que je pouvais m’occuper toute seule de tout cela, je vais envoyer un message de réconciliation au ciel ». La terre envoya son dernier oiseau pour s’excuser. Tous attendaient la réponse du ciel. Le quatrième jour, le ciel tonna, se teinta d’épais nuages gris, les éclairs fendirent les nuages. L’oiseau revint à la terre en délivrant le message du ciel : un rideau de pluie pure suivait sa course. Et la Terre-Mère recommença à prendre vie. Les quatre plantes qui avaient réussi à survivre étaient le Cèdre, le Tabac, le Yucca et la Sauge des montagnes, et l'oiseau qui avait porté le message au Ciel était l'Aigle Royal. À partir de ce jour, il y eut des règles pour différencier ce qui appartenait au Ciel et ce qui appartenait à la Terre. Il y eut une pluie femelle, et une pluie mâle qui tombaient du ciel. Les montagnes, les rivières et les plantes furent mâles et femelles, et bien sur toutes les espèces d'animaux et d'oiseaux. Alors, tout ce qui vit sur terre travailla en égalité.



- Mmmh c’est joli. Très paritaire cela dit, tu n'as jamais entendu parler du troisième sexe ? Enfin... c’est curieux, dit-elle en plissant le nez. Tu sais que dans la Grèce antique, la Terre est aussi une femme : Gaïa, et le ciel un homme : Ouranos...

ʘuranos a été enfanté par Gaïa avant de devenir son amant… Mais oui tu as bien compris, les mythes grecques sont jalonnés d’incestes. D'ailleurs le fruit de leur union a donné naissance à une drôle d'engeance : les titans, les cyclopes, les hékatochires, et les géants. Le truc un peu con, c’est que tous ces enfants sont coincés dans Gaïa et ne peuvent pas bouger, Ouranos les repousse toujours violemment vers la Terre, parce qu’il est tout à fait collé à elle, comme si le ciel à ce moment-là, avait une composition solide. Forcément ça ne plait pas aux mioches, qui se retournent contre leur mère et l’assaillent, l’étouffent. N’y tenant plus, elle enjoint ses gamins à se rebeller contre Ouranos. « Ciao les gosses, allez plutôt saouler votre gros fainéant de père ». Elle fabrique une serpe en silex pour Kronos, le plus jeune des Titans et quand Ouranos, ce vieux pervers, revient faire l’amour à Gaïa, Kronos brandit sa serpe et lui coupe la bite « Couic ! »
Bon bref, Ouranos se retire loin sur la voute de l’univers la queue entre les jambes, enfin… non, du coup… bref et les enfants de Gaïa sont libérés du giron de leur mère. Kronos prend alors le pouvoir et épouse sa sœur, Rhéa - et oui, encore - et ils font plein de gosses. Et comme "il se marièrent et eurent beaucoup d'enfants", ça n'est pas trop du goût des Grecs, Kronos se met à dévorer tous ses enfants, parce que le gars est hyper mégalo, il veut le pouvoir pour lui seul et il a peur que ses enfants finissent par lui voler le trône de l’univers. Rhéa parvient à s’enfuir alors qu’elle est enceinte, et accouche de Zeus, qui reste caché sur une île en Crête. Bref, Zeus grandit en cachète, et finit par vouloir se venger de son père. Avec l’aide d’une Océanide : Méthis, une nana archi smart, et sa mère Rhéa, ils concoctent un poison pour faire régurgiter tous les enfants prisonniers dans la panse de Kronos. Zeus parvient à le lui faire avaler en se déguisant en serviteur. T’imagines bien qu’après ça, Kronos est grave en rogne et soulève tous ses frères Titans pour mener une guerre contre ses propres enfants, qui va durer une centaine d’années. Gaïa explique alors à Zeus qu’il doit trouver les cyclopes pour l’emporter, mais qu’ils se trouvent en enfer où Kronos les a jetés. Ceux sont eux qui apporteront à Zeus le pouvoir du tonnerre. Zeus les libère, s’achète leur soutien et gagne la guerre contre Kronos. Et c’est pas fini ! Comme si c’était pas assez compliqué, c’est Gaïa qui finalement retourne sa veste en reprochant à Zeus d’avoir évincé ses autres enfants : les Géants. Alors rebelote, guerre avec les Géants. Zeus allait perdre la guerre, donc ni une ni deux il fait un gosse à une mortelle qui accouche d’Héraclès, qui lui – va savoir pourquoi - parvient à achever les Géants d’une flèche là où Zeus avec ses éclairs n’arrivait à rien. Gaïa, cette grosse pimbêche qui n’a pas fini de faire sa chieuse, s’unit avec le Tartare, le lieu le plus reculé, le plus sombre des enfers d’où jaillit une bête immense et monstrueuse : le Typhon, avec une tête de lion et un corps entouré de serpents, tellement grand qu’en tendant les bras, il peut toucher l’orient et l’occident. Tous les frères et sœurs de Zeus apeurés se carapatent en Égypte et se transforment en animaux. Enfin bref, Zeus continue de livrer bataille au Typhon, arrache à la terre le mont Etna et le tue en lui balançant sur la tête, et il devient le maître incontesté de l’univers. Il s’auto-proclame maître du ciel, donne à son frère Poséidon la garde des mers et océans, et à Hadès, les clefs des mondes sous-terrains. Et tout est bien qui finit bien.



- Ton histoire est… étrange, il n’a pas tout compris. Ce peuple dit que la paix vient avec la guerre et le sang, sans possibilités d’ałgáádeitʼááh.
- Ah mais c’est complètement fucked-up tu veux dire, les Grecs ont fait plus que fumer le calumet de la paix si tu veux mon avis…. Pardon. Mais ça me plait ! Les histoires, la mythologie, les légendes, je trouve ça absolument passionnant, y a plein de rebondissements, de trahisons, de complots, de messages cachés. La bibliothèque d’Abbotsford en regorge, j’avais jamais vu autant de livres de ma vie… Ça me fait penser : tu voudrais pas consigner toutes tes légendes à toi dans un bouquin ? Puis, ton histoire aussi. Ça ne te ferait pas plaisir pour une fois, de transmettre tout ce que tu sais à ta hatsi favorite ?
- Ces histoires sont mortes.
- N'importe quoi ! Ce qui fait qu’une histoire est morte, c’est qu’il n’y a plus personne pour la raconter. Ça me fout la frousse, ça, le néant…


Zone de la mort
Quelques semaines plus tard...

- Atʼąąʼ Niyol Bee…
- Oui ?, Shae avait pris l’habitude qu’il la nomme ainsi « Feuille poussée par le vent », elle posa son carnet à terre et le considéra sérieusement, de toute évidence, Loup Blanc avait quelque chose d’important à dire.
- Ayą́ dił Oolijé’ est revenue.

Shae écarquilla deux grands yeux ahuris, elle se redressa d’un bond du haut de ses longues jambes effilées et sortit en trombe de la caverne juchée sur les hauteurs de la falaise. Elle posa les yeux sur les lumières lointaines de New Abbotsford, le cœur battant la chamade. Le profil crochu de Loup Blanc entra dans son champ de vision, où s’agrippait une tristesse résolue. Elle comprit ce que son départ pouvait signifier pour lui : sa solitude, le retour à la mission fataliste et solitaire qu’il s’était imposée. Pourtant Shae ne lui proposa pas de la suivre. Elle savait, Loup Blanc n’était ni vampire, ni homme, c’était une résurgence du passé, une ombre s’attachant encore à faire vivre la mémoire des temps oubliés au travers des vivants.

- Je ne te reverrai donc jamais ?
- Ici n’est pas sa terre, une fois la vie partie il retournera dans la anoonééł. Il est ayą́ dił chahałheeł.
- Tu n’es pas que ça. Tu es Maʼiitsoh łigai, mon aïeul.
- Il ne reste jamais loin, confessa-t-il. Il parut hésiter, puis d’un ton plus lugubre se résolut d’ajouter : At’aa’ Niyol Bee… il voulait te laisser le choix, mais il doit te dire, tu as oublié ton clan : tu es Hawakii. Il préférerait t'y conduire.
Shae écarquilla les yeux en s’apercevant qu’elle n’avait pas même songé à retourner en Arizona, auprès de Helda et de Liam. Elle ne parvint à lui opposer de réponse, délivrant dans son silence son cruel abandon. Comme si Maʼiitsoh łigai l’avait compris, il produisit de sa cape un épais grimoire et le lui tendit.
- Il… j’ai écrit pour toi… nos légendes. Il y a, aussi, un peu de souvenirs d’homme, lointains, très lointains. Tu as demandé, alors Maʼiitsoh łigai a écouté, tu vois. Il a laissé des pages sans mots pour tes naashch’aa’.
Shae voulu saisir le manuscrit sacré, mais Loup Blanc le retint entre ses mains d’albâtre calleuses. Elle fronça les sourcils, pressentant l’énoncé des conditions de son retour à New Abbotsford.
- Hatsi, fait attention aux Ayą́ dił, même Ayą́ dił Oolijé’, même Ma’iitsoh łigai. Ne devient jamais comme lui. Tu dois promettre de respecter le don de la vie, et d'avoir la chance de le donner à ton tour.

Elle ne répondit pas, refusant de lui céder cette infâme promesse, outrée et déçue de n’être dans ses yeux que le réceptacle de sa descendance. Il soutint son regard de façon nouvelle, avec une insistance et une inflexibilité telles, qu’elle comprit qu’il ne la laisserait pas partir si elle n’apaisait pas ses craintes. Alors, elle lui délivra le plus éhonté des mensonges, enterrant sous un masque d’intégrité toute la culpabilité qui la tenait au corps, contrôlant les pulsations transfuges de son cœur jusqu’à faire sienne cette idée, trompant la vigilance de son aîné.


Shae se présenta aux portes de la cité, solennelle et porteuse d’une sagesse nouvelle sur son visage canaille, ou était-ce le poids de sa malhonnêteté ? Elle ne parla pas de Loup Blanc, quand bien même Lysa la harcelait de questions. Devant l’implacable détermination de Shae à ne rien lâcher, elle finit par douter du souvenir de son amie arrachée à elle dans les bras d’un homme étrange. Seule dans leur chambre, Shae, armée d’un couteau, creusa le mortier scellant une pierre dans le mur et l’y délogea pour y cacher le précieux ouvrage de Loup Blanc. Dans l’enceinte de sa chambre se trouvaient à présent ses racines et sa honte, enfouis, à la portée de tous.


☳ New Abbotsford ☳
Mars 2388

Asdzáá nádleehé – the changing woman
Un matin, au soleil levant, Première femme et Premier Homme entendirent au loin les pleurs d’un nouveau-né. Premier Homme se laissa guider par les larmoiements jusqu’en haut de la montagne, et trouva une nouvelle-née, enfantée du néant et de la nuit pour le plaisir du jour, enveloppée dans un duveteux taffetas de nuages blancs. Première Femme et Premier Homme furent si touchés par la divine apparition, qu’ils décidèrent de l’adopter et de l’élever comme leur propre enfant. Quand l’enfant devint femme, le peuple sacré organisèrent la cérémonie du Kinaaldá, marquant l’éclosion du pouvoir de procréation. À l’âge où le corps s’affirme comme une fleur s’épanouit, Asdzáá Nádleehé prit un bain nue dans la cuve d’un torrent, et le soleil la caressa de ses rayons pénétrants. Elle alla souvent visiter l’astre, qui lui apparaissait comme un amant. L’union donna le jour à deux fils jumeaux. Devenue mère, elle porta le nom de Yoolgai asdzáá, la femme aux coquillages blancs. Le peuple saint se réunit, chacun détenant une coquille blanche qu’ils ajoutèrent à la robe de daim blanc de la Première Fille devenue Mère. Ses cheveux étaient attachés en queue de cheval à la nuque, noués par une peau de daim, symbolisant l'importance de rassembler ses propres pensées, sa concentration, sa détermination et ses réalisations dans la vie. Sortis du giron de leur mère, et devenus grands, les jumeaux partirent à l’âge adulte débarrasser le monde des monstres. Asdzáá nádleehé se trouva alors bien seule et créa de sa propre chair des compagnons de vie. Ils devinrent les premiers ancêtres Navajos.


- God is a woman, commenta Shae caustique, et qu’est-ce que Asdzáá nádleehé est tout de même condamnée à faire ? Des putains de bébés.

Elle rejeta le carnet de Loup Blanc, renfrognée, et fut tirée de ses élucubrations amères par une énième quinte de toux. Lysa trainait un mauvais rhume depuis quelques jours déjà. Shae vint s’assoir sur le lit de son amie et toucha son front brûlant. Lysa avala difficilement sa salive et inspira une ridicule goulée d’air dans un sifflement rauque, Shae perçut alors le fin liseré rouge à sa commissure.

Lysa fut aussitôt transportée au dispensaire, et sous ses admonestations, Shae parvint à lui rendre une unique visite : bref entretien à la suite duquel elle prononça l’étrange désir, à la surprise de tous, de ne plus jamais y retourner. Elle ne parla à quiconque de sa dernière entrevue avec son amie, mais nul ne douta qu’elle était l’épicentre du tremblement de terre qui ébranla alors la vie de l’esclave. Tandis que Lysa se mourrait, Shae se retranchait pathologiquement dans l’enceinte du château, jusqu’à finir par ne plus quitter sa chambre, terrifiée à l’idée d’en sortir. La fièvre rouge sévissait dans la cité, et comme atteinte elle aussi d’une fièvre démente, Shae cherchait à se prémunir, disséquant le grimoire de Loup Blanc à la recherche d’un antidote désespéré, peignant comme une furie les visions que lui inspiraient ses récits et les visages des disparus et malades afin de capturer leur éternité. Son immense crainte de la mort et de l’oubli la tenait au corps jour et nuit, sans répit. Elle n’acceptait la visite de personne, et défendait quiconque d’entrer.


L’homme a deux âmes. L’une, reste et restera collée au corps même dans la mort. L’autre est libre de toute attache et peut quitter le corps dans le sommeil, la maladie et la mort. Lorsqu’un membre du Dineh meurt, le Dineh prend ses précautions car, si la cérémonie mortuaire est une fête et un hommage, puisque la mort fait partie de la vie, il ne faut toutefois pas que l’esprit chevillée au corps puisse revenir et hanter les vivants. Trois ou quatre membres de la communauté doivent se plier au rite funéraire. Il faut jeûner trois à quatre jours dans la solitude, accueillir les visions des vies antérieures, présentes et futures. Il faut envelopper le corps dans une couverture, le porter sur le dos d’un cheval vers le Nord, et loin du village, édifier son tombeau sur la cime d’un arbre, loin de la portée des animaux mangeurs de chairs putrides. Après la venue de l’homme blanc, les morts ont été enterrés comme il est venu de leur coutume, dans la terre, mais jamais les cercueils ne furent tout à fait fermés, pour permettre à l’âme volante de s’échapper pour se réincarner, toujours au nord, loin du village.


☴ Déclaration officielle du conseil royal : épidémie endiguée ☴
Juillet 2388

Elle ouvrit la porte à la volée, savamment apprêtée, ses cheveux ondulés sentant la fleur d’oranger et le musc, distillant sur son passage le parfum de sa fumisterie, celui d’une sensualité mordante. Elle appuya l’illusion en posant un regard triomphant et gouailleur sur le monde, étirant ses lèvres d’un sourire éclatant, plus indécent que jamais. À qui s’inquiétait de la voir soudainement si enhardie, elle haussait nonchalamment les épaules, mettant en scène l’imposture d’un cœur étanche en balayant les perplexités d’un adage au cynisme scabreux : « C’est la vie ! ».





Avec la participation de @Bram Shepherd et de @Lucrezia V. De Conti  keur5

Spoiler:
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07.04.21 17:58

Invité
Anonymous
Invité
Re-bienvenue sur le forum avec cette belle et ténébreuse créature. -^

J'ai hâte de la découvrir et d'en apprendre davantage à son sujet. Bonne inspiration pour la fiche. paillette ronde
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08.04.21 12:21

Invité
Anonymous
Invité
Tellement contente que tu aies craqué sur ce personnage ! Cette Shae ... keur5 Tout ce qui entoure son histoire et ses racines est passionnant. J'ai pris un réel plaisir à lire cette fiche *.* Hâte de la voir en jeu maintenant, afin de voir où les vents vont mener cette jolie feuille. ;)
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08.04.21 17:38

Invité
Anonymous
Invité
Merci pour tes encouragements @Erwin King, ils ont payé huhu siffle

Ayą́ dił Oolijé’ alias @Lucrezia V. De Conti  OMG
Peu importe que le vent souffle, jamais la feuille ne tombe très loin de l'arbre...  heum  c'est pas ça hein ?
*Fais une petite courbette, regarde à droite à gauche : personne... entame une danse toute personnelle à la gloire de sa maîtresse*  string2

Trop heureuse qu'elle te plaise et que la lecture n'ait pas été fastidieuse ! heart  Merci pour ton aide, ta disponibilité pour répondre à mes questions, ton enthousiasme à l'accueil de mes propositions sur son histoire, j'ai craqué sur ce personnage et pris grand plaisir à écrire cette fiche, j'ai hâte aussi de la lancer dans le jeu, ce sera bien différent de Jaroslav (Oh comme il détesterait Shae *ricane*).
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10.04.21 7:18

Orphée De Valroy
Shae Atʼąąʼ Tumblr_poptzjnmSe1s8kr2go2_540
❝ Symphonia excoriari vivit. ❞

֎ Faciem : Maxence Danet-Fauvel.
֎ Diem natalis : 710 ans. Né en 1680.
֎ Officium : Co-gérant de l'Oasis Pleasure / Propriétaire de nombreux sites de minerais aux USA et en Europe.
֎ Locus : Quelque part entre son établissement et la Haute Cour.
֎ Creator : Lazare.
֎ Proprietas : Ash, son calice, ainsi que la plupart des employés de l'Oasis Pleasure.
֎ Nuntium : 1638
֎ Adventus : 09/07/2019
֎ Color : darkred.
֎ Multicomptes : Mikhaïl Azarov.
֎ Pseudo : CITIZEN WAR.
֎ Crédits : hemerasmoon (avatar), la baronne (gif sign).
Shae Atʼąąʼ Dfa8a881ebbcf37f39ae383dc224a774721d5bf7
Orphée De Valroy
Les Nantis
Mais quelle jolie créature que voilà ! pedro Nul doute que la Reine sait bien s'entourer ! Super choix de personnage dont j'ai adoré la lecture. La petite Shae est tellement différente de Jaroslav mais c'est un régal oups  Puisse ce nouveau personnage t'inspirer comme il se doit et évidemment il nous faudra un lien :]

Rebienvenue sur le forum lol


made of catacombs
“Regard noir dans le vide, je dévisage ce qu'il reste de mon avenir. Mes souvenirs deviennent liquides, je voudrais en quitter le navire.' nuit incolore
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10.04.21 15:53

Invité
Anonymous
Invité
Rebienvenue à la maison avec la divine Shae hearts
J'ai adoré te lire encore une fois, le personnage est terriblement attachant et j'ai hâte de la voir faire monter Lucrezia dans les tours (ou se faire noyer du bout du pied).
Voilà une sacrée petite furie dans la Tour, je crains déjà le jour où son chemin croisera celui de @Ephraim Lawrence mdr #duoinfernal
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10.04.21 20:45

Invité
Anonymous
Invité
Re bienvenue à toi !!! Quel personnage fantastique ! Et cette plume keur5
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10.04.21 20:46

Invité
Anonymous
Invité
OMG Shae is heeeeeere !!!!! bed

Bon j'ai lu que des petits bouts, ma foi forts alléchants, de cette bien belle fiche !
J'ai entraperçu un goût pour la peinture et le dessin qui fera le bonheur (peut-être) d'un ambassadeur Voltchenkov au passage...
J'ai terriblement hâte de me poser pour lire ça de A à Z et découvrir tout de Shae luv
(et j'ai aussi terriblement hâte de pouvoir rp avec elle !)
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11.04.21 11:24

Le Destin
Shae Atʼąąʼ Giphy
"Ab origine fidelis."

֎ Faciem : Sans visage
֎ Diem natalis : 0000 - Originel
֎ Officium : Bourreau
֎ Locus : En tous lieux
֎ Infants : Toutes âmes immortelles
֎ Proprietas : Toutes âmes mortelles
֎ Nuntium : 1238
֎ Adventus : 28/11/2017
Shae Atʼąąʼ Tumblr_pnobr9zamJ1sognhno8_r1_400
Le Destin

Bienvenue à NewAbbotsford
@Shae Atʼąąʼ

Aucune surprise que cette humaine là puisse attirer l'attention d'une tête couronnée. Compte sur le Destin pour essayer de rester de marbre face à la sublime Shae. smoke La belle du Sud devra encore faire ses preuves avant d'espérer atteindre son but ultime. mustache


Tu l'as fait ! Tu es enfin, officiellement, parmi nous ! Nous allons dans la foulée t'attribuer un rang, t'ajouter au groupe qui correspond à ton personnage, ajouter ton avatar au bottin, puis déplacer ta fiche dans la section des validées.

En ce qui te concerne tu as plus qu'à aller jeter un coup d’œil dans ces sections afin de pouvoir te lancer pleinement dans le rp !
remplir ton profil, parce que c'est toujours plus agréable
aller jeter un œil du côté des différents registres du forum afin de recenser ton perso et voir avec qui tu peux te trouver des liens facilement.
en parlant de lien ! Te créer une fiche, c'est pas toujours drôle à remplir mais c'est indispensable.
tu peux aussi aller jeter un coup d’œil au marché des horreurs, il y a tout un tas de chose à chiner
et pourquoi pas concocter un petit scénario
En ce qui concerne le RP, n'hésite pas à étoffer l'histoire de ton personnage en lui créant si tu le souhaites un journal intime, sous la forme qui te plaira !

Bien entendu le flood et les jeux sont grands ouverts.



©️️️lastroadtohell
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11.04.21 18:52

Invité
Anonymous
Invité
Merci @Dorian Lockwood, absolument, il nous faudra un lien ! Hâte de creuser tout ça, on en discute par MP quand tu veux ! Dis, entre nous : un petit portrait 🔞 avec l'élu de ton cœur, ça te brancherait ? Prix d'ami garanti ! Ce serait tout de même plus seyant à accrocher sur un mur que les dessins ô combien suggestifs, mais un peu schématiques d'Ephraim. /O

@Wanda Bożena Faire monter Lucrezia dans les tours ? Compte sur Shae ! Shae Atʼąąʼ MLJf8ui dans tous les sens possibles du terme.
Pour ce qui est d'@Ephraim Lawrence... uhu bonne idée... -^
Merci pour ces jolis mots qui me vont droit au cœur, il nous faudra un lien également, nul doute que la Conseillère aura déjà croisé le chemin de la Dame de Compagnie de la Reine.

@Andromaque Āto  merci à toi, ça me touche beaucoup ! luv
J'entrevois des possibles entre Andromaque et Shae... des atomes crochus ? Gabriella...

@Bram Shepherd Naabaahii łigaii sex ! Merci ! Ravie que ces passages se soient avérés... alléchants slurp . Mais dis-moi, faut qu'on cause tous les deux, comme ça tu as une nouvelle petite gonz' ? Va falloir me la présenter, rien de mieux qu'une petite sauterie soirée à trois pour nouer de bons liens  ronde
Et définitivement oui pour Yomi, on en discutera ET.. et... il est aussi possible qu'Agatha et elle puissent se connaître siffle

Mais ma parole, j'ai une touche avec @Le Destin   look
C'est toujours un avantage quand on ne sait pas tenir sa langue string1
MERCI ! Je vais m'occuper de tout ça au plus vite !

Merci à tous, je suis très heureuse de fouler le forum avec une nouvelle bouille, de songer à la multitude de liens et de RP futurs avec vous tous. cute
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12.04.21 22:45

Orphée De Valroy
Shae Atʼąąʼ Tumblr_poptzjnmSe1s8kr2go2_540
❝ Symphonia excoriari vivit. ❞

֎ Faciem : Maxence Danet-Fauvel.
֎ Diem natalis : 710 ans. Né en 1680.
֎ Officium : Co-gérant de l'Oasis Pleasure / Propriétaire de nombreux sites de minerais aux USA et en Europe.
֎ Locus : Quelque part entre son établissement et la Haute Cour.
֎ Creator : Lazare.
֎ Proprietas : Ash, son calice, ainsi que la plupart des employés de l'Oasis Pleasure.
֎ Nuntium : 1638
֎ Adventus : 09/07/2019
֎ Color : darkred.
֎ Multicomptes : Mikhaïl Azarov.
֎ Pseudo : CITIZEN WAR.
֎ Crédits : hemerasmoon (avatar), la baronne (gif sign).
Shae Atʼąąʼ Dfa8a881ebbcf37f39ae383dc224a774721d5bf7
Orphée De Valroy
Les Nantis
Shae Atʼąąʼ a écrit:
Merci @Dorian Lockwood, absolument, il nous faudra un lien ! Hâte de creuser tout ça, on en discute par MP quand tu veux ! Dis, entre nous : un petit portrait 🔞 avec l'élu de ton cœur, ça te brancherait ? Prix d'ami garanti ! Ce serait tout de même plus seyant à accrocher sur un mur que les dessins ô combien suggestifs, mais un peu schématiques d'Ephraim. /O

Avec grand plaisir pour en discuter davantage par mp (a) OMG je dis mille fois oui pour une telle idée ! Un joli dessin dans une pose subjective tous les deux, une scène nue même qui sait si cela peut l'inspirer -^ Nul doute qu'on les reconnaitra davantage par rapport au croquis enfantin de notre chère diva oups


made of catacombs
“Regard noir dans le vide, je dévisage ce qu'il reste de mon avenir. Mes souvenirs deviennent liquides, je voudrais en quitter le navire.' nuit incolore
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